En avril dernier, alors Premier ministre, Gabriel Attal promettait de “doubler” le nombre de médecins qui sortent de la faculté chaque année. La mesure, basée sur le nombre d’étudiants au début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, devait aboutir pour 2027. L’objectif : éradiquer les déserts médicaux. Matignon devait en dévoiler les contours cet été, mais entre-temps, l’Assemblée nationale a été dissoute, et Gabriel Attal a dû quitter son poste.
Désormais entre les mains de Michel Barnier, la réforme, cruciale au regard de l’intérêt que les Français portent à ce sujet, s’annonce délicate. A peine nommé le 5 septembre, et alors qu’il n’a pas encore formé de gouvernement, le nouveau locataire de Matignon a déjà été mis en garde sur la difficulté de tenir de tels délais. Réunis pour leur conférence de rentrée ce jeudi 12 septembre à La Sorbonne, les doyens des universités de médecine de France ont en effet jugé l’échéance fixée “irréaliste”, car trop ambitieuse par rapport aux moyens mis en œuvre.
De 8000 en 2022, le nombre d’étudiants formés chaque année est déjà passé à 11 000 en 2024. Selon nos informations, l’exécutif précédent prévoyait 1000 élèves supplémentaires en 2025, puis 2000 en 2026 et en 2027, pour atteindre 16 000 au total. Un rythme insoutenable, d’après les universitaires : “Les facultés débordent et il nous manquait déjà 1000 enseignants avant l’annonce de la réforme. Nous avons besoin d’importants moyens supplémentaires”, a détaillé ce jeudi Benoît Veber, président des doyens de médecine.
Ces derniers estiment le temps imparti, trois ans à peine, trop court pour former suffisamment d’enseignants et réaliser les aménagements immobiliers nécessaires pour accueillir deux fois plus d’élèves. “C’est une montée en charge qui doit normalement se faire sur cinq à dix ans”, a souligné Benoît Veber, qui devait rencontrer Gabriel Attal avant que celui-ci ne soit brusquement démis de ses fonctions.
Le plan d’Attal
Lors de la passation de pouvoir, Gabriel Attal a affirmé avoir “travaillé” ces derniers mois à concrétiser la réforme. “Ce travail devait être présenté cet été. Il est sur votre bureau, Monsieur le Premier ministre”, a-t-il même déclaré sur le perron de Matignon, sommant, de fait, son successeur de poursuivre le chantier. “Vous me permettrez d’ajouter ma propre valeur ajoutée”, avait alors répondu l’intéressé, rejetant la tentative de le mettre devant le fait accompli.
Où en est-on réellement à ce jour ? Contactée, l’ancienne équipe de Gabriel Attal précise à L’Express avoir constitué “un vade-mecum” pour la suite des opérations. “Nous avons laissé au Premier ministre une liste de ce que nous aurions voulu faire, la marche à suivre pour mener à bien la réforme. Il y est inscrit un certain nombre de pistes, avec des interlocuteurs à contacter, et le nombre de places que l’on espérait ainsi débloquer.”
Gabriel Attal essayait notamment de “trouver”, en collaboration avec le ministère de la Santé, “des terrains de stage supplémentaires pour ces nouveaux étudiants, notamment en médecine de ville”. “Une enveloppe financière a également été identifiée. Le projet de loi de finances devrait permettre d’aiguiller une dizaine de millions supplémentaires, qui se seraient ajoutés à un octroi de 2 millions déjà acté”, précise l’entourage de l’ex-Premier ministre.
“La charrue avant les bœufs”
Selon nos informations, ce canevas n’a toutefois pas été acté en réunion interministérielle. De même qu’à ce jour, aucune évaluation n’a été faite du nombre de médecins universitaires mobilisables, ou des travaux à mener pour agrandir les facultés. “La réforme a été annoncée avant de connaître sa faisabilité. On a mis la charrue avant les bœufs. Gabriel Attal peut se targuer d’avoir été le ministre qui a décidé le doublement. Mais derrière, tout reste à faire”, a regretté le représentant des doyens, Benoît Veber.
Un mode de fonctionnement assumé par l’ancien cabinet à Matignon. “C’est un choix politique, un objectif pour la Nation. Si on fixait des objectifs uniquement dans les cas où l’on est sûr de les tenir, on n’avancerait pas. Donc oui, nous sommes volontaristes. Maintenant, évidemment, il faut qu’on (NDLR : le prochain gouvernement) se donne les moyens, sinon les doyens ont raison, la qualité de l’enseignement risque de se dégrader”.
En réservant son premier déplacement aux services d’urgence de l’hôpital Necker à Paris, la nouvelle tête de l’exécutif a placé la santé parmi ses priorités. “Des progrès” peuvent encore être faits, avait alors déclaré Michel Barnier à propos de l’accès au soin, tout en précisant qu’il ne fallait pas s’attendre à des miracles, notamment à cause des économies qui devraient peser sur le futur budget.
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