Après près de cinq mois fermement arrimé à l’atoll Sabina, le pavillon de tête des garde-côtes philippins, le BRP Teresa Magbanu, a levé l’ancre à contrecœur, ce dimanche 15 septembre. Mouillé sur la côte de cet îlot de la mer de Chine méridionale depuis avril dernier, il faisait office de revendication physique du gouvernement philippin face à la Chine, qui lui dispute le contrôle de la zone. Une violation de l’intégrité territoriale chinoise, selon le régime de Pékin qui, après une tentative de quasi-siège de l’atoll, redouble désormais d’agressivité dans son approche, malgré les avertissements des Etats-Unis.
Situé à 140 kilomètres à l’ouest de l’île philippine de Palawan, et à environ 1 200 kilomètres de l’île de Hainan, terre chinoise la plus proche, ce récif fait partie de la flopée d’îlots de la mer de Chine méridionale revendiqués par Pékin face à d’autres pays riverains, comme les Philippines, le Vietnam, Brunei ou encore la Malaisie.
Quelques semaines à peine après un marché finalement conclu entre la Chine et les Philippines concernant un autre atoll, le Second Thomas, celui de Sabina est devenu le nouveau point chaud des tensions entre Manille et Pékin. Le lieu stratégique attise les convoitises pour sa proximité avec le banc de Reed, considéré comme riche en pétrole et en gaz. Mais aussi parce qu’il constitue la principale étape des missions de réapprovisionnement du Second Thomas, et un point de passage pour les navires voguant en direction de l’île philippine de Thitu, habitée par environ 400 civils.
Présence accrue de la Chine
A en croire les Philippines, les bancs de Sabina et de Second Thomas se trouvent dans leur zone économique exclusive (ZEE), ce qui leur confère des droits spéciaux de construction dans la zone. Un argument rejeté par la Chine, qui revendique une grande partie de la mer de Chine méridionale comme étant la sienne, malgré le jugement contraire du tribunal international de La Haye. Depuis le mois d’avril, l’empire du milieu a progressivement accru sa présence sur le haut-fond, avec entre deux douzaines et 40 navires présents à la fois, selon le quotidien britannique The Guardian.
Et il s’est donné pour mission de rendre invivable la présence philippine sur l’île. “Après plus de cinq mois en mer, où il a rempli ses fonctions de sentinelle, le BRP Teresa Magbanua retourne à son port d’attache, mission accomplie”, s’est finalement résigné, ce dimanche, le Conseil maritime national et secrétaire exécutif de la présidence philippine. Un départ forcé par la pression chinoise. “Lors de son déploiement, il a fait face à un encerclement d’une flottille en surnombre d’intrus, et son équipage a dû vivre avec des pénuries de nourriture”, ont dénoncé les Philippines dans un communiqué. Le mois précédent, des bateaux chinois avaient bloqué une mission de ravitaillement à destination des marins philippins.
Des affrontements qui pourraient dégénérer
Le départ du pavillon a été immédiatement saisi comme une opportunité pour la Chine de réaffirmer sa “souveraineté indiscutable” sur le récif convoité. “Nous mettons en garde avec sévérité les Philippines afin qu’ils arrêtent d’encourager la propagande et de risquer des violations”, a prévenu le porte-parole chinois, accusant Manille d’avoir “gravement bafoué la souveraineté territoriale de la Chine et gravement miné la paix et la stabilité régionales”.
Considéré par le régime comme “dans les eaux sous juridictions chinoises”, le récif de Sabina continuera de faire l’objet “d’activité de protection des droits et de maintien de l’ordre public”, a promis Pékin. Ces derniers mois, la tension était telle dans la zone que cet atoll paradisiaque s’est transformé en un plateau de bataille navale. En août, des navires chinois et philippins sont même entrés en collision, à deux reprises, près de Sabina.
“Cette série d’incidents de plus en plus nombreux a suscité des avertissements selon lesquels une erreur de jugement en mer pourrait par inadvertance dégénérer en conflit armé. Cela risquerait d’entraîner les États-Unis, alliés des Philippines, dans une confrontation avec la Chine”, juge aujourd’hui The Guardian. En avril dernier, le président américain Joe Biden promettait déjà à la Chine une réaction très sérieuse en cas d’escalade. “Toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle”, affirmait-il.
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