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Législatives, sondages… D’où Bruno Retailleau tire-t-il sa légitimité ?


Il est arrivé le vent de face, des yeux étonnés observant ses premiers pas à Beauvau. Aucun élan populaire n’a porté Bruno Retailleau au gouvernement. Le ministre de l’Intérieur n’est pas député, Les Républicains (LR) ont subi une nouvelle déroute aux élections législatives. L’ex-patron de la majorité sénatoriale ne s’est pas frotté au suffrage universel direct depuis son élection en 2015 à la présidence du Conseil régional des Pays de La Loire.

Illégitime, Bruno Retailleau ? N’y pensez pas ! Le Vendéen pose son empreinte idéologique dans ses nouvelles fonctions, au moyen de déclarations chocs. Lui s’érige en dépositaire du dernier vote des Français. “Il faut entendre le message qu’ils nous ont envoyé au premier tour des législatives. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Plus de sécurité, moins d’immigration, eh bien moi je suis un démocrate, respectueux du peuple souverain”, lançait-il le 24 septembre sur Cnews.

Dès sa passation de pouvoir avec Gérald Darmanin, il évoquait cette aspiration à “plus d’ordre dans la rue et aux frontières” exprimée le 30 juin. Ce jour-là, le Rassemblement national et ses alliés récoltaient plus de 33 % des suffrages, loin devant le bloc central.

“Deux lectures possibles du scrutin”

Par cette interprétation, Bruno Retailleau s’enduit de légitimité électorale. Elle se veut plus solide qu’une simple légitimité sondagière, même s’il arrive au ministre de citer des enquêtes d’opinion favorables à ses thèses. Plus digne, aussi. Un homme d’Etat ne saurait gouverner sur la simple base d’échantillons de Français. “Il y a deux lectures possibles du scrutin, admet un proche. Le véritable séisme a eu lieu au premier tour. 11 millions de personnes étaient prêtes à donner les clefs du camion à Le Pen malgré sa campagne laborieuse et ses positions changeantes.” L’insuffisante régulation de l’immigration et l’insécurité, préoccupations prioritaires des Français, alimentent à l’évidence le vote en faveur de la formation d’extrême droite.

C’est l’avantage d’un insaisissable scrutin. Chacun y pioche ce qu’il souhaite pour appuyer ses prétentions politiques. “C’est une autolégitimation de sa propre volonté d’action par le truchement du résultat des élections”, analyse l’ancien ministre de la Justice et professeur de droit public Jean-Jacques Urvoas. L’exercice intellectuel n’est pas sans risques. Jamais Bruno Retailleau ne s’érige explicitement en mandataire des électeurs RN. Après tout, un tour de vis sécuritaire n’est-il pas aussi exigé par les électeurs LR ou ceux du bloc central ?

Mais ses références appuyées au 30 juin érigent de facto le vote frontiste en source de légitimité politique. Risqué, tant la nouvelle coalition tente de se défaire du procès en collusion avec la formation d’extrême droite. “Bruno était candidat RN au premier tour des législatives ?”, sourit un député Droite Républicaine (DR), pourtant en phase avec les orientations du ministre. Le vote RN est enfin composite. D’après une enquête BVA pour Ouest-France, l’immigration (71 %) et la sécurité (64 %) ont été décisives dans le vote des électeurs RN le 30 juin. Le pouvoir d’achat arrive en troisième position (59 %). Faudrait-il alors davantage s’inspirer des propositions économiques de Marine Le Pen pour respecter le vote des Français ?

Vote ambivalent

Les adversaires de Bruno Retailleau lui reprochent surtout sa mémoire sélective. Le ministre évacue le second tour des législatives et la constitution d’un front républicain contre le RN. La résurgence d’un tel barrage nourrit d’autres interprétations du vote des Français. Emmanuel Macron a appelé en juillet à la formation d’un gouvernement issu de cette alliance de circonstances. Le patron des députés MoDem Marc Fesneau a enfin convoqué ce “sursaut collectif” pour railler les déclarations du locataire de Beauvau sur l’Etat de droit.

Et si cette contradiction apparente n’était qu’ambivalence ? Un député NFP perçoit dans ce scrutin estival une complémentarité. “Les Français, y compris de gauche, veulent davantage de sécurité et une forte régulation de l’immigration. Mais ils ne font pas confiance au RN pour diriger le pays.” De cette ambiguïté découlent des analyses contradictoires – et toujours intéressées – du scrutin.




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