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“Pourquoi tant de gens soutiennent encore Trump ?” : le mystère qui hante une partie de l’Amérique


Outre-Atlantique, la question brûle les lèvres de ses nombreux détracteurs. “Après tout cela, comment peut-on encore voter pour Trump ?” Par “tout cela”, comprenez les nombreuses polémiques et casseroles qui n’ont cessé de jalonner la campagne de l’ancien locataire de la Maison-Blanche : des migrants “mangeurs de chiens”, des insultes contre Kamala Harris – “handicapée mentale”, “folle”, etc. -, des déclarations ambiguës sur l’avenir de la démocratie, des menaces contre l’Otan. Sans compter quelques coups durs, comme sa condamnation dans l’affaire Stormy Daniels, un débat télévisé qui n’a pas tourné à son avantage et la puissante Taylor Swift qui est venue gonfler les rangs de la Kamalamania. Avec, en toile de fond, le souvenir encore marquant de l’assaut du Capitole en janvier 2021.

“Je ne comprends même pas comment il a pu être élu la première fois”, nous confie Jim, fervent démocrate. Le sexagénaire, originaire du Kansas, n’est guère tendre avec ses concitoyens : “Si vous être prêt à soutenir un homme qui n’a pas de programme, pas de vision pour l’Amérique et qui ne cherche qu’à s’enrichir, c’est révélateur de votre personnalité”, lâche-t-il, un brin désabusé. Car les derniers sondages ne donnent qu’une légère avance au niveau national à l’actuelle vice-présidente. Les deux candidats sont même au coude-à-coude dans les Etats-clés (Trump est donné favori en Caroline du Nord, en Géorgie et dans l’Arizona). Environ 46 % des Américains prêts à retenter l’aventure Trump ? Une situation surréaliste aux yeux de ses opposants. Mais pas forcément irrationnelle.

Dans une analyse publiée récemment dans The Conversation, Alex Hinton, professeur émérite d’anthropologie à l’université Rutgers du New Jersey, avance plusieurs éléments d’explication. A commencer par les biais qui prédominent à gauche. “La base de Trump ne peut pas être simplement considérée comme constituée de ’pitoyables’ racistes, comme l’a déclaré Hillary Clinton en 2016, ou comme des campagnards portant des casquettes MAGA rouges, estime-t-il. Ses électeurs sont généralement plus âgés, blancs, ruraux, religieux et moins éduqués. Mais ils incluent aussi d’autres personnes qui ne font pas partie de ces groupes démographiques.” Lesquelles peuvent avoir différentes raisons de voter pour l’ancien président. A commencer par l’argent. “Il est vrai que le nombre total d’emplois et le salaire moyen ont augmenté sous le mandat de Joe Biden. Mais pour certains partisans de Trump, ce coup de pouce économique fait pâle figure en comparaison de la poussée massive de l’inflation pendant le mandat de Biden”, pointe Alex Hinton qui, afin de mieux cerner les motivations des partisans du candidat républicain, est allé à la rencontre aussi bien “des fidèles de Make America Great Again” que des “conservateurs modérés qui se bouchent le nez et votent pour lui”.

Dans un entretien à L’Express daté du 18 septembre, le chroniqueur politique conservateur Peter Roffexpliquait quant à lui qu'”il y a de nombreuses personnes qui soutiennent Trump et qui ne sont pas tous des hommes blancs, et pour lesquelles l’idée de gagner de l’argent est une priorité. Ils se disent : ‘Je veux nourrir ma famille. Je veux que mes enfants vivent le rêve américain que je n’ai pu avoir’. Et ça, Trump l’a compris.” De fait, lors du débat face à Kamala Harris le 10 septembre, le républicain a prononcé le mot “inflation” à neuf reprises, les termes “dollar” et “argent” huit fois chacun. La démocrate seulement deux fois pour le premier, et pas une seule fois pour les deux autres. Kamala Harris a également fait moins de fois référence à l'”emploi” que son rival.

Deuxième thématique susceptible de convaincre les plus indécis de glisser un bulletin Trump : l’immigration. Un sujet jugé “très important” par 82 % des électeurs républicains. Selon un sondage Gallup de juin, 55 % des Américains souhaitent qu’elle diminue (une proportion qui n’avait pas été aussi importante depuis fin 2001, soit juste après les attentats du 11-Septembre). Or, “comme pour l’inflation, le nombre de personnes franchissant illégalement la frontière a grimpé en flèche sous la présidence de Joe Biden, même si cet afflux massif est tombé à son niveau le plus bas en quatre ans en juillet 2024”, souligne Alex Hinton. Là aussi, le candidat républicain a du flair. Lors du débat, Trump a parlé de “frontières” à 12 reprises, soit quatre fois plus que Kamala Harris, et lié à 17 reprises la question des migrants à celle de la “criminalité”.

“La masculinité sans artifice est l’attrait primordial de Trump”

Au-delà de l’économie et de l’immigration, certains électeurs de Trump, poursuit l’universitaire, comparent simplement sonbilan lorsqu’il était président avec celui de Biden-Harris, avec le sentiment que la balance penche nettement en faveur du premier. Alex Hinton relève deux autres critères qui plaident pour le candidat républicain : “Les partisans de Trump pensent qu’il est mieux placé pour faire face à la montée en puissance de la Chine”. D’autre part, les contribuables américains “ont l’impression de payer en grande partie la facture” de la double guerre Ukraine et Gaza.

