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“Si Cazeneuve m’avait appelé…” : Fabien Roussel, ses confidences, ses regrets et ses ambitions


Retour à Saint-Amand-les-Eaux. C’est dans cette commune des Hauts-de-France que Fabien Roussel, le natif de Béthune – 80 kilomètres à l’ouest – a élu domicile avec sa famille “il y a une vingtaine d’années”. C’est également dans ce bastion communiste, le dernier de la région, que l’actuel patron du PCF a exercé ses premiers mandats locaux, aux côtés du maire Alain Bocquet, un très proche. Ne pas avoir été réélu député de la 20e circonscription du Nord, aux législatives de juillet dernier, comporte tout de même quelques points positifs. “Je vais pouvoir passer un peu plus de temps dans ma ville”, se console-t-il. Malgré sa défaite, son ancienne permanence parlementaire restera ouverte au public, les vendredis.

Certains amis le murmurent : “Fabien a une réelle perspective municipale à Saint-Amand.” L’intéressé, lui, ne confirme ni ne dément les rumeurs. “Ça relève des choix du maire, qui a dit qu’il ne se représenterait pas en 2026. Et qui met de plus en plus en avant son équipe…” Mais Fabien Roussel ne manque pas de rappeler qu’avec son “modeste mandat de conseiller municipal”, il a toujours “utilisé [ses] réseaux avec les ministres, les préfets ou le président de la République pour arracher des aides exceptionnelles”. Un bel argument de vente, bien que 10 des 16 bureaux de vote de la commune aient donné une majorité de voix au Rassemblement national, au premier tour de la dernière échéance électorale.

“J’ai été sanctionné car j’ai fait l’union avec Mélenchon”

Dimanche dernier, lors de la braderie de Saint-Amand-les-Eaux, le communiste a noté que “le masque de la colère”, arboré par les Amandinois lors des dernières législatives, marque encore les visages. “En même temps, ils ont été cocus deux fois ! Ils ont choisi le Rassemblement national pour que tout change, et se sentent floués par Michel Barnier, nommé par le président avec la bénédiction du député RN…” Ce masque, voilà déjà quelques mois que l’ancien candidat à la présidentielle l’identifie, presque impuissant, chez ses concitoyens. Avant la diffusion des résultats du premier tour des législatives, le 30 juin, il prie son fils de rentrer à la maison : “Ça va être un carnage”. Roussel se savait “cerné” en son fief depuis les européennes, lorsque Jordan Bardella est arrivé en tête avec plus de 20 points d’avance sur Léon Deffontaines (PCF), deuxième. Ses appréhensions, confiées à un petit cercle de proches, deviennent réalité : Fabien Roussel est sèchement battu par Guillaume Florquin, candidat RN. Sa suppléante effondrée ; ses collaborateurs s’empressant de réécrire son discours. Lui meurtri, dit-on, par l’issue de la séquence. “Je veux passer à autre chose”, affirme-t-il désormais.

L’improbable victoire du Nouveau Front populaire, le 7 juillet – aux lendemains malheureux pour la gauche – gérée depuis son lieu de villégiature en Corse a aidé. “Les discussions ont surtout alimenté la chaudière. Il n’a pas vraiment montré de signe d’abattement, ni de résignation”, souffle David Cormand, lieutenant écologiste des négociations. Mais dans certains moments de vide, il arrive souvent à Fabien Roussel de refaire le match. Ces dernières semaines, combien de ses proches ont entendu, de la bouche du secrétaire national communiste, à quel point l’alliance avec les Insoumis lui a été fatale sur sa circonscription ? Roussel le confie à un ami : “J’ai été pris en tenaille entre les discours tenus envers Mélenchon, et la mise en place du NFP pour battre le RN.” L’intéressé ne dit pas autre chose à L’Express : “J’ai, en partie, été sanctionné car j’ai fait l’union avec Mélenchon.”

Lui, dont les violents désaccords avec LFI et son leader ne sont un secret pour personne, veut parler à “la France des sous-préfectures”. “Le combat identitaire, je le dénonce autant quand il est mené par le RN que par les gauchistes”, tacle-t-il. Une accusation similaire à celles évoquées par François Ruffin, député exclu de La France insoumise. “Ça fait plusieurs années que je lui dis de nous rejoindre, on lui a même proposé une place aux européennes. Il a dit non, car il voulait rester fidèle à Mélenchon”, souffle Roussel. “Mais il ne faut pas tout mettre sur le dos de l’alliance. Je le dis à ceux qui me le reprochent : ‘M’avez-vous donné de la force aux européennes où nous sommes partis seuls ?’ A l’évidence non, la liste de Léon Deffontaines a fait 2,5 %. C’est cette difficile contradiction qu’il faut résoudre.”

Cazeneuve ? “S’il m’avait appelé, j’aurais répondu”

Le communiste a beau affirmer qu’il faut “éviter que la gauche se dispute pour être la plus rassemblée possible”, il a peu goûté l’attitude de son camp durant la séquence. Et n’a pas manqué de cultiver sa différence avec le reste du Nouveau Front populaire. Xavier Bertrand ? Le président des Hauts-de-France, qu’il connaît bien puisqu’il a œuvré avec lui à la défense de sites industriels locaux, l’a appelé plusieurs fois pour tester un éventuel soutien en cas de nomination à Matignon. “On a discuté des modalités pour que les communistes ne le censurent pas directement”, admet-il, quand bien même le NFP lui promettait une censure immédiate. Les mauvaises langues assurent qu’il aurait également été en contact avec Bernard Cazeneuve. Lui dément : “C’est Castets qui a parlé avec. Mais s’il m’avait appelé, j’aurais décroché.” Une ministre démissionnaire salue son attitude : “Il a fait partie des constructifs. Au sein du PCF, certains disaient qu’il n’y avait que des coups à prendre à gouverner. Lui pensait qu’il fallait essayer.” “Pas à n’importe quel prix !”, rectifie André Chassaigne, patron des députés au Palais Bourbon. Les communistes rencontreront tout de même Michel Barnier, le 17 septembre, contrairement au PS, également convié.

Fabien Roussel profitera du temps libre pour “s’occuper un peu plus du parti, de son renforcement, de son organisation”. Secrétaire national du PCF depuis 2018, réélu avec une écrasante majorité au congrès de Marseille, en 2023, il demeurera patron de la maison rouge encore trois ans. Place du Colonel Fabien, certains amis se questionnent autour de l’énigme Roussel. “Sa popularité, la place qu’il a arrachée dans le paysage politique, ne s’est pas encore traduite au niveau électoral. Il y a donc un débat”, souffle l’un d’entre eux. Il se tiendra d’ailleurs à la mi-décembre, au gré d’une “conférence nationale”, afin de dresser un “bilan de la stratégie mise en œuvre durant le congrès”, dixit une huile communiste. D’ici là, Fabien Roussel peaufine son discours de samedi à l’occasion de la fête de l’Humanité. Il s’exprimera quarante-cinq minutes avant Jean-Luc Mélenchon. Mais le communiste adore MC Solaar ! Et ça tombe bien, il se produira à peu près en même temps que le leader insoumis…




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