En juin dernier, la commission des comptes de la Sécurité sociale prévoyait un déficit de sa branche maladie à hauteur de 11,4 milliards d’euros. Lors d’un point avec la presse ce lundi 10 septembre, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, Thomas Fatôme a annoncé que la facture risquait d’être plus salée encore.
En cause : plusieurs facteurs démographiques comme l’évolution de la population active, le vieillissement de la population. Mais aussi des facteurs économiques comme la hausse du salaire moyen ou du Smic, par exemple. Entre 2019 et 2023, les dépenses annuelles liées aux indemnités journalières (hors Covid) ont augmenté de 12,4 à 15,8 milliards d’euros (soit une hausse de 27 %). Selon l’Assurance maladie, environ 40 % de cette augmentation est imputable à un “effet prix”. C’était presque deux fois moins entre 2010 et 2019.
Ainsi en 2022 et en 2023, le nombre d’indemnités journalières a augmenté moins vite que les années précédentes. En revanche, le montant des dépenses a lui continué à augmenter à un rythme soutenu, notamment à cause de la hausse des salaires qui renchérit le prix des indemnités versées.
Selon les calculs de l’Assurance maladie néanmoins, une large part de la hausse récente ne peut s’expliquer par ces seuls critères. D’autres facteurs, à déterminer, rentrent manifestement en jeu, comme l’explique Thomas Fatôme. 42 % de cette augmentation est liée à la multiplication des arrêts maladie et à leur allongement dans la durée. “C’est un débat important, difficile, compliqué”, qui va toucher sans doute “à l’état de santé d’une partie de la population, aux conditions de vie au travail” ou un “rapport au travail différent”, a-t-il dit. Sur une année où les dépenses progressent d’un milliard d’euros, comme en 2024, “cela fait 400 millions d’euros” de dépenses supplémentaires inexpliquées par la démographie et l’économie, a-t-il indiqué.
“Traquer” la fraude
Thomas Fatôme a appelé à “mettre tous les acteurs autour de la table” (gouvernement, Parlement, partenaires sociaux…) pour mener “une réflexion plus générale” sur le système et “le rendre plus juste, plus équitable, plus lisible, plus soutenable”. En attendant des discussions de fond, l’Assurance maladie va “relancer” et “amplifier” la “panoplie d’actions vis-à-vis des assurés, des entreprises et des prescripteurs” qui, en 2023, lui avait permis de rogner 200 millions d’euros sur la progression des dépenses, a-t-il expliqué.
Il s’agit à la fois de “traquer” la fraude mais aussi “d’accompagner” malades et prescripteurs pour améliorer les usages, a-t-il ajouté. La Cnam va donc s’adresser massivement aux assurés sociaux : elle contactera “tous les assurés en arrêt de travail de plus de 18 mois”, soit 30 000 à 40 000 personnes, pour “vérifier si l’arrêt est encore justifié” ou s’il est possible de l’adapter avec par exemple “un mi-temps thérapeutique”, ou “une reprise de travail organisée”, a détaillé Thomas Fatôme.
Certains assurés se verront rappeler les règles par courrier, comme l’obligation de rester à domicile aux heures ouvrées, et la Cnam contactera encore “7 000 médecins généralistes qui ont des niveaux de prescription assez élevés”, pour un “échange confraternel” avec un médecin conseil afin de “comprendre” et “voir s’ils peuvent contribuer à une meilleure maîtrise des dépenses”, a indiqué Thomas Fatôme.
Le travail “malade”
En revanche, l’Assurance maladie ne reconduit pas pour l’instant les contrôles et contraintes (mise sous objectifs, mise sous accord préalable) qui ont tant exaspéré les médecins l’année dernière. La Cnam organisera enfin des visites dans un millier d’entreprises à fort absentéisme pour vérifier si elles ne créent pas “les conditions” de ces arrêts ou accidents du travail. L’Assurance maladie commence à déployer des formulaires de prescription d’arrêt de travail infalsifiables, qui deviendront obligatoires à partir de juin 2025.
Face à la prise de position de l’Assurance maladie, le syndicat Unsa a souligné qu’il fallait “arrêter de stigmatiser les malades”. “Il est illusoire de penser que des économies substantielles seront réalisées sur les arrêts de travail sans s’attaquer aux causes profondes : pathologies plus lourdes et plus nombreuses, carrières plus longues avec le recul de l’âge de départ à la retraite et risques psychosociaux en augmentation constante”, a indiqué Dominique Corona, secrétaire général adjoint du syndicat. Ce sont pas les médecins qui abusent, “c’est le travail qui est malade”, avait estimé pour sa part, dimanche sur France Inter, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon.
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