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De Dick Cheney à Taylor Swift : Kamala Harris, ses atouts pour battre Donald Trump

La deuxième tentative d’assassinat contre Donald Trump, dimanche sur un terrain de golf, va-t-elle casser la dynamique Harris ? Lancée en fanfare après le renoncement de Joe Biden fin juillet, la campagne démocrate semblait jusqu’ici irrésistible. En moins de deux mois, Kamala Harris a en effet étonné son monde. En deux temps, trois mouvements, elle a unifié la machine démocrate, galvanisé ses militants, choisi un colistier qui “fait le buzz”, mis le feu à la convention du Parti à Chicago et, last but not least, étrillé Donald Trump lors d’un débat télévisé.

Après que le républicain a affirmé que “les migrants mangeaient les chiens, les chats et les animaux domestiques des habitants de Springfield” (une localité de l’Ohio qui a reçu un afflux massif d’Haïtiens), c’est lui qui a semblé se faire dévorer tout cru. Pour l’heure, les deux candidats sont au coude-à-coude et l’issue du scrutin est terriblement incertaine. Mais contrairement à ce que beaucoup pensaient, l’actuelle vice-présidente possède de nombreux atouts pour gagner le 5 novembre.

Tim Walz, un colistier qui plait aux “cols bleus”

Avec son visage rond et son air de grand-père débonnaire, il sera l’un de ces grands atouts lors du vote du 5 novembre prochain. Un mois après sa désignation comme colistier par la candidate démocrate, l’entrée en campagne de Tim Walz, le gouverneur du Minnesota, est proche du sans-faute. Selon un récent sondage USA Today et Suffolk University publié début septembre, il serait nettement plus populaire que son homologue républicain, J. D. Vance. Là où le démocrate récolte 48 % d’opinions favorables, le colistier de Trump ne suscite l’adhésion, lui, que de 36 % des électeurs.

A 60 ans, celui qui deviendra le prochain vice-président en cas de victoire de Harris, n’a pas le profil d’un cacique de Washington. Après avoir commencé sa carrière au sein de la Garde nationale avant de devenir professeur de géographie dans un lycée, Tim Walz ne s’est lancé dans l’arène politique que sur le tard. Ancien coach de football américain et chasseur revendiqué, il se plaît à cultiver une image populaire de plus en plus rare dans le camp démocrate. “C’est vraiment le père de famille américain typique, glisse l’historienne des Etats-Unis Françoise Coste. Son profil permet de déminer cette critique en ‘wokisme’ que les républicains font sans cesse aux démocrates.” Un atout de poids pour Kamala Harris, originaire de Californie et plébiscitée par l’électorat urbain et diplômé de la côte ouest, comme de la côte est.

Le gouverneur du Minnesota et colistier de Kamala Harris, Tim Walz, à la convention démocrate à Chicago, le 22 août 2024.

Les stratèges démocrates le savent, pour remporter la victoire en novembre, ils devront élargir leur base. “Tim Walz bénéficie de la même crédibilité que Joe Biden auprès des catégories populaires blanches, souligne Charles Kupchan, professeur à l’université Georgetown et ancien conseiller de Barack Obama. A travers sa nomination, Kamala Harris cherche à toucher les électeurs blancs indépendants et modérés du Midwest.” Ces derniers seront déterminants pour reconstruire le “blue wall” (Etats traditionnellement gagnés par les démocrates depuis les années 1990) dans cette région (centre nord) qui compte de nombreux Etats-clés comme le Michigan, la Pennsylvanie ou le Wisconsin.

Dans le même temps, son bilan de gouverneur a l’avantage de donner des gages à l’aile gauche du parti – devenue de plus en plus critique au fil des années Biden. Au cours de son mandat, Tim Walz – qui a été élu pendant douze ans au Congrès avant de devenir gouverneur du Minnesota en 2019 – a légalisé l’usage de la marijuana, renforcé le contrôle des armes à feu et s’est engagé à faire de son Etat un sanctuaire pour les femmes souhaitant recourir à une IVG.

Jusqu’alors peu connu du grand public, ce natif du Nebraska a récemment gagné en notoriété après une série d’attaques bien senties contre Donald Trump et son entourage, qu’il a présentés comme “des mecs bizarres”. Un vocable repris en chœur par le camp démocrate dans les médias et sur les réseaux sociaux. Nul doute qu’il tentera de mettre à profit ce talent pour la punchline lors de son débat télévisé contre J. D. Vance, le 1er octobre prochain.

Des républicains qui veulent faire barrage à Trump

“Au cours des deux cent quarante-huit ans d’histoire de notre nation, il n’y a jamais eu personne qui représente une plus grande menace pour notre république que Donald Trump.” On aurait pu croire ces mots solennels tout droit sortis de la bouche d’un responsable démocrate. Pourtant, il n’en est rien : ils ont été prononcés par un républicain pur sucre. Et pas n’importe lequel : Dick Cheney, ancien vice-président de George W. Bush, et secrétaire à la Défense sous Bush père, qui a annoncé son soutien à Kamala Harris le 6 septembre.

Le président américain George W. Bush, le vice-président Dick Cheney (c), le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld (g), têtes de file des néoconservateurs, lors d’un discours le 28 septembre 2005, à la Maison-Blanche

Comme lui, et à l’instar de sa fille Liz – ancienne représentante du Wyoming et conservatrice convaincue –, une partie du Grand Old Party a pris fait et cause pour la candidate démocrate pour faire barrage à Donald Trump dans la course à la Maison-Blanche. “L’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, a constitué un point de bascule, retrace Françoise Coste, auteure de Reagan (Perrin) et spécialiste du Parti républicain. Pour eux, la question principale qui traverse la politique américaine aujourd’hui n’est plus le clivage gauche-droite, mais le fait d’être pour ou contre la démocratie.”