Le Financial Times, lui, s’est intéressé à la mi-juilletà cet “atout qui échappe à de nombreux démocrates et observateurs étrangers”, à savoir : “le facteur Trump”. “Pour de nombreux admirateurs, la masculinité sans artifice est l’attrait primordial de l’ancien président”, écrivent les auteurs de larticle. Un sondage réalisé par NBC le 29 septembre indique ainsi que 52 % des électeurs masculins sont prêts à voter pour Trump contre 40 % pour Kamala Harris. Une enquête réalisée en août dans les six Etats-clés montre, quant à elle, que les hommes entre 18 et 29 ans penchent à 53 % pour le candidat républicain, contre 40 % pour la démocrate.

Sur ce dernier point, Richard Reeves, fondateur de l’American Institute for Boys and Men, estime que “les jeunes hommes se sentent moins à l’aise à gauche que les générations précédentes, en raison de la réticence des démocrates à parler des problèmes auxquels les hommes sont spécifiquement confrontés, tout en les dépeignant parfois comme problématiques”. Là encore, les partisans de l’ancien président ont compris sur quel bouton appuyer. “La campagne de Donald Trump a commencé à diffuser une publicité numérique destinée aux hommes de moins de 35 ans dans les Etats-clés, qui critique le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, pour avoir appliqué la taxe sur le tabac de l’Etat à Zyn, un sachet de nicotine populaire auprès des jeunes hommes”, notait il y a quelques jours le reporter politique Allan Smith sur NBC News.

Par ailleurs, malgré son langage peu châtié et ses multiples affaires de mœurs, Trump séduit encore largement les évangéliques, qui représentent environ 25 % de la population et votent à 80 % pour lui. Pourquoi ? “Il s’adresse à cette partie de l’Amérique blanche qui craint de voir sa place centrale dans la société remise en question. C’est aussi à Trump que l’on doit la nomination des juges conservateurs de la Cour suprême qui ont renversé l’arrêt Roe vs Wade, l’aboutissement d’une quête de plusieurs décennies des évangéliques visant à restreindre l’avortement. Enfin, et c’est tout aussi important, Trump est en phase avec l’hostilité croissante des évangéliques à l’égard de l’immigration – un sujet brûlant sur les bancs de l’église ces jours-ci”, analyse le Financial Times.

Peu importe donc la liste des “péchés” du candidat républicain. Une électrice de 20 ans, interrogée par le quotidien britannique, confirme : “Si je peux voir ne serait-ce qu’une parcelle de ma foi représentée et protégée, mon vote ira dans ce sens.” D’ailleurs, le candidat républicain, qui a multiplié les allers-retours sur le sujet de l’avortement pour ne pas se mettre à dos les plus modérés, semble avoir fait un bon calcul. “Donald Trump a légèrement réduit l’écart avec Kamala Harris sur la question de savoir quel candidat ferait un meilleur travail en matière de droit à l’avortement, principalement en améliorant de quelques points sa position auprès des républicains”, souligne un article du New York Times en date du 23 septembre.

Le “syndrome” Trump

Plus étonnant, si la candidate démocrate apparaît aux yeux des sondés comme la plus sympathique des deux, “lorsque les électeurs n’aiment pas Kamala Harris, la quasi-totalité d’entre eux ne comptent pas voter pour elle, mais lorsque les électeurs n’aiment pas Donald Trump, une partie non négligeable d’entre eux le soutiennent encore”, atteste un article publié sur le site d’information de CBS. Ainsi, “sur les deux tiers des électeurs qui n’aiment pas Trump personnellement, 21 % votent pour lui, soit quatre fois plus que le nombre d’électeurs qui n’aiment pas Harris personnellement mais la soutiennent”, montre le sondage YouGov effectué entre le 16 et 20 septembre. Plus surprenant encore, si “la plupart des électeurs déclarent trouver Trump insultant lorsqu’il s’exprime, plus d’un quart de ceux qui le trouvent insultant le soutiennent malgré tout”.

Quant à l’image désastreuse de l’attaque du Capitole par des militants pro-Trump en 2021, l’éditorialiste Peter Roff prend le pari qu’elle ne pèsera guère dans la balance le 5 novembre. “Aux yeux de ses soutiens, essayer de tuer un homme qui se présente à la présidence des Etats-Unis est une menace au moins aussi grande pour le processus démocratique”, avance-t-il.

Bien sûr, tous ces indicateurs ne présagent en rien du résultat qui sortira des urnes. Mais “si vous ne voyez pas au-delà des mensonges de Trump, du chaos et du narcissisme, vous ne comprenez pas pourquoi les gens peuvent voter pour lui en premier lieu”, écrivait Alastair Campbell, l’ex-conseiller de Tony Blair, dans l’hebdomadaire britannique The New European. S’interrogeant au passage sur le fait de savoir s’il n’avait pas été lui-même atteint jusqu’ici du “Trump Derangement Syndrom”… Un état psychologique que le célèbre journaliste de CNN Fareed Zakaria a défini comme une “haine du président Trump si intense qu’elle altère le jugement des gens”. Comprendre que pour qui déteste Trump, il serait bien possible de sous-estimer ses chances de regagner, à nouveau, le Bureau ovale… Et vous, à quel point le détestez-vous ?




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