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Stéphane Séjourné à la Commission européenne : les dessous des tractations à Bruxelles


Rarement l’annonce de la composition de la Commission européenne aura été précédée de telles péripéties ! A 24 heures du rendez-vous d’Ursula von der Leyen avec le Parlement européen, le remplacement in extremis de Thierry Breton par Stéphane Séjourné comme candidat désigné de la France a fait l’effet d’un coup de théâtre à Bruxelles. Cet épisode, déjà inédit en soi, est venu s’ajouter au feuilleton slovène, responsable du report d’une semaine de la distribution des portefeuilles. D’ailleurs, le Premier ministre Robert Golob, sous pression de son opposition, n’avait toujours pas officialisé la candidature de la diplomate Marta Kos ce lundi 16 septembre en fin d’après-midi.

Sauf changement de dernière minute, la présidente de la Commission semble malgré tout décidée à dévoiler qui fera quoi dès ce mardi 17 septembre. En obtenant l’éviction du puissant commissaire français sortant, la conservatrice allemande a montré qu’elle veut davantage imposer sa marque sur son équipe, même si elle a échoué à obtenir un équilibre paritaire entre hommes et femmes. Si elle ne choisit pas les candidats et candidates proposées par les Etats-membres, l’Allemande peut décider quel périmètre de responsabilité elle leur confie.

“La priorité, c’est le portefeuille et il fallait une personnalité qui ait la confiance des deux présidents pour le porter”, explique l’entourage d’Emmanuel Macron pour justifier l’atterrissage européen du ministre des Affaires étrangères. Même si la Commission européenne avance poliment la même explication mot pour mot, les mauvaises relations entre Ursula von der Leyen et Thierry Breton étaient de notoriété publique. A plusieurs reprises, le responsable du marché intérieur et du numérique s’est ouvertement dressé contre sa patronne ou a agi sans la consulter. Sa tête, c’était le prix à payer par Paris pour sécuriser les responsabilités convoitées.

Séjourné, combien de fonctionnaires ?

Selon l’Elysée, Stéphane Séjourné devrait devenir le vice-président exécutif en charge “des enjeux de souveraineté industrielle, technologique et de compétitivité européenne” chers à Emmanuel Macron et jugés cruciaux par Mario Draghi dans son récent rapport. Il devrait piloter un “cluster”, un groupe de quatre commissaires (Innovation et recherche, commerce et sécurité économique, affaires économiques et financières, services financiers et union des marchés de capitaux). La défense en revanche n’en ferait pas partie. L’ancien patron du groupe centriste au Parlement européen ne pourra s’appuyer que sur une seule direction générale, celle de l’industrie et du marché intérieur (la “DG Grow” en jargon bruxellois) qui devrait néanmoins être renforcée, alors que Thierry Breton, lui, en chapeautait trois lors du mandat précédent. A Bruxelles, le pouvoir réel dépend du nombre de bataillons de fonctionnaires dont vous avez le contrôle…

En choisissant Stéphane Séjourné, l’Elysée mise également sur une personnalité plus politique, susceptible de jouer un rôle actif de coordination dans la coalition à trois partis qui soutient Ursula von der Leyen. Dans un Parlement européen très morcelé où coexistent désormais trois groupes d’extrême droite, les conservateurs du PPE, les socio-démocrates du SD et les centristes libéraux de Renew constituent les piliers de sa majorité. A ce titre, chacun devrait donc recevoir au moins une vice-présidence exécutive et piloter l’un des grandes priorités des années à venir. Le PPE letton Valdis Dombrovskis, poids lourd de l’équipe sortante, encadrera les sujets liés à l’élargissement et la reconstruction de l’Ukraine. La ministre espagnole Teresa Ribera coordonnera les thèmes liés aux transitions, au premier rang desquelles le climat, mais sans doute aussi le numérique. Un autre socialiste, le Slovaque Maros Sefcovic, – qui entame son quatrième mandat ! – pourrait obtenir lui aussi un poste de “VP-E” et se verrait confier, entre autres, la simplification très attendue des réglementations européennes.

Bonnes grâces de Meloni

Enfin, “au nom du poids de l’Italie” et pour s’allier les bonnes grâces de Giorgia Meloni, Raffaele Fitto, membre des Fratelli d’Italia et ministre des Affaires européennes devrait lui aussi se voir confier de larges responsabilités et gérer la cohésion, l’économie et l’argent du plan de relance post-Covid. Une perspective contre laquelle la gauche et le centre se sont déjà élevés, mais qui reflète la droitisation de la vie politique européenne.

Au total, pas moins de 14 commissaires européens seront issus des rangs du PPE parmi les prochains locataires du Berlaymont. Les conservateurs devraient obtenir les portefeuilles importants du budget (destiné au polonais Piotr Serafin, proche du Premier ministre Donald Tusk), de la défense, de l’énergie ou encore de l’agriculture. La libérale belge Hadja Lahbib semblait, elle, fléchée pour le portefeuille de la migration.

Après l’étape déjà mouvementée des nominations, tous les prétendants à un mandat européen devront encore passer un grand oral de trois heures devant les eurodéputés, un exercice difficile auquel trois candidats (dont la Française Sylvie Goulard) ont échoué en 2019. On ne peut donc pas exclure de nouvelles péripéties.




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