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Elias d’Imzalène : entre LFI et l’agitateur islamiste, récit d’un rapprochement


Elias d’Imzalène joue à Où est Charlie ? à La France insoumise. Depuis le début de cette année, l’influenceur islamiste à la longue barbe est devenue incontournable des manifestations mélenchonistes. On l’a vu le 30 mai à la mobilisation devant les locaux de TF1 contre l’interview de Benyamin Netanyahou, à proximité directe des députés Louis Boyard, Carlos Martens Bilongo et Thomas Portes. On l’a entendu, le 1er mars, à une table ronde de soutien aux Palestiniens au café de Paris, dans le XIe arrondissement de la capitale, en compagnie de la députée Ersilia Soudais.

Le 8 septembre, il était encore dans le sillage de Thomas Portes et de l’eurodéputée Rima Hassan à un rassemblement propalestinien organisé place de la Nation à Paris par Urgence Palestine, un des groupuscules qu’il anime. Cette fois, le fondateur du site Islam & Info dérape à la tribune. “Est-ce qu’on est prêts à mener l’intifada dans Paris ? Pour nos banlieues, dans nos quartiers, pour leur montrer que la voie de la libération vient de nous. Qu’elle démarre de Paris, qu’elle passera par Marseille !”, clame-t-il. Le ministère de l’Intérieur signale ces propos au parquet de Paris ; une enquête est ouverte pour provocation publique à la haine ou à la violence à raison de l’origine, la nation, race ou religion.

L’apparition d’un tel agitateur dans l’environnement de La France insoumise raconte la trajectoire croisée du parti de Jean-Luc Mélenchon et de cet influenceur, fiché S depuis 2021. “Quand Mélenchon se déclare en faveur des chrétiens d’Orient, quand Mélenchon dit que nos alliés naturels sont les combattants kurdes qui procèdent à un nettoyage ethnique contre les Arabes musulmans en Syrie, est-ce que c’est conciliable avec notre vision islamienne ?”, s’interrogeait encore ce militant dans un débat pour le média Mizane TV, le 8 février 2022.

Elias d’Imzalène, El Yess Zareli de son vrai nom, a laissé filtrer peu d’informations personnelles en ligne. On le dit né au milieu des années 1980, mais on ignore son âge exact. On lui prête une formation de juriste mais on ne lui connaît ni profession, ni revenus. Tout juste laisse-t-il dire qu’il habite à Versailles, dans les Yvelines, que son épouse a dirigé une association en faveur du port du voile intégral. Ses idées islamistes, elles, ne font aucun doute.

Soral “a dit des choses intéressantes”

En 2011, il fonde Islam & Info, un site communautaire, sous-titré “L’info par le Musulman, pour le Musulman”. “Il n’est pas salafiste, comme on l’écrit souvent. C’est un militant politique, un agitateur, dans la vindicte contre la France. Il cherchait une notabilité et l’a trouvée avec Islam & Info, qui a souvent fait le buzz”, détaille Bernard Godard, chargé de mission au bureau des cultes du ministère de l’Intérieur entre 2002 et 2014. “C’est un néosalafiste qui peut travailler avec les Frères musulmans et, surtout, qui s’investit dans la société. La seule communauté dans laquelle il se reconnaît, c’est celle des musulmans”, précise l’essayiste Naëm Bestandji, spécialiste de l’islam politique. En 2022, auprès de Mizane TV, Elias d’Imzalène se définissait comme “islamien”, défenseur exclusif de la cause musulmane. Avant d’atterrir à l’extrême gauche, il a gravité dans des cercles proches de l’extrême droite.

C’est ainsi qu’il apparaît en 2013 comme participant à une conférence sur “le choc des civilisations” au théâtre de la Main-d’Or, alors géré par Dieudonné. “Lobby tout-puissant : vers une révolte des oubliés ? Sionisme, islam de France, identité française : un choix obligé ?”, décrit le site Egalité et réconciliation, d’Alain Soral, promoteur de l’évènement. Dès 2011, dans des messages aujourd’hui supprimés, il avance qu’Alain Soral “a dit des choses intéressantes” et qualifie Marine Le Pen de “judéophile islamophobe hystérique”, “libertine” et “sioniste”. En décembre 2015, lors d’une perquisition à son domicile, les policiers trouveront un exemplaire de Mein Kampf, d’Adolf Hitler.

