À Philadelphie, Kamala Harris et Donald Trump croisent le fer depuis déjà quelques minutes. Dans les coulisses d’ABC, l’équipe du 45e président des Etats-Unis écoute religieusement le débat télévisé, suit les passes d’armes. À leur côté, une jeune brune, mèches roses, aux pommettes saillantes et au visage comme figé, répond au nom de Laura Loomer. L’influenceuse au quelque 1,3 million d’abonnés sur X n’est ni salariée de la campagne républicaine, ni candidate, ni élue. Et pourtant, elle est présente.
Le lendemain, revoilà l’intruse dans l’avion du milliardaire qui se rend à New York. Puis aux cérémonies de commémoration du 11 septembre 2001. Comble du paradoxe. Car si Laura Loomer s’est fait un nom pour ses frasques homophobes, sexistes, racistes, ou encore antisémites, elle est également connue pour son adhésion à de nombreuses théories du complot. Sur ses réseaux sociaux, elle a notamment affirmé à plusieurs reprises que l’attentat du World Trade Center aurait été commandité de “l’intérieur”.
Le malaise des républicains
Outre-Atlantique, l’incongruité de la présence à l’hommage aux victimes du “9/11” de celle que les médias décrivent comme une “agitatrice d’extrême droite”, interroge. À la chaîne de télévision CNN (centre-gauche), la jeune femme de 31 ans rétorque : “Je ne comprends pas pourquoi il y a un problème avec ma présence à une commémoration du 11 Septembre. Les gens qui ont salué le président Trump lors de la commémoration étaient très heureux de me voir, et ils ont dit : ‘Merci d’être venue’”.
Côté républicain, on botte en touche. “Cette journée n’était consacrée à personne d’autre que ceux qui ne sont plus parmi nous, leurs familles, et les héros qui se sont courageusement levés pour sauver leurs compatriotes américains ce jour-là”, élude dans un communiqué l’équipe de campagne de Trump. Et pour cause, Laura Loomer est loin de faire consensus au sein du Grand Old Party (GOP).
Des propos racistes à l’encontre de Harris
Ces derniers jours, sa querelle avec la députée républicaine Marjorie Taylor Greene a fait couler pas mal d’encre. La polémique part d’une publication de Laura Loomer. Sur X, celle qui fut deux fois candidate malheureuse à la chambre des représentants a écrit que si Harris remportait l’élection, “la Maison-Blanche sentirait le curry”, en référence aux origines de la vice-présidente dont la mère était indienne. Des propos jugés “épouvantables et extrêmement racistes” par Marjorie Taylor Green. Comme d’autres au sein du parti conservateur, la représentante a souligné que cette attitude “n’aurait jamais dû être tolérée” et qu’elle “ne représentait en rien le président Trump”.
En juillet dernier déjà, un message posté par Laura Loomer sur ses réseaux avait provoqué la sidération. L’influenceuse, fière de se revendiquer “islamophobe” avait insulté la députée démocrate afro-américaine Sheila Jackson Lee, décédée d’un cancer, de “garce de ghetto”, et laissé entendre qu’elle “allait aller en enfer”. Ainsi, le média en ligne américain Semafor écrit-il : “Même selon les normes de l’univers MAGA (pour Make America Great Again, slogan de campagne utilisé par Ronald Reagan lors de la campagne présidentielle de 1980 et reprise par Donald Trump, NDLR) en 2024, Loomer se distingue comme une figure extrême.”
Un boulet plus qu’un atout pour Donald Trump ?
Dans l’entourage du candidat, certaines voix commencent à s’élever, exprimant leur inquiétude face à l’influence que pourrait avoir la star de l’alt-right sur l’ancien magnat de l’immobilier. Problème : “Quelles que soient les barrières que la campagne de Trump a mises en place à son égard, je ne pense pas qu’elles fonctionnent”, a admis un proche de la campagne républicaine à Semafor.
D’aucuns soupçonnent par exemple Laura Loomer d’être à l’origine d’une fake news brandie par Donald Trump récemment. En début de semaine, l’influenceuse qui se revendique du courant “pro-nationaliste blanc” a diffusé des allégations selon lesquelles des migrants haïtiens tuaient et mangeaient des animaux domestiques à Springfield, dans l’Ohio. Trois jours plus tard, les mêmes fausses informations ont été relayées par Donald Trump pendant le débat.
À nos confrères de Semafor, une source proche de la campagne républicaine a déclaré être “à 100 %” préoccupée par le fait qu’elle pourrait aggraver les faiblesses de Donald Trump. En filigrane : accentuer sa propension à verser dans le conspirationnisme et à véhiculer de fausses informations. “Je ne pense pas que sa présence soit utile, au contraire”, a ainsi déclaré Lindsey Graham, sénateur de Caroline du Sud et allié de Trump, à un journaliste du HuffPost ce jeudi 12 septembre.
Une proximité de longue date
Mais les réticences et critiques formulées à l’encontre de la native de Tucson (Arizona) par certains républicains, Donald Trump semble en avoir cure. Jeudi après-midi, l’ancien locataire de la Maison-Blanche a partagé sur son réseau social Truth Social une publication du blog de Laura Loomer Loomered.com. Dans cet article, la militante d’extrême droite tente de démonter les affirmations du média en ligne Axios selon lesquelles Kamala Harris aurait dépassé Donald Trump sur les réseaux sociaux.
Il faut dire que les deux se connaissent et se fréquentent depuis plusieurs années. Résidente de Floride, Laura Loomer assiste fréquemment à des événements organisés à Mar-a-Lago, lieu de villégiature du milliardaire. En avril dernier, le New York Times a révélé que Donald Trump envisageait même de l’embaucher pour sa campagne présidentielle – une idée qu’il a toutefois abandonnée après que certains de ses partisans se sont opposés. En outre, début 2024, l’influenceuse est montée une première fois dans l’avion privé du candidat à la primaire républicaine pour l’accompagner à un meeting dans l’Iowa. Sur scène, la “conseillère parfaite” selon la formule teintée d’humour d’une ancienne sénatrice démocrate, a même eu le privilège d’être saluée par Donald Trump.
“Elle est en fait très encourageante et c’est une personne positive à avoir autour de soi”, a fait valoir au média en ligne Semafor une source proche de Donald Trump, qui minimise le rôle de Laura Loomer dans la campagne républicaine et notamment dans les préparatifs du débat Harris-Trump. “Peu importe ce que les autres disent, elle n’interfère pas”, a-t-il martelé. Et nos confrères de Semafor de conclure : “Si Trump a sous-performé lors du débat, la faute n’est en rien celle de Loomer […] : elle incombe au candidat lui-même.”
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