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Vins : l’irrésistible essor du blanc dans le Languedoc


Dès la rentrée, les Foires aux vins s’installent dans la plupart des enseignes de la grande distribution, chez les cavistes et sur les sites marchands. Après une édition 2023 en recul tant, en valeur – 988 millions d’euros (- 2 %) – qu’en volume – 133,5 millions de bouteilles achetées (- 5 %) -, le rendez-vous de cette année sera primordial pour l’ensemble du secteur, a fortiori dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat. Pour vous guider, L’Express présente en pages centrales sa sélection exclusive selon les différentes régions, fruit de la dégustation de centaines d’échantillons et de l’analyse de dizaines de catalogues. Sur notre site internet, vous trouverez également le détail, enseigne par enseigne, avec les différentes dates de ces fêtes bacchiques devenues incontournables. De quoi enrichir votre cave à moindre coût.

Même si leur production a fortement progressé au cours de ces dernières années, les vins blancs restent minoritaires, voire accessoires dans le Languedoc, une terre historiquement marquée par le rouge. S’il est difficile d’avoir des chiffres exhaustifs, la part des blancs semble contenue autour de 10 % pour les appellations d’origine protégée (AOP) du Languedoc et les indications géographiques protégées (IGP) Sud de France. Il n’existe d’ailleurs dans la région que trois appellations 100 % blanc : picpoul-de-pinet, limoux blanc et clairette-du-languedoc (en effervescent). Et sur les 22 autres AOP (hors effervescents et vins doux naturels), seules quatre produisent un blanc, à savoir saint-chinian, faugères, la-clape et languedoc, pour lesquelles la part de cette couleur oscille de 5 à 17 %. Les cépages les plus plantés ne sont d’ailleurs pas spécialement locaux. Le trio de tête se constitue ainsi par le chardonnay, le sauvignon et le viognier. Pas de quoi définir une identité régionale.

Une couleur qui devient à la mode

Pour autant, le blanc devient la couleur à la mode. Selon l’étude annuelle de l’agence de conseil en marketing et communication Sowine, publiée en mars 2024, le blanc s’impose comme le vin que les Français déclarent consommer le plus fréquemment (90 %) ; le rosé se place sur la deuxième marche du podium (87 %), le rouge arrivant troisième (82 %). Les consommateurs recherchent désormais de la fraîcheur, et le Languedoc dispose aujourd’hui des armes pour répondre à cette demande. “Les blancs sont en pleine progression, notamment sur les IGP et les monocépages”, confirme Pierre Bories, le nouveau président du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL) et vigneron au domaine Ollieux Romanis, à Boutenac. Pour preuve, de 2010 à 2023, pour les seules AOP, la production de blanc a augmenté de 16 %, tandis que celle de rouge baissait de 15 % (source : CIVL).

Visionnaire, le négociant-vigneron Jean-Claude Mas produit déjà près de la moitié de vins blancs sur ses 940 hectares de vignes en propriété et avec ses dizaines de viticulteurs partenaires. “Contrairement aux idées reçues, la région possède les terroirs pour produire d’excellents blancs. Le premier vin que j’ai signé de mon nom se constituait d’un assemblage de chardonnay et de viognier, qui a remporté un très franc succès, en dépit de ce mariage à l’époque incongrue.” Le viognier est d’ailleurs un cépage que ce petit-fils de vigneron semble apprécier particulièrement dans le Languedoc. “Dans la mesure où vous avez un terroir adapté, il peut s’exprimer dans des styles très différents, seul ou assemblé avec d’autres variétés.” Une particularité qu’il aime également retrouver dans le chardonnay. “Je le compare à une toile blanche, un canevas, sur lequel on va dessiner le style de vin que l’on souhaite. Il peut prendre des notes d’ananas très mûrs dans l’Hérault ou de tilleul à Limoux.” Jean-Claude Mas ne se limite bien entendu pas à ces deux cépages. Il en cultive 25 de blancs et teste même quelques variétés résistantes, compte tenu des enjeux liés au dérèglement climatique. “Le souvignier gris, un croisement créé en Allemagne entre le cabernet-sauvignon et le bronner, donne aujourd’hui de très bons résultats. Je milite pour qu’on puisse introduire ce type de cépages jusqu’à 15 % dans nos vins.”

