Au moins 37 morts et trois mille deux cents blessés : le Liban est toujours sous le choc ce 19 septembre, après les multiples explosions, mardi et mercredi, d’appareils de radiocommunication utilisés par le Hezbollah, et qui auraient été piégés en amont par Israël. Alors que cette attaque d’ampleur, digne d’un film d’espionnage, suscite toujours de nombreuses interrogations quant à sa préparation, des sources proches des services de renseignement ont affirmé au New York Times que le matériel vendu au Hezbollah provenait, en réalité, d’une société écran israélienne.
Comme le rappelle le quotidien américain, Israël n’a, pour l’instant, pas émis de déclaration officielle quant à sa responsabilité dans ces événements. Mais pour une douzaine d’actuels et d’anciens responsables de la défense et du renseignement informés de l’attaque (leurs nationalités ne sont pas précisées), il n’y a pas de doute sur l’implication des Israéliens dans cette opération, décrite comme “longue à mettre en place et complexe”.
En effet, selon une enquête préliminaire menée par les autorités libanaises, il est apparu que les appareils étaient “préprogrammés et contenaient des matériaux explosifs placés à côté de la batterie”, avait indiqué à l’AFP un responsable libanais de la sécurité. Pour Charles Lister, expert au Middle East Institute, comme de nombreux analystes, il semblait de plus en plus clair, au vu des informations connues, que “le Mossad (le service de renseignement extérieur israélien) avait infiltré la chaîne d’approvisionnement” du Hezbollah. Restait à savoir comment ils avaient procédé.
Un vrai fabricant et des clients “ordinaires”
D’après le média américain, la société basée en Hongrie qui aurait vendu des bipeurs piégés au parti chiite, B.A.C Consulting, est “une société écran israélienne”, produisant des appareils à destination d’une marque basée à Taïwan : Gold Apollo. Mardi, une source de sécurité libanaise interrogée par Reuters avait d’ailleurs indiqué que les appareils piégés provenaient de cette entreprise – information rapidement démentie par la marque. “Gold Apollo a exporté 260 000 pagers entre 2022 et août 2024, principalement vers les marchés européens et américains. […] Il n’y a pas de trace d’exportation directe vers le Liban”, a expliqué le ministère taïwanais des Affaires économiques, cité par L’Orient-Le Jour.
“Israël avait mis en place un plan visant à créer une société écran se faisant passer pour un producteur international de bipeurs”, indique le New York Times. La société en question livrait par ailleurs “des bipeurs normaux à des clients ordinaires”, selon trois officiers du renseignement cités. “Au moins deux autres sociétés écrans ont été créées pour masquer l’identité réelle des personnes chargées de la fabrication des téléavertisseurs : des officiers de renseignement israéliens”. Leur cible : le Hezbollah, pour qui les engins de radiocommunication étaient fabriqués séparément, afin qu’y soient incorporées des piles imprégnées de Tétranitrate de pentaérythritol (PETN), un explosif particulièrement puissant.
Plus gros coup porté à l’organisation
Israël aurait en effet anticipé qu’au vu de ses propres progrès en termes de piratage de téléphones et d’objets connectés, les chefs du parti libanais se tourneraient vers des moyens de communication plus rudimentaires. “Pendant des années, les dirigeants ont insisté pour que le Hezbollah investisse plutôt dans les bipeurs qui, malgré leurs capacités limitées, pouvaient recevoir des données sans révéler l’emplacement de l’utilisateur ou d’autres informations compromettantes”. Après le plus gros coup jamais porté à la formation, sa principale figure, Hassan Nasrallah, doit s’exprimer ce jeudi à 17 heures.
Ces événements se déroulent après qu’Israël a annoncé l’extension de ses objectifs de guerre contre le Hamas palestinien – soutenu par le Hezbollah -, jusqu’à la frontière nord avec le Liban, pour permettre le retour des déplacés dans le nord du pays. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira en urgence vendredi pour discuter de la série d’explosions au Liban. La Turquie a, quant à elle, accusé “Israël d’étendre la guerre au Liban”, tandis que Berlin, l’ONU et Washington ont mis en garde contre une “escalade”.
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