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Start-up : comment l’Europe pourrait s’inspirer de la Chine et des Etats-Unis


Les conclusions du rapport de Mario Draghi ne sont pas agréables à entendre. L’Union européenne a décroché économiquement par rapport aux Etats-Unis. Il est urgent de relancer la croissance. Si le diagnostic ne réjouit pas, les solutions sont là, et passent notamment par l’innovation et les technologies de pointe. Le rapport lance plusieurs pistes à ce niveau, parmi lesquelles un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité, ainsi qu’une réduction de la dépendance à des acteurs géopolitiquement instables. Mais l’Union européenne ferait également bien de copier certaines idées qui ont fait le succès des Etats-Unis et de la Chine.

“Aucune des entreprises européennes nées il y a moins de cinquante ans n’a de capitalisation boursière de plus de 100 milliards d’euros, tandis que les six entreprises américaines valorisées à plus de mille milliards ont été créées au cours de cette période”, pointe implacablement l’ancien président de la Banque centrale européenne. L’Europe fait également pâle figure face à la Chine dans de nombreux domaines. C’est cette dernière, par exemple, qui est à l’origine de 70 % des brevets liés à l’IA génératives déposés dans le monde ces dix dernières années.

L’investissement, mère de toutes les batailles

Le boulet qui freine la tech européenne est connu : le manque d’investissements. La société de capital-risque G2 soulignait en début d’année que cette sphère était six fois moins développée sur le Vieux Continent qu’aux Etats-Unis, avec en moyenne 44 milliards de dollars d’actifs sous gestion contre 270 milliards.

L’Europe doit réussir à mieux flécher l’épargne de ses citoyens vers ses entreprises locales. En France, les initiatives Tibi 1 et 2 – 6 et 7 milliards d’euros collectés auprès des bancassureurs – vont dans ce sens. Mais nous sommes encore bien loin de ce qui se pratique aux Etats-Unis. La seule caisse de retraite des fonctionnaires californiens disposait, en 2022, de 430 milliards de dollars d’actifs ! “Si on faisait ça au niveau européen, ce serait génial”, songe Maya Noël, DG de l’association de start-up France Digitale. Ces fonds investissant sur le très long terme, ils peuvent davantage miser sur les industries de rupture, dont les bénéfices mettent parfois des dizaines d’années à arriver.

Le rapport Draghi, qui suggère de développer des fonds de pension collectifs, expose sans fard l’écart entre les Etats-Unis et l’UE sur ce point : ils représentent 142 % du PIB outre-Atlantique, contre 32 % seulement en Europe. Ce qui oblige les entreprises européennes à “s’appuyer excessivement sur le financement par les banques, bien qu’elles s’adaptent moins aux besoins des projets innovants”.

Si le baromètre dévoilé par France Digitale ce 11 septembre montre que les levées de fonds restent, dans l’ensemble, stables, les start-up tricolores ne jouent pas dans la même cour que leurs concurrentes américaines. En 2023, elles ont levé 8,32 milliards de dollars, contre 144,3 milliards de dollars de l’autre côté de l’Atlantique.

Autre ombre au tableau européen : les relations entre le public et le privé, notamment au niveau des commandes. En Chine, le secteur public joue un rôle crucial dans l’économie et le développement de l’innovation. L’Etat central passe énormément de commandes et accorde un grand nombre de subventions aux secteurs clés des nouvelles technologies.

Les deux puissances ont bien sûr des régimes politiques très différents, et il ne s’agit pas de tout reproduire à l’identique. D’autant que le marché intérieur chinois – 1,4 milliard d’habitants – est d’une autre envergure. Mais cette implication forte des autorités dans la tech, qui fait défaut à l’Europe, se retrouve aussi aux Etats-Unis, grâce notamment à la Darpa (Defense advanced research projects agency). L’agence du Département de la Défense, chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies, fait figure de précurseur dans le domaine. Les technologies de rupture pour des projets militaires dans lesquels elle a investi ont souvent trouvé leur chemin vers la sphère grand public, notamment les semi-conducteurs ou le GPS.

“Ce qui est intéressant avec le modèle instauré par la Darpa, c’est que l’Etat devient le principal client des start-up, avec des financements et des précommandes. Cela permet d’allouer des moyens importants à la R & D”, souligne Maya Noël. Tout en aidant les jeunes pousses à remplir leur carnet de commandes, un enjeu vital pour elles. Maya Noël en veut pour preuve certaines start-up du secteur de l’éducation qui peinent à répondre à des appels d’offres pour des questions de régulation. “Il faut qu’il y ait une volonté d’innovation au niveau de l’UE, avec l’ambition de créer et d’aider des champions européens”.

L’instauration d’un véritable marché commun

La taille du marché américain – 340 millions d’habitants – doit également inspirer l’UE. Les Européens sont plus nombreux : 449 millions. Ce qui coince, c’est que cet appétissant marché intérieur est fractionné. “Il serait bon que l’Europe mette en place des solutions pour que les entreprises n’aient pas à faire face à 27 marchés intérieurs différents, avec chacun leurs propres contraintes administratives”, plaide la DG de France Digitale. Le rapport Draghi plaide ainsi pour unifier le droit des sociétés et créer un nouveau statut d’entreprise européenne innovante, afin de favoriser la croissance des start-up.

La fragmentation européenne pose également, selon l’ex-Premier ministre Italien, un problème spécifique à l’industrie des télécoms. “Il existe 34 groupes d’opérateurs de réseaux mobiles dans l’UE et seulement une poignée aux Etats-Unis ou en Chine, en partie parce que l’UE et les Etats membres ont eu tendance à voir d’un mauvais œil les fusions dans le secteur”, peut-on lire dans ses conclusions. Un éclatement qui renchérit les investissements dans les infrastructures, alors même que celles-ci constituent la colonne vertébrale de la tech. Du sol au plafond : le chantier qu’appelle de ses vœux Mario Draghi est colossal.




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