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Michel Barnier : quand son ami n’était pas la finance…


Une droite toute en roideur gaullienne. Quel est le logiciel économique de celui qui vient de s’installer dans le fauteuil de Premier ministre ? On pourrait se limiter à la lecture des quelques lignes du programme de campagne de Michel Barnier pour la primaire LR en vue de la présidentielle de 2022 : report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, pas de pensions inférieures au Smic pour une carrière complète, hausse des cotisations sociales pour les salaires intermédiaires, baisse des impôts pour les entreprises qui fabriquent en France, taxe carbone aux frontières de l’Europe… Un programme de droite bon teint.

“Barnier est un ultralibéral, un défenseur de l’Union européenne ultralibérale”, a lancé le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, au lendemain de son arrivée à Matignon. Erreur : le nouveau Premier ministre est ce que l’on pourrait appeler un “ordolibéral”, convaincu des vertus de la concurrence et de la liberté d’entreprendre mais persuadé que le marché ne peut pas s’autoréguler. Qu’il faut des règles, des normes, un cadre, une surveillance, pour éviter les abus et les dérives.

Pour appréhender le logiciel Barnier, il faut replonger plus de dix ans en arrière et filer à Bruxelles. En février 2010, le Français est nommé commissaire européen au Marché intérieur et aux Services. En ce début de décennie, la planète danse sur un volcan financier. Partie des Etats-Unis, la grande crise des subprimes – ces crédits immobiliers pourris – a contaminé la planète. Toutes les grandes banques, même européennes, sont touchées. Les Etats doivent les recapitaliser à coups de milliards de dollars ou d’euros, éviter de nouvelles faillites bancaires qui pourraient mettre l’économie mondiale à terre et faire s’évaporer les économies de millions d’épargnants. Impossible, cependant, de sauver les banques sans contrepartie. Partout aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Europe, le temps est celui de la réglementation bancaire et financière. A Bruxelles, Michel Barnier est à la manœuvre : durant cinq ans à la Commission, il va être à l’initiative de près de 40 règlements européens encadrant l’activité des banques.

Au chevet de l’ONG Finance Watch

Mais la chose est aride, complexe et les grandes banques internationales s’activent à Bruxelles pour détricoter ce nouveau cadre. Une vingtaine de parlementaires européens de tous bords, dont l’eurodéputé Vert de l’époque Pascal Canfin, demandent alors la création d’un contre-lobby pour aider à comprendre les enjeux en cours. Barnier est convaincu et accorde, début 2011, une subvention annuelle de 1 million d’euros à une ONG naissante, Finance Watch. Une sorte de Greenpeace de la banque. “Ce financement, qui a représenté près de la moitié de notre budget, nous a permis de nous développer”, témoigne Thierry Philipponnat, le fondateur et aujourd’hui chef économiste de l’ONG. Dans la foulée, Barnier demande à un groupe d’experts présidé par l’ancien président de la Banque centrale de Finlande, Erkki Liikanen, de réfléchir à une grande réforme bancaire.

Leur rapport rendu début 2012, et qui défend une séparation des activités de banque de détail de celles plus risquées, rend fou de rage le lobby financier. Les propositions sont largement reprises dans un grand projet de règlement sur la réforme du système bancaire européen que le commissaire présente début 2014. En France, ces mesures décoiffantes provoquent une levée de boucliers au sein même du gouvernement Hollande. Il faut dire que le président socialiste a fait voter sa propre loi, pâle copie du règlement Barnier et qui sera rapidement vidée de sa substance. “La réforme Barnier sera définitivement enterrée par le commissaire letton Valdis Dombrovskis en 2016”, raconte Christophe Nijdam, ancien patron de Finance Watch et auteur de La Finance pour les nuls. Dombrovskis, un très proche aujourd’hui d’Ursula von der Leyen…

La leçon de l’histoire ? Dans son costume de Premier ministre, Barnier va chercher à respecter les règles européennes votées, et notamment les règles budgétaires. Dès sa première intervention publique, le locataire de Matignon a parlé de “justice fiscale”. Entre les lignes, il faut peut-être comprendre hausse des impôts, notamment sur les hauts revenus et – ou – les grandes entreprises. A rebours de la doctrine Macron.




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