Le service national universel qui, depuis son lancement en 2019, a bien du mal à convaincre, pourrait bien connaître un nouveau souffle. Anne Genetet, la nouvelle ministre de l’Education nationale, et Gil Avérous, son homologue aux Sports, à la Jeunesse et à la Vie associative, ont au moins un point commun : ces deux nouveaux membres du gouvernement sont de fervents défenseurs de ce dispositif dédié aux jeunes de 15 à 17 ans volontaires pour participer à un “séjour de cohésion” de deux semaines, puis à une “mission d’intérêt général” dans une association, un service public ou encore une entreprise solidaire d’utilité sociale. Si la nouvelle hôte de la rue de Grenelle s’est gardée d’aborder ce sujet explosif lors de la cérémonie de la passation de pouvoirs avec sa prédécesseure Nicole Belloubet, le 23 septembre dernier, ses déclarations passées indiquent un intérêt pour le SNU.
En mai 2024, l’ancienne députée (Ensemble pour la République), alors membre de la commission de défense nationale et des forces armées, louait ce “projet de société destiné à favoriser le sentiment d’unité nationale grâce aux valeurs communes de citoyenneté, d’engagement et de cohésion”. “Anne Genetet connaît très bien ce sujet sur lequel nous avons été amenés à travailler ensemble”, confirme le député (Les Démocrates) Christophe Blanchet. “Reste à savoir quelle sera sa ligne de route car, depuis 2019, la mission initiale du SNU a fortement évolué”, poursuit l’élu. Surtout, la nouvelle ministre s’aventurera-t-elle sur ce terrain hautement glissant ? Le dispositif est décrié par la majorité des acteurs du monde éducatif, dont les syndicats enseignants. Une “mascarade coûteuse” dénonce le Snes-FSU, tandis que la CGT Educ’action y voit une “mise au pas de la jeunesse, et que le Snalc dénonce une “lubie” du président de la République.
C’est Emmanuel Macron, lui-même, qui évoque ce projet pour la première fois lors d’un discours sur la défense prononcé le 18 mars 2017. “La situation stratégique […], les menaces qui pèsent sur notre pays nous commandent aussi de renforcer le lien armées-nation, en permettant à l’ensemble de notre jeunesse de faire l’expérience de la vie militaire et d’être des acteurs à part entière de l’esprit de défense”, déclare celui qui est alors candidat à l’élection présidentielle. Le SNU devait, à l’origine, s’adresser “aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge – soit environ 600 000 jeunes par an”.
Mais depuis son lancement en 2019, seuls 90 000 volontaires ont répondu à l’appel. “Aujourd’hui, il nous faut créer les conditions de l’adhésion. Cela ne pourra véritablement se faire que si l’offre est la même sur tout le territoire. Ce qui pour l’instant n’est pas le cas”, reconnaît Christophe Blanchet qui, en mai dernier, avait proposé plusieurs pistes d’amélioration dans un rapport d’information sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale.
“Une généralisation est impossible”
Le manque d’encadrants, de locaux et les dérapages en série ont entaché la réputation du SNU ces dernières années. Le 13 septembre dernier, c’est le coup de grâce : la Cour des comptes dénonce “un pilotage institutionnel et budgétaire peu satisfaisant”, “une montée en charge à marche forcée malgré d’importantes difficultés de déploiement”. Les sages de la rue Cambon s’inquiètent surtout du poids financier que représente le dispositif. Il est “probable que les coûts de fonctionnements annuels du SNU se situent entre 3,5 à 5 milliards d’euros, sans compter les coûts d’investissement à venir”. “On sait aujourd’hui qu’une généralisation est impossible. En cette période de difficultés budgétaires, il faut savoir être raisonnable”, avance Laurent Lafon, sénateur (Union centriste) et président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
Une réponse à l’ex-Premier ministre Gabriel Attal qui, le 30 janvier 2024, annonçait une généralisation du dispositif pour 2026. “N’oublions pas que c’est aussi un peu son bébé. C’est lui qui a véritablement porté le projet lorsqu’il était secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education et de la jeunesse [NDLR : entre 2018 et 2020]”, rappelle Fatiha Keloua-Hachi, députée (PS), présidente de la commission culture et éducation de l’Assemblée nationale. Comme Gabriel Attal entend, lui aussi, influer sur les décisions prises dans le secteur éducatif, nul doute que son avis pèsera.
Reste cette inconnue : Le dossier SNU demeurera-t-il dans le giron du ministère de l’Education ou bien sera-t-il transféré à celui de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative ? En février 2022, Gil Avérous, le nouveau ministre, cosignait une tribune avec une centaine d’autres maires appelant de leurs “vœux la généralisation du service national universel”. Il faudra attendre la publication prochaine des décrets d’attribution pour savoir qui, de lui ou d’Anne Genetet, héritera de cette “patate chaude” qu’est devenu le SNU.
Source