Le 20 avril 2022, la Russie annonçait en grande pompe le succès d’un test pour son missile intercontinental (ICBM) RS-28 Sarmat, surnommé Satan 2 par les Occidentaux. Une des “super armes” présentées par Vladimir Poutine en 2018, supposées pouvoir emporter avec elle 15 têtes nucléaires et atteindre Londres en moins de six minutes, le tout pour toujours davantage renforcer la dissuasion nucléaire agressive de Moscou. Mais depuis, peu d’informations avaient filtré du Kremlin sur la capacité d’opérer de ces missiles.
Et pour cause : ces derniers jours, les tests de ce Satan 2 auraient connu un troisième échec consécutif, et non des moindres. Le site d’essai de Plesetsk, au nord-ouest de la Russie, aurait été totalement rasé à la suite d’une explosion retentissante, vraisemblablement celle du missile Sarmat. C’est en tout cas ce qu’affirment plusieurs experts sur le réseau social X, qui ont publié des images assez éloquentes pour étayer leurs propos.
Maxar collected new high-resolution satellite imagery yesterday (September 21st) that reveals the aftermath of a dramatic launch failure of a Russian RS-28 ICBM at a launch site in the Plesetsk cosmodrome. ????@Maxar
Launch site before vs after pic.twitter.com/ikel3UBii6
— George Barros (@georgewbarros) September 22, 2024
“Maxar – un réseau de satellites spatiaux – a recueilli hier (21 septembre, NDLR) de nouvelles images satellites à haute résolution qui révèlent les conséquences de l’échec spectaculaire du lancement d’un ICBM RS-28 russe sur un site de lancement du cosmodrome de Plesetsk”, affirme ainsi George Barros, expert pour l’Institut pour l’étude de la guerre. “Un grand cratère (d’environ 62 mètres de large) est visible au niveau du silo de lancement et des dégâts importants sont visibles à l’intérieur et autour du pas de tir, ce qui suggère que le missile a explosé peu de temps après l’allumage ou le lancement”, complète-t-il, alors que d’importants feux de forêts aux alentours ont également été observés ces derniers jours.
Il est difficile de dater ou de savoir exactement la cause de l’accident. Alors que les autorités russes avaient mis en place des restrictions de vol dans la région du 19 au 23 septembre, laissant un assez large intervalle pour la durée de l’exercice, celles-ci ont été levées dès le soir du 19. Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Ifri et spécialisée sur les questions de dissuasion nucléaire et de prolifération, écrit sur le réseau social X que cet essai se serait “conclu par une explosion du missile avant même son tir, possiblement pendant le remplissage du carburant”. Une théorie étayée par Etienne Markus, spécialiste de l’aéronautique. “Le Sarmat semble en effet propulsé au moyen d’un propergol très dangereux, l’UDMH. L’UDMH est toxique et volatil, et produit des vapeurs inflammables dans l’air. Il est donc possible qu’une fuite de propergol dans le silo ait entraîné cet évènement catastrophique”, développe-t-il sur X.
“Une des futures clés de la dissuasion nucléaire russe”
Cet échec est loin d’être anodin. Pour Etienne Marcuz, la destruction de ce site d’essai du nord de la Russie va “forcément avoir des implications majeures sur le programme d’essais en vol qui semble déjà connaître un gros retard.” A ses yeux, trois possibilités se dessinent : “reconstruire le silo, ce qui prendra au minimum plusieurs mois voire années”, réaliser les prochains essais “depuis les silos déjà construits sur les futurs sites de déploiement opérationnels” ou bien “arrêter le programme”. Une dernière option qui paraît peu probable, alors que le Sarmat doit être “une des futures clés de la dissuasion nucléaire russe” mais reste désormais sur trois échecs après des accidents en février 2023 et novembre 2023.
Mais si le Sarmat doit permettre de largement moderniser l’arsenal nucléaire russe, cela ne signifie pour autant pas que le Kremlin se retrouve démuni en la matière. “Les SS-19 Mod. 3 et SS-18 Mod. 6, que le Sarmat doit remplacer, sont en service depuis 1980 et 1988, respectivement. En fonction de la disponibilité des pièces détachées et de la capacité de maintenance, la Russie pourrait ne pas ressentir le besoin urgent de les remplacer”, estime sur X Fabian Hoffmann, chercheur à l’université d’Oslo et également spécialisé sur les questions nucléaires. Même si ce dernier affirme que “du point de vue de la Russie, ces échecs aux tests sont probablement une source d’inquiétude croissante”. Auprès de l’agence de presse Reuters, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov s’est contenté d’affirmer ce lundi qu’il n’avait “aucune information” à donner sur un test du missile Sarmat, qui paraît toujours plus loin d’opérer dans un futur proche.
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