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Travailler en famille, mode d’emploi : “Sa force et sa faiblesse, c’est l’affect”


“Les entreprises familiales représentent 50 % des emplois français, ce qui est considérable”. Philippe Grodner, président du Family Business Network (FBN) plante le décor. Pour ce chef d’entreprise familiale de la deuxième génération, “leur pérennité est essentielle” puisqu’elles représentent 83 % des entreprises françaises (75 % des PME et 50 % des ETI d’après une étude FBN Adrien Stratégie et le METI, 2023). Pour y arriver, ces entreprises doivent faire attention à plusieurs points essentiels.

Qualité relationnelle

Le premier ? Leur capital social et humain. “La qualité relationnelle entre les dirigeants et leurs collaborateurs et entre les collaborateurs eux-mêmes est une des caractéristiques principales de l’entreprise familiale, détaille Philippe Grodner. Celle-ci est incarnée et marquée par l’ADN de la famille dirigeante.” Nicolas Desforges, 30 ans, le constate dans son quotidien aux côtés de ses frères. Il travaille depuis 2019 pour Maison Caulières, une société de cosmétiques créée par son aîné Xavier. “On sait comment l’autre fonctionne, explique le trentenaire. On ose se dire les choses franchement.”

Mais atteindre cette relation équilibrée entre vie familiale et vie professionnelle prend du temps. “Ce qui a été complexe, c’est d’apprendre à bien distinguer les moments où on se parlait en tant qu’époux ou en tant que collègues”, témoigne Elisabeth Couëtoux. Avec son mari Erwan, elle a lancé une ferme spécialisée dans la spiruline – micro-algue aux nombreuses vertus – il y a 5 ans. Elle invite tous ceux qui veulent travailler en famille “à faire la part des choses et à apprendre, avant de se lancer, à distinguer son collègue de son proche.”

Léa Greuin, co-fondatrice avec sa mère Carole de l’épicerie vrac Mon Bocal à Argenton-sur-Creuse, a elle aussi fait l’expérience de cette période d’adaptation. “Au début, ce n’était pas évident. Dans la pression de l’ouverture, je prenais un peu trop de place, j’étais assez directive.” La cheffe d’entreprise conseille ainsi de “dialoguer pour trouver un rythme équilibré”. Par ailleurs, il faut, pour elle, bien connaître son associé, car travailler en famille n’est “pas fait pour tout le monde”.

Pour bien s’y préparer, le Family Business Network recommande à ses membres de créer une charte familiale afin d’anticiper tous les sujets qui demain seront potentiellement conflictuels. “Le successeur, l’arrivée des conjoints au sein de l’entreprise, la rémunération…, détaille le président. La force et la faiblesse de l’entreprise familiale, c’est l’affect.”

Le défi du long terme

Les entreprises familiales peuvent, enfin, être de réels pivots de l’économie locale par leur ancrage territorial. “Elles permettent une revitalisation dans certaines régions”, explique Philippe Grodner. C’est le cas de Léa et Carole à Argenton-sur-Creuse. Elles y ont ouvert la première épicerie de la ville. Nicolas et ses frères sont aussi très attachés à leur terroir. Au cœur de leur projet se tiennent les huiles produites par leur père en Touraine, présentes dans la composition de chacun de leurs produits.

Mais le président du FBN insiste sur un point en particulier : la vision à long terme de l’entreprise. “Les familles raisonnent en générations et non en trimestres, souligne-t-il. C’est aussi leur plus grand défi, car à l’heure actuelle, une grande partie sont dans une période cruciale de leur transmission.” D’ici à 2030, 60 % des entreprises familiales seront concernées par cette passation. La génération dirigeante actuelle, celle des baby-boomers, va bientôt laisser sa place à la suivante. Mais la passation prend du temps : “il faut entre 7 et 10 ans pour préparer au mieux une transmission.” Un vrai défi pour l’économie française alors que le taux de transmission intrafamilial dans le pays est inférieur à la moyenne européenne. En France, cette passation concerne 14 à 20 % des entreprises familiales contre 50 % à 70 % pour l’Allemagne ou l’Italie.




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