La question du cépage est d’ailleurs aujourd’hui au centre des débats. Car différents types de variétés cohabitent dans cette vaste région. Sans être exhaustif, il y a d’abord les cépages locaux comme le grenache blanc, le bourboulenc, la clairette, le carignan blanc, le terret blanc et le piquepoul blanc. Il y a ceux empruntés au Rhône, comme la marsanne, la roussanne et le viognier, à l’Italie (le rolle que certains irréductibles continuent à appeler vermentino), ou encore aux Catalans (le malvoisie, connu également sous le nom de tourbat, et le macabeu). “Historiquement, comme les blancs du Languedoc à la mode provenaient essentiellement de cépages internationaux, nous avions un peu perdu notre identité, explique Pierre Bories. Ce sont désormais les cépages locaux qui explosent. Regardez le cas du picpoul qui a su s’imposer avec sa typicité. Cette variété languedocienne rencontre désormais un immense succès à l’exportation. L’exemple de picpoul-de-pinet va ouvrir des axes de développement pour les autres appellations.” En un peu plus de dix ans, sa production a progressé de 32 %.

Pas d’interdiction mais un libre choix laissé aux vignerons

Au moins deux appellations sous-régionales ou communales travaillent ainsi sur une intégration du blanc dans leur cahier des charges. C’est par exemple le cas des terrasses-du-larzac, qui a obtenu l’appellation pour ses rouges en 2014. “A l’époque, nous n’avions pas la maturité collective sur les blancs, explique Vincent Goumard, du Mas Cal Demoura, président de l’appellation à l’époque du classement. Il y avait trop de familles d’expression, pas d’identité clairement définie. Finalement, avoir attendu dix ans de plus pour les blancs se révèle un très bon choix. Aujourd’hui, leur profil a changé : ils étaient généreux, ils apparaissent désormais frais et énergiques.” Sur le territoire des terrasses-du-larzac, les cinq cépages dorénavant les plus plantés sont la roussanne, le rolle, le grenache blanc, le carignan blanc et le chenin.

“Presque 40 % des domaines travaillent ces deux derniers : ils auront une part primordiale dans notre demande d’appellation. Ce sont ceux qui révèlent le plus le terroir, à l’inverse de la roussanne qui peut prendre le dessus. C’est aussi le cas du viognier, souvent trop variétal. Il a été beaucoup planté en terrasses, il y a vingt-cinq ans, mais tout le monde en revient. Je l’ai moi-même arraché, car je n’arrivais pas à l’amener dans les expressions de terroir que je recherchais.” L’appellation boutenac, située dans les Corbières, a lancé également ce chantier depuis quelques mois avec, à la manœuvre, Etienne Besancenot, le directeur du château Caraguilhes et responsable de la commission technique de boutenac. “On a mis le carignan à l’honneur dans notre rouge, pourquoi ne pas le faire pour notre blanc avec son cousin pâle ? Quelques domaines de Boutenac produisent déjà des blancs avec ce seul cépage. Mais peut-être que la meilleure chose serait de s’inspirer du cahier des charges de l’AOP châteauneuf-du-pape : pas d’interdiction, libre choix laissé aux vignerons pour élaborer leurs cuvées avec les cépages autorisés…”

Reste que le chemin vers la reconnaissance des appellations se révèle long : il devrait prendre pour boutenac et terrasses-du-larzac de nombreuses années. “L’essentiel des grands vins blancs se trouve produit dans les régions septentrionales, le plus souvent en monocépage. Dans le Languedoc, le blanc se résume à une somme d’histoires individuelles, avec une tradition d’assemblage. C’est grâce à cela que nous serons enfin reconnus pour ces vins !” conclut Vincent Goumard.




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