Fin août, un groupe de plus de 200 républicains – comprenant d’anciens collaborateurs de l’ex-président Bush, des sénateurs, des gouverneurs, etc. – annonçait vouloir voter pour la vice-présidente dans une lettre ouverte. Regroupés sous l’étiquette “les Républicains pour Harris”, certains ont même pris la parole à la Convention démocrate fin août. Pour l’un d’eux, Adam Kinzinger, ancien représentant de l’Illinois, cela ne fait aucun doute : Ronald Reagan lui-même aurait soutenu Harris…

Reste à voir si leur ralliement pèsera dans la balance lors du scrutin du 5 novembre. “Cela ne suffira probablement pas à élargir la base électorale de Kamala Harris, mais ça pourrait tout de même l’aider à consolider le vote de certains électeurs indépendants”, juge Julian Zelizer, professeur à l’université de Princeton. Or, pour la candidate démocrate, toutes les voix sont bonnes à prendre.

La “machine à gagner” du Parti démocrate

Plus que jamais, Kamala Harris peut aussi compter sur “la machine”. L’expression remonte au XIXe siècle et fait référence à l’organisation bien huilée, hyperstructurée et parfaitement disciplinée du Parti démocrate fondé en 1848. Historiquement, “la machine” la plus célèbre est celle du légendaire maire de Chicago Richard J. Daley (1955-1976), qui fit régner la loi démocrate sur la grande métropole du lac Michigan pendant plus de deux décennies – y compris en graissant la patte des syndicats.

Et si, en 2016, le dispositif démocrate, grippé en raison d’un mouvement interne d’hostilité à Hillary Clinton, n’a pas empêché l’élection de Donald Trump, l’inverse se produit aujourd’hui : vingt-quatre heures après l’annonce du renoncement de Joe Biden, le parti était déjà en ordre de bataille. “Cette rapidité est impressionnante à voir, reconnaît Célia Belin, auteure de Des démocrates en Amérique (Fayard, 2020). Du jour au lendemain, tout le monde s’est rangé comme un seul homme derrière Harris : le parti, bien sûr, appelé Comité démocrate national (DNC), mais aussi les élus démocrates, les syndicats de l’enseignement ou de l’automobile, les militants, les grands médias, les “people” comme George Clooney, les intellectuels comme Ezra Klein [NDLR : éditorialiste au New York Times], sans oublier les réseaux d’Obama et de Nancy Pelosi.” Même les trublions Alexandria Ocasio-Cortez, alias AOC, et Bernie Sanders se sont alignés sans barguigner derrière la candidate.

Selon Célia Belin, qui dirige le bureau parisien du think-tank European Council on Foreign Relations, deux modèles s’opposent :”Le Parti démocrate est un collectif discipliné tandis que le Parti républicain est devenu la chose d’un seul homme, Donald Trump.” Qui ne doit pas connaître le dicton latin Vae soli – “Malheur à celui qui va seul”.

Taylor Swift, la botte secrète pour séduire les jeunes

Quelques minutes après la fin de l’unique débat Trump-Harris ont suffi pour que la chanteuse Taylor Swift publie un message qui pourrait faire date. “Je voterai pour Kamala Harris et Tim Walz à la présidentielle parce qu’ils défendent depuis des décennies les sujets qui me tiennent le plus à cœur : les droits LGBTQ +, le droit à la FIV [fécondation in vitro], le droit des femmes à décider sur leur propre corps”, écrit-elle sur Instagram. Finaude et soucieuse de ne pas s’aliéner une partie de son public, la star de la pop s’abstient toutefois de donner des consignes de vote mais appelle les “swifties” (ainsi se nomme son public de fans largement féminin) à “effectuer leurs propres recherches sur les positions de chaque candidat”. Si elles le font, elles découvriront vite que Trump est un brin moins féministe que Harris…

La superstar de la pop Taylor Swift lors d’un concert à Lisbonne le 24 mai 2024.

Dans les vingt-quatre heures suivant cette “story”, le trafic du site Vote.gov, où l’on peut s’inscrire sur les listes électorales, explose : 406 000 visiteurs ont cliqué sur le lien indiqué par Taylor Swift, quand on en dénombre habituellement 30 000. Il faut dire que son compte Instagram totalise… 284 millions de followers ! En 2018 déjà, la chanteuse soutient une candidate démocrate dans le Tennessee face à une républicaine aux propos homophobes. En 2020, elle se déclare pour Biden. Et en 2022, elle critique la décision de la Cour suprême de revenir sur le droit à l’avortement.

Mais quelle peut être l’influence réelle de Taylor Swift ? Dans une course électorale où Trump et Harris sont au coude-à-coude, et où 5 % des électeurs potentiels se disent encore indécis, chaque voix compte, notamment celles des primo-votants, âgés de 18 à 23 ans. Cette catégorie de l’électorat, qui est aussi la tranche d’âge des fans de la chanteuse, vote démocrate dans une proportion de 2 sur 3. Faire en sorte qu’ils ne s’abstiennent pas et se rendent aux urnes est donc essentiel pour Harris. En 2016, en effet, la victoire de Biden s’est jouée à quelques milliers de voix d’écart dans une poignée d’Etats-clés. Taylor Swift serait-elle l’arme secrète de Kamala Harris ?




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