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Sanction contre Didier Raoult : Trop peu, trop tard ?


Didier Raoult a été interdit d’exercer la médecine pendant deux ans à compter du 1er février 2025. La sanction a été prononcée par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, jeudi 3 octobre. Elle est bien plus lourde que le simple blâme infligé en première instance, en décembre 2021. Une décision trop indulgente selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, qui avait alors fait appel.

Cette fois, l’ex-directeur de l’IHU Méditerranée est reconnu coupable d’avoir enfreint pas moins de 11 articles du Code la santé publique. La liste est longue : “promotion d’un traitement (l’hydroxychloroquine contre le Covid-19) insuffisamment éprouvé” sans disposer de données scientifiques fiables ni “faire preuve de la prudence nécessaire, avoir “nui par des propos dénués de pondération (sur les vaccins et le confinement) aux mesures prises par les autorités sanitaires”, absence de confraternité à la suite de ses propos outranciers envers les confrères qui l’ont critiqué, etc.

Une sanction trop tardive et légère ?

Bien sûr, la sanction constitue une victoire pour les membres de la communauté médicale et scientifique qui n’ont eu cesse de démonter la gravité des agissements de Didier Raoult. Elle n’est pourtant pas du goût de tous. Ses fans, bien sûr, fulminent sur les réseaux sociaux. Et de nombreux chercheurs, médecins et défenseurs de l’éthique et de l’intégrité scientifique estiment la sanction trop tardive. Car les premiers dérapages – qui sont sanctionnés dans ce jugement – se sont déroulés il y a quatre ans déjà. Quatre années pendant lesquelles Didier Raoult et ses proches soutiens ont pu brandir l’absence de décision de l’Ordre des médecins comme un étendard. Certes, comme Didier Raoult aime à le dire “La vérité est fille du temps”, mais tout de même.

Nombreux sont ceux, aussi, à trouver la sanction trop légère. Deux ans d’interdiction seulement, alors que Denis Agret, un médecin antivax et figure de la complosphère française, a été radié de l’Ordre ? Ses fautes ne paraissent pourtant pas beaucoup plus lourdes. Cette clémence s’explique, en partie, par la décision de chambre disciplinaire de ne pas considérer que Didier Raoult a fait courir “un risque injustifié” à ses patients. Selon la chambre disciplinaire, ses prescriptions d’hydroxychloroquine respectaient les doses habituellement préconisées et il a “sciemment écarté les patients qui présentaient les facteurs de risque les plus élevés”. Reste que s’il les a écartés, c’est qu’il était au courant des fameux risques.

L’impact de la sanction peut aussi interroger. Condamner un médecin à ne plus exercer alors qu’il ne le fait déjà plus depuis des années relève pour le moins du symbolique. Car Didier Raoult a non seulement été poussé à la retraite de son poste de professeur d’université-praticien hospitalier à l’été 2021, mais également éjecté de son siège de directeur de l’IHU en septembre 2022. Aujourd’hui, il n’a plus aucune fonction hospitalière ni universitaire. “Je n’exerce plus depuis trois ans et je me suis même retiré du conseil de l’Ordre. Tout cela est de la pure communication”, s’est-il défendu auprès du Parisien.

Une jurisprudence qui fera date

Il existe, néanmoins, une satisfaction d’ordre juridique. En effet, la plainte rédigée par la Société de pathologie infectieuse de langue française et adressée à l’Ordre des médecins reprochait à Didier Raoult d’avoir notamment enfreint l’article 15 du code de déontologie médicale en menant des essais cliniques sans autorisation et en prescrivant l’hydroxychloroquine hors autorisation de mise sur le marché.

En première instance, la chambre disciplinaire a écarté cet argument. Elle l’a retenu en appel. Elle reconnaît donc que Didier Raoult a bien mené un essai clinique illégal sur près de 30 000 patients ayant pris de l’hydroxychloroquine entre 2020 et 2021, “le plus grand essai clinique sauvage de l’histoire” selon 16 sociétés savantes, ce qui lui vaut une procédure pénale en cours. Cette recherche clinique “ayant pour objet de tester l’effet de l’administration d’un médicament en dehors des indications prévues dans son autorisation de mise sur le marché” n’aurait pas dû avoir lieu sans l’accord préalable des autorités de santé, confirme la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre dans son verdict.

Cette décision ne coulait pourtant pas de source. Il existe en effet plusieurs interprétations juridiques possibles de l’article 15, dont une estimant qu’il n’est pas possible de l’opposer à un médecin n’ayant pas été condamné au pénal pour un essai clinique illégal. Le Conseil de l’Ordre a pourtant tranché. Il crée ainsi une jurisprudence forte en la matière. Cette décision, qui fera date, sonne comme un avertissement à l’intention de tous les médecins et futurs médecins. Elle pèse, finalement, bien plus que l’interdiction d’exercice de deux ans.




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