“La décadence dans son paroxysme”

Pendant le quinquennat de François Hollande, Elias d’Imzalène s’engouffre dans la dénonciation de la “théorie du genre” à l’école, avec des relents homophobes. Le 28 mai 2013, Islam & Info publie un article rageur contre la mention de l’homosexualité dans les programmes scolaires. “Adieu pudeur, timidité et retenue polie. […] Tout cela pour installer la décadence dans son paroxysme : les familles homoparentales. […] Il paraît désormais impensable que nos enfants évoluent dans de telles écoles. La solution réside dans la création d’écoles privées, indépendantes de ces schémas indécents et pervers. Aux musulmans de se donner les moyens d’agir pour les générations futures”, écrit une certaine Oum Leyna, présentée comme “sociologue en genre et religion”.

Un propos raccord avec une des obsessions d’Imzalène : pousser les musulmans à s’organiser en contre-société séparée. “Vos écoles, dans lesquelles vous envoyez vos enfants, dans lesquelles on m’a appris à mécroire, à détester [l’islam], à détester nos ancêtres, doivent être abandonnées et qu’on arrive à nos écoles. […] Un jour il faudra penser même à avoir nos banques, notre monnaie locale”, prêche-t-il à la mosquée de Torcy, en juin 2013. Un lieu de culte fermé administrativement en avril 2017 après qu’il a été reproché à ses imams d’avoir “légitimé le djihad armé”, selon le ministère de l’Intérieur. Dans la note des services de renseignement alors transmise au tribunal administratif de Melun, l’activisme d’Elias d’Imzalène figure parmi les éléments à charge. “Il a fourni des éléments de langage comparant la situation existant en France à l’apartheid et demandant aux fidèles d’arrêter d’être Français légalistes, Français républicains et Français patriotes”, est-il écrit, selon Le Parisien.

Porte-parole autoproclamé

En janvier 2014, Islam & Info “soutient” les “journées de retrait” organisées par Farida Belghoul, alors proche d’Alain Soral, afin de protester contre une prétendue “propagande LGBT” dans l’éducation nationale. Mais le succès de ce site tient surtout à son suivi précis de l’actualité : à la manière de la revue de presse identitaire Fdesouche, dont il est le pendant, Islam & Info relaye et commente les médias sous l’angle unique de l’islamophobie.

Le 23 juillet 2013, il publie une vidéo intitulée “Trappes, police, nikab, émeute, les médias vous mentent, voici ce qu’il s’est réellement passé”, vue plus de 700 000 fois. Elias d’Imzalène y dénonce le contrôle d’identité d’une femme en voile intégral dans la ville des Yvelines. Un week-end d’émeutes s’ensuit, d’Imzalène s’improvise leader communautaire, comme il le fait, le mois suivant, à Argenteuil (Val-d’Oise), à trente kilomètres de là, après l’agression d’une femme voilée, prenant des rendez-vous avec le maire alors qu’il n’habite même pas le département. En septembre 2023, on l’aperçoit encore à Stains, autour de lycéens mobilisés contre l’interdiction de l’abaya. Puis, en avril dernier, dans la foule d’un rassemblement propalestinien devant Sciences Po. “D’Imzalène est partout où on peut faire de l’agit-prop. C’est son mode opératoire”, pointe Bernard Godard.

Ces dernières années, Elias d’Imzalène a un temps semblé en perte de vitesse ; son site Islam & Info est tombé en quasi-sommeil. Depuis octobre 2023, il retrouve une visibilité en s’investissant dans le militantisme propalestinien. Il devient une des figures d’Urgence Palestine, une association radicale avec laquelle la France insoumise fait régulièrement cause commune. Sur Mizane TV, en février 2022, il livrait une des raisons de son rapprochement avec la galaxie mélenchoniste : l’influence grandissante des thèmes du Parti des indigènes de la République (PIR), un mouvement décolonial au discours virulent. “Il faut rendre hommage au travail qu’a fait le Parti des indigènes de la République, à Houria Bouteldja [NDLR : fondatrice du PIR], qui a rendu possible une victoire culturelle au sein des partis […], qui a réussi à faire évoluer LFI.” L’influenceur lui aussi évolue. Son entrisme ne se limite plus à l’islamophobie ni même au mouvement propalestinien : le 29 juin, il était l’homme derrière Assa Traoré pendant son discours à Nanterre, à l’occasion de l’anniversaire de la mort du jeune Nahel, tué par un policier.




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