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Nucléaire : comment la France pourrait s’inspirer de l’efficacité chinoise

Le fatalisme, un travers bien de chez nous : un Français sur trois considère le déclin du pays comme irréversible, selon l’étude Fractures françaises de la fondation Jean-Jaurès publiée en octobre 2023. Quoi de surprenant dans une société où le président de la République en personne, à l’époque François Mitterrand, prétendait en juillet 1993 que “dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé” ? L’idée que la politique ne peut peser sur le réel a continué à se diffuser, comme un venin paralysant l’action publique. Et pourtant, à quelques kilomètres de chez nous, des peuples d’irréductibles réformateurs résistent encore et toujours à l’impuissance.

L’effort suppose d’abord un diagnostic clair, à long terme : en Italie, en Suède ou au Canada, c’est au bord du gouffre que les gouvernants ont élaboré des réformes d’ampleur, appelées à faire passer leur pays de malade à modèle. Surtout, il implique une volonté politique sans faille, outre la bureaucratie, les lobbys et ceux qui pensent que tout changement des pratiques est impossible. A l’heure où le nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier met en avant, jusque dans les intitulés de ses ministres, la “simplification”, le “partenariat avec les territoires”, la “souveraineté alimentaire” ou la “réussite scolaire”, comme autant de promesses, on ne peut que leur conseiller d’aller jeter un œil à ce qui marche ailleurs.

“A qui sait attendre, le temps ouvre ses portes”, dit un proverbe chinois. En matière de nucléaire, la Chine a su faire preuve de patience. Au point qu’elle dépasse aujourd’hui tous les pays occidentaux. Il y a moins de vingt ans, la France vendait deux EPR à Pékin, qui avait encore beaucoup à apprendre dans ce domaine. Aujourd’hui, l’empire du Milieu est capable de construire des réacteurs en moins de cinq ans. A titre de comparaison, la France a mis près de dix-sept ans pour boucler son dernier chantier – celui de Flamanville. Cherchez l’erreur !

Les mauvaises langues diront que la conception des modèles chinois est plus simple, ce qui facilite leur construction. Il n’empêche, la Chine peut aujourd’hui servir d’exemple à la France. Elle nous rappelle qu’en matière de nucléaire, l’effet de série et le soutien sans faille du gouvernement comptent plus que tout. Au cours des dernières décennies, Pékin a d’abord fait son apprentissage technologique en achetant des EPR, mais aussi des réacteurs russes et américains qu’elle a ensuite modifiés à sa guise. “La France a participé à ces transferts de savoir-faire. Au moment de la guerre entre Areva et EDF, la Chine a récupéré gratuitement des éléments extrêmement précieux comme les codes de calculs”, note Dominique Grenêche, docteur en physique nucléaire et membre de l’ONG PNC-France (Patrimoine nucléaire et climat).

Mais pour tirer parti de ce capital, la Chine a surtout continué à construire, bénéficiant ainsi du fameux “effet de série”, un élément indispensable pour réduire les coûts et maintenir ses connaissances à jour. Arrivée tardivement dans le nucléaire civil, le pays compte aujourd’hui 56 réacteurs opérationnels, soit autant que la France, ce qui place Pékin au troisième rang mondial. Un classement dont elle ne tardera pas à prendre la tête. Le gouvernement a récemment donné le feu vert à la construction de 11 nouveaux réacteurs, ce qui porte à 36 le total d’unités en développement. Entre 2020 et 2035, la Chine compte même se doter de 150 nouvelles installations !

Temps de construction moyen d’un réacteur, en mois, depuis 1950

“Le pays a su élaborer une stratégie efficace, aux niveaux national et provincial. Celle-ci ne comporte pas seulement un volet financier. La Chine a optimisé sa réglementation et coordonné efficacement les chaînes d’approvisionnement”, souligne un rapport de l’Information Technology & Innovation Foundation, un institut de recherche américain.

Lever les freins administratifs

“Les contraintes administratives sont globalement moins élevées en Asie. Mais cela ne veut pas dire que les réacteurs construits dans cette zone du monde sont plus dangereux”, constate Dominique Grenêche. “A Flamanville, sur un générateur de vapeur – l’une des pièces principales de la centrale -, nous avons eu jusqu’à 1 500 interruptions pendant le processus de fabrication, du fait de l’évolution de la réglementation”, souligne Claude Jaouen, ancien directeur de l’activité réacteurs d’Areva, restructurée en 2018. De quoi plomber n’importe quel chantier.

La France peut-elle inverser la tendance et se rapprocher des délais de construction chinois ? Luc Rémont, le patron d’EDF, y croit. Il vise un temps de construction de six ans pour les futurs EPR. Mais pour y arriver, il faudra, comme la Chine, réduire les freins liés aux normes, trouver des ressources pour financer la relance de l’atome et vendre suffisamment d’EPR afin de bénéficier de l’effet de série. La tâche s’annonce difficile dans un pays où les réformes visant à faciliter le développement de la filière – comme la fusion entre l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – se heurtent à une vive opposition. Côté financement, les négociations entre EDF et l’Etat n’ont toujours pas abouti. Quant aux ventes, les perspectives se sont assombries depuis que la République tchèque a opté cet été pour une technologie coréenne. “Des opportunités pourraient se présenter au Royaume-Uni, en Italie ou même en Finlande, ravie de pouvoir compter sur son EPR d’Olkiluoto”,assure Dominique Grenêche. En attendant, la Chine continue de faire la course en tête.




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