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Didier Migaud garde des Sceaux, la “fausse prise” de gauche : “Comment imagine-t-il influer…”


Est-ce le prix de l’audace ? L’ordre protocolaire des membres du gouvernement est avant tout un choix discrétionnaire du président de la République et du Premier ministre. Et une donnée symbolique non négligeable. Il n’y a donc rien d’anodin à ce que le nom de Didier Migaud, nouveau garde des Sceaux, émane en deuxième position, le premier des 39 ministres annoncés par Alexis Kohler samedi soir à l’Elysée. Son prédécesseur à la Chancellerie, Eric Dupond-Moretti, pointait, lui, à la huitième place. “C’est un message entre les lignes”, sourit un conseiller ministériel.

La Justice sera donc le ministère régalien le plus important de l’architecture gouvernementale ? Le symbole sonne désormais comme une reconnaissance, pour l’unique personnalité issue de la gauche ayant accepté de rejoindre l’équipe droitière de Michel Barnier. Comme un totem, il revêt également des allures de paravent, alors que l’exécutif bicéphale planchait sur l’avènement d’un gouvernement d’union nationale.

Au gré de laborieuses tractations, Michel Barnier a finalement échoué à élargir à gauche. Sans surprise, les quatre formations du Nouveau Front populaire avaient opposé une fin de non-recevoir à une éventuelle participation au gouvernement. Matignon s’était finalement tourné, notamment, vers d’anciennes gloires socialistes, sans succès à nouveau. Certains avaient clairement fait valoir leur refus, à l’instar du maire rose du Mans, Stéphane Le Foll, ou de l’ancien ministre de l’Economie sous François Hollande, Arnaud Montebourg. D’autres, comme Karima Delli, ancienne eurodéputée EELV et ex-présidente de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen, également sondée par la rue de Varennes, a fait le choix du silence. Ces derniers jours, l’ancien président de la Cour des Comptes et de la HATVP était, lui aussi, resté discret, sans rien cacher de ses ambitions à ses amis de gauche, alors que son nom commençait à circuler pour la Chancellerie. A une députée rose et amie, inquiète de la rumeur, il textote, laconique : “A un moment, il faut aussi que certains se décident à aller servir dans l’intérêt général.”

Poussé à Matignon par Yaël Braun-Pivet

En août dernier, en tête à tête avec le président de la République, Yaël Braun-Pivet plaide la cause de Didier Migaud… pour Matignon. L’Elysée donne finalement peu de crédit à ce profil, jugé trop “technique” et ayant quitté la scène politique depuis plus d’une décennie, tout en conservant son nom dans un coin de la tête. La présidente de l’Assemblée nationale, elle, assure que l’homme est un “vrai politique”. Il l’a été. Député socialiste de la quatrième circonscription de l’Isère pendant plus de vingt ans – il croise Michel Barnier à l’Assemblée -, Didier Migaud a eu comme mentor Louis Mermaz, alors président du conseil général de l’Isère, sur les recommandations d’un certain François Mitterrand, un ami de la famille.

“Solférinologue” professionnel, compagnon de route de Laurent Fabius, et identifié comme un financier – il est à l’initiative de la fameuse loi organique relative aux finances publiques (“Loi Lolf”) -, l’homme a gravi l’intégralité des échelons des mandats électoraux : maire de Seyssins, président de Grenoble-Alpes Métropole, rapporteur général du budget de l’Assemblée puis président de la puissante commission des Finances. Sans jamais accéder au moindre maroquin ministériel. Ironie d’une trajectoire, l’homme est canonisé par Nicolas Sarkozy qui, en 2010, le nomme à la tête de la Cour des comptes.

Durant sa décennie au Palais Cambon, moment où il rend sa carte du Parti socialiste, le premier magistrat est respecté. Il est surtout soucieux de ne pas faire montre de partialité… au point, dit-on, de vouloir faire oublier sa vie d’avant. “Dans ses discours, il avait un côté “tout ce qui est politique est sale” et appelait à se méfier des responsables politiques”, ironise un ancien magistrat. Ne parlez surtout pas aux anciens ministres de François Hollande de Didier Migaud ! Poussée d’urticaire garantie… “Migaud, il a trahi car nommé par Sarkozy, et n’a eu de cesse de nous gêner”, fulmine un ancien ministre. L’intéressé avait pointé “l’insincérité” manifeste des textes financiers, la faute la plus grave en droit financier. Alors qu’il est pressenti à la tête de la Haute autorité à la transparence de la vie publique, nommé en 2020, l’un de ses amis l’interpelle : “Tu vas te faire détester par tous les copains !”

Nouvelle ironie de l’histoire : en 2020, la HATVP avait demandé à Eric Dupond-Moretti des “précisions” sur de “possibles conflits d’intérêts”, à la suite de sa nomination Place Vendôme. Quelques mois plus tard, l’ex-garde des Sceaux avait qualifié l’autorité administrative de “truc populiste”. Le 11 septembre dernier, comme le racontaient L’Express et Le Canard Enchaîné, l’ancien avocat débarque à la rentrée du Conseil d’Etat : “Il est là Migaud ? […] Il paraît que vous avez refusé d’être ministre parce que vous aviez peur que la France connaisse l’étendue de votre fortune.”

“Qu’il soit à l’aise dans un gouvernement de droite, c’est son problème…”

A gauche, on s’emploie à minimiser l’idée selon laquelle Didier Migaud serait une “prise de guerre”. S’il est encore bien vu de l’ancienne génération socialiste, on souligne tout de même son éloignement des sphères du PS lors de ces dix dernières années. “Il n’a plus vraiment rencontré de socialistes depuis son passage à la Cour des comptes, il est totalement sorti du circuit”, assure Marie-Noëlle Battistel, parlementaire socialiste de la quatrième circonscription de l’Isère, celle de Didier Migaud, et ancienne suppléante de l’intéressé. “Il a quitté le parti et n’a de compte à rendre à personne, c’était aussi sa force, analyse le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner. Après, qu’il soit à l’aise dans un gouvernement de droite, autour de gens contre la PMA ou le mariage homosexuel, c’est son problème…”

Dans l’exécutif, le ministre “divers gauche”, à qui l’on connaît peu de prises de paroles publiques au sujet de la justice du commun des mortels, devra ferrailler avec l’un des profils les plus droitiers : Bruno Retailleau, le nouveau locataire de Beauvau. Ce dernier, éternel pourfendeur du “laxisme judiciaire”, désireux d’interdire la syndicalisation dans la magistrature, avait appelé en 2021 à une “révolution pénale”. Au gouvernement, certains macronistes, peu à l’aise avec le profil du Vendéen, se rassurent en interprétant la présence de Didier Migaud comme un contrepoids aux excès du premier. “J’espère qu’il y aura quand même une forme de binôme”, souhaite le député Les Républicains Antoine Vermorel-Marques, proche de Michel Barnier. Mais son amie, Marie-Noëlle Battistel, s’inquiète : “L’écart est considérable avec Retailleau… Comment imagine-t-il influer sur quoi que ce soit ?”





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