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Bipeurs, téléphones, talkies-walkies… Le système de sécurité du Hezbollah déjoué


Mercredi 18 septembre, 16h30. Des talkies-walkies explosent dans la banlieue sud de Beyrouth. L’impression de revivre le cauchemar de la veille. Il était aux alentours de 15h30 au Liban ce mardi, lorsque des centaines de personnes ont reçu simultanément un mystérieux message sur leur bipeur. Quelques secondes plus tard, les appareils explosaient, entraînant sur leur passage 12 morts et plus de 2 800 blessés. Parmi eux, plusieurs membres du “Parti de Dieu” : le Hezbollah.

Après le drame, l’un des responsables de la formation pro-iranienne, cité par l’agence Reuters, le reconnaissait : le Hezbollah venait de vivre sa “plus grande faille sécuritaire”. Mais alors que le parti n’a cessé de revoir ses protocoles de sécurité et d’appeler ses membres à la vigilance depuis octobre 2023, dans quelle brèche Israël a-t-il bien pu s’engouffrer ?

La chaîne logistique infiltrée

Si plusieurs théories circulent quant à l’origine des explosions, la plus plausible pointe du doigt le Mossad, le service de renseignement extérieur israélien. “D’après les enregistrements vidéo […], un petit explosif de type plastique a certainement été dissimulé à côté de la batterie [des bipeurs, NDLR] pour un déclenchement à distance via l’envoi d’un message. Le Mossad a donc infiltré la chaîne logistique”, évalue Charles Lister, expert au Middle East Institute (MEI) sur le réseau social X ce mardi.

Une analyse confirmée par le témoignage de responsables américains auprès du New York Times. Selon cette source, les services secrets seraient bel et bien parvenus à cacher des explosifs dans une cargaison de bipeurs commandés par le Hezbollah. Et ce, avant leur livraison au Liban. Selon le média américain et l’agence Reuters, des milliers de bipeurs ont été commandés à l’entreprise taïwanaise Gold Apollo et livrés ces derniers mois.

Gold Apollo, elle, dément avoir fabriqué les appareils et affirme que leur production a été assurée par l’entreprise BAC, un partenaire hongrois. Une information contredite par Budapest. “(La société) est un intermédiaire commercial, sans site de production ou opérationnel en Hongrie”, a confirmé le porte-parole du gouvernement Zoltan Kovacs sur X ce mercredi.

Les bipeurs, une fausse bonne idée ?

La formation pro-iranienne avait décidé de revenir à l’utilisation de l’ancêtre du téléphone portable ces derniers mois. Une méthode désuète que ses combattants avaient utilisée au début des années 2000. Messages courts et codés, réseau privé. D’après des informations de l’agence de presse britannique de juillet dernier, le Hezbollah pensait avoir finalement mis la main sur un moyen de communication permettant d’échapper à la technologie de surveillance sophistiquée de l’Etat hébreu. En vain.

“C’est un coup dur pour le Hezbollah. Il a toujours attribué sa performance pendant la guerre de juillet [en 2006, contre Israël], en partie, à son réseau de télécommunications primitif qui reposait sur des téléavertisseurs et une ligne ‘interne’ de fibre optique. En neutralisant la supériorité technologique d’Israël avec ‘simplicité’, pour reprendre les termes de Nasrallah [chef du mouvement chiite, NDLR], le Hezbollah a empêché Israël de perturber son système de commandement et de contrôle. L’attaque d’aujourd’hui annule cet avantage”, a expliqué l’écrivaine et analyste politique libanaise Amal Saad, sur son compte X.

Les téléphones interdits sur le front

Selon une source anonyme de Reuters, les combattants du “Parti de Dieu” n’étaient désormais plus autorisés à apporter leur téléphone portable sur le front. Un appareil sur lequel les habitants du sud-Liban avaient déjà été mis en garde en février dernier. “Jetez vos smartphones, enterrez-les, mettez-les dans une boîte de métal et éloignez-les. […] Ils entendent tout ce que vous faites, dites, envoyez et prenez en photo. Votre localisation, votre maison… Israël n’a pas besoin de plus que cela”, avait préconisé le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

Une autre source de l’agence de presse a affirmé que le parti chiite effectuait des contrôles surprises pour les membres des unités de terrain ainsi que les hauts responsables politiques afin de vérifier s’ils avaient leur téléphone sur eux. Une règle faisant notamment suite à l’assassinat de Saleh-el-Arouri, haut dirigeant du Hamas tué par une frappe de drone alors qu’il assistait à une réunion à Beyrouth en janvier dernier. Pour contrer ces attaques inattendues, le Hezbollah avait d’ailleurs adopté le DroneGun Tactical, un brouilleur portatif anti-drones.

Le 18 juillet 2021, la révélation du scandale du logiciel espion Pegasus avait déjà mis un coup de frein à l’utilisation de téléphones portables pour transmettre des informations à caractère confidentiel. Plus de 80 journalistes internationaux coordonnés par Forbidden Stories avaient permis de démontrer que le logiciel, vendu par la société israélienne NSO, avait ciblé des milliers de personnalités de la société civile.

Mais après ces évènements du 17 et 18 septembre, une question subsiste pour Amal Saad : “Pourquoi Israël a-t-il décidé de jouer cette carte en dehors du contexte d’une guerre totale, où une telle perturbation aurait pu changer le cours de la guerre ?”. Sur le sujet, l’analyste a tout de même sa petite idée : “Israël a d’autres objectifs qui pourraient aller bien au-delà d’une guerre totale.”




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