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Epidémie de Mpox : les vraies raisons de s’inquiéter, par le Pr Gilles Pialoux


On s’attendait à d’autres alertes de santé en cette fin d’été 2024. Autant le confesser, comme l’auteur de cette chronique, les spécialistes des risques sanitaires se sont trompés. Il n’y a eu, dans le sillage des Jeux olympiques 2024 de Paris, ni explosion du nombre de cas de dengue autochtones, ni épidémie d’Escherichia coli à la suite des baignades dans la Seine, politiques ou sportives. Non, la nouvelle, la vraie alerte, est venue de la République démocratique du Congo (RDC) avec l’émergence de ce nouveau variant, le clade 1b, de l’ancienne variole du singe, désormais appelée Mpox.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Le gouvernement français démissionnaire a pour sa part placé le système de santé en état de vigilance, face à une épidémie qui augmente en Afrique subsaharienne (14 957 cas en 2023, 18 837 pour les sept premiers mois de 2024 et quatre pays de plus concernés : Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda). La Direction générale de la santé (DGS) a réactivé le plan mis en place en 2022, où une première épidémie hors d’Afrique avait causé près de 100 000 cas dans 117 pays, majoritairement chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), et entraîné le décès de 600 patients.

Facteur d’inquiétude supplémentaire, l’apparition de ce nouveau variant, le clade 1b, d’abord détecté en RDC en septembre 2023, puis en de rares occasions hors d’Afrique, en Suède et en Thaïlande (au 4 septembre 2024). Un mutant (délétion d’un gène OPG032) qui n’était pas attendu pour des virus à ADN qui, contrairement aux virus à ARN (VIH, Sars-CoV-2…), mutent peu.

La transmission sexuelle, facteur de propagation

Principe de précaution ou risque réel d’une nouvelle pandémie de Mpox ? Certes, aucune contamination par le clade 1b n’a encore été recensée en France au 4 septembre 2024. Depuis l’épidémie de 2022, c’est le virus du clade 2 qui circule à bas bruit, avec un nombre mensuel de cas rapportés variant entre 12 et 26 entre janvier et juin 2024, selon Santé publique France (SPF). À ce jour, les cas signalés sont majoritairement bénins et aucun décès n’a été signalé.

Pourtant selon différentes expertises (Haute autorité de santé, Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Haut conseil de santé publique…) et nombre de spécialistes, il y a au moins quatre raisons essentielles pour prendre très au sérieux l’alerte de l’OMS :

1) C’est la seconde alerte pandémique en deux ans pour le Mpox dont celle de 2022 pour un virus émergent, mal connu, découvert en 1958 et dont les premiers cas humains hors Afrique datent de 2003 (USA).

2) La transmission sexuelle, phénomène récent et prépondérant dans l’épidémie de 2022 comme dans celle actuelle de clade 1b en RDC, est un facteur de propagation plus rapide et plus efficace pour l’extension à tous les pays, à la différence de la transmission intrafamiliale ou par contact animaliers (zoonose) que l’on connaissait habituellement avec les précédents variants de Mpox.

@lexpress

???? Le mpox a déjà tué plus de 580 personnes en République démocratique du Congo et une nouvelle souche du virus se propage rapidement en Afrique. Alors, y a-t-il des raisons de s’inquiéter en France ? #mpox #santé #sciences #apprendresurtiktok #tiktokacademie #Sinformersurtiktok #newsattiktok

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3) Il existe une évidente vulnérabilité mondiale due à l’immunité très faible de la population depuis l’arrêt de la vaccination antivariolique (entre 1975 et 1979), en particulier au sein de la population la plus exposée puisque l’âge médian des cas de Mpox en Europe (2022) était de 35 ans. Par ailleurs, la population cible n’a pas été totalement atteinte par la campagne vaccinale 2022 (une ou deux doses, trois chez les immunodéprimés) : seuls 35 % des HSH ayant des partenaires multiples ont été immunisés avec un schéma de vaccination complète, selon l’enquête Rapport au Sexe (ERAS/SPF) 2023.

4) Que s’est-il passé depuis la crise inattendue de 2022 ? A peu près rien.

Le nombre de doses du vaccin Modified Ankara Vaccine (MVA-BN) issu du laboratoire danois Bavarian Nordic, comme celui des quantités de tecovirimat disponibles, sont toujours classés “secret-défense”. Les stocks seront-ils suffisants en cas d’extension du clade 1b ? Quels seront les moyens déployés par les Agences régionales de santé (ARS) pour pouvoir aller vers les populations les plus vulnérables et appliquer les nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) du 2 septembre ? Rappelons que la HAS préconise l’administration d’une dose de rappel pour les personnes vaccinées il y a deux ans et le maintien des deux stratégies complémentaires utilisées en 2022 (l’une préventive pour les personnes non ou incomplètement vaccinées présentant un haut risque d’exposition au virus, et l’autre réactive pour les personnes en contact avec des cas identifiés).

Quelle est la piste de vaccins plus simples à fabriquer et à adapter aux variants/clades tels que les vaccins ANRm ? Pourquoi la France ne s’autonomise-t-elle pas sur la fabrication de tels vaccins ? Quelle action internationale efficace et coordonnée se met en place pour vacciner en Afrique subsaharienne ? L’Union européenne aurait envoyé par l’intermédiaire de l’HERA, l’agence dédiée aux urgences sanitaires, 100 000 doses vaccinales à Kinshasa, ville de… 17 millions d’habitants.

*Médecin, professeur à Sorbonne Université, Gilles Pialoux est chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon (AP-HP).





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