“Lorsque l’Iran sera enfin libre, et ce moment arrivera bien plus tôt qu’on ne le pense, tout sera différent”, a déclaré, dans une menace à peine voilée, Benyamin Netanyahou, dans une vidéo adressée le 30 septembre aux Iraniens, dans laquelle il fustigeait les “théocrates fanatiques” à la tête du pays. Enhardi par ses succès militaires contre le Hamas (à Gaza) et le Hezbollah (au Liban), le Premier ministre israélien voudra-t-il poursuivre sur sa lancée en attaquant son ennemi le plus puissant, l’Iran, quitte à risquer une guerre régionale ?
Après l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et l’offensive israélienne au Liban pour affaiblir encore davantage la milice libanaise, une telle opération, qui paraissait encore impensable il y a quelques semaines, fait désormais partie des scénarios possibles. “Pour Netanyahou, le vrai problème, c’est l’Iran. Cela fait des années qu’il alerte sur la menace nucléaire que représente ce pays. Aujourd’hui, il estime qu’il existe une fenêtre d’opportunité pour régler la question du régime de Téhéran et annihiler son programme nucléaire”, souligne Amélie Ferey, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Pour l’heure, Israël prépare sa riposte, après avoir subi l’envoi par l’Iran de quelque 180 missiles balistiques, le 1er octobre. Et les Etats-Unis se sont clairement affichés à ses côtés. “Cette attaque [de missiles iraniens] aura des conséquences graves et nous travaillerons avec Israël pour que ce soit le cas”, a martelé Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité à la Maison-Blanche. “Qu’on ne s’y trompe pas, les États-Unis soutiennent pleinement, pleinement, pleinement Israël”, a renchéri Joe Biden.
Frappes sur des sites pétroliers iraniens “en discussion”
Jusqu’à quel point les Etats-Unis retiendront-ils le bras israélien ? “Washington ne fait même pas l’effort d’empêcher des représailles. Ils essayent de réfléchir avec les Israéliens aux cibles visées et aux implications qu’aurait le fait de frapper des sites nucléaires et des infrastructures économiques”, explique Aaron David Miller, ancien diplomate américain au Proche-Orient et analyste au centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, à Washington. À la question de savoir si les États-Unis soutiendraient une attaque d’Israël contre les installations pétrolières de l’Iran, le président américain a répondu cette semaine que le sujet était “en discussion” – ce qui a fait bondir le prix du baril de pétrole. Mais il a affirmé qu’il ne soutiendrait pas des frappes de Tsahal contre des sites nucléaires iraniens.
“A mon avis, les Israéliens viseront principalement, dans un premier temps, les postes de commandement des Gardiens de la révolution iraniens, les sites de lancement de missiles balistiques, les dépôts d’armes et toute une série de cibles conventionnelles, poursuit Aaron David Miller. Et si les Iraniens ripostent fortement, les Israéliens identifieront d’autres cibles, y compris des infrastructures économiques et peut-être des sites nucléaires. Et je ne pense pas que l’administration Biden les en empêchera.”
@lexpress L’Iran a lancé 200 missiles contre Israël lors d’une attaque mardi soir. Voici ce que l’on sait. sinformersurtiktok apprendreavectiktok iran israel news newsattiktok
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Moment historique
Les sites nucléaires seraient toutefois particulièrement difficiles à détruire. “Le problème, c’est que le programme est non seulement disséminé sur tout le territoire, mais également bien protégé et profondément enfoui. Il faudrait de nombreux raids d’avions pour venir à bout du système de défense aérienne iranien, ce qui exposerait les pilotes israéliens”, précise Amélie Férey. Et la chercheuse de compléter : “Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas le faire. Ni qu’il est impossible d’annihiler le programme nucléaire iranien.”
L’idée que le moment serait peut-être historique et qu’il pourrait permettre de faire tomber le régime iranien ne serait plus taboue au sein d’une partie de la communauté internationale. “Le degré de renseignements que les Israéliens possèdent sur le Hezbollah pose la question de la qualité de ceux dont ils disposent sur le régime iranien, glisse une source diplomatique. Cela entretient le discours selon lequel tout ce qui semblait impossible ne l’est plus. Cette capacité à nous persuader que l’équation a peut-être changé, que c’est peut-être un moment historique, introduit un doute, qui peut possiblement expliquer des changements de posture sur la question iranienne chez les Américains, mais aussi du côté de la France et de certains Européens”. Et d’ajouter : “Cette fascination est extrêmement dangereuse, parce qu’on finit par ne plus avoir peur du chaos, en se disant que quelque chose de plus favorable à nos intérêts peut en sortir.”
La France a condamné le 2 octobre à l’ONU les attaques par missiles balistiques perpétrées par l’Iran contre Israël. Se disant “attachée à la sécurité d’Israël”, elle a “mobilisé ses moyens militaires au Moyen-Orient pour parer la menace iranienne”. Concernant le Liban, Paris dénonce par ailleurs “les frappes aériennes israéliennes qui ont provoqué un nombre inacceptable de victimes civiles ainsi que les attaques du Hezbollah contre Israël et sa population”, et appelle à un “cessez-le-feu” dans ce pays.
Une question cruciale, à présent, est de savoir dans quelles circonstances les États-Unis participeraient directement à une offensive israélienne en Iran. “Nous n’en sommes pas encore là. Mais si l’on entre dans une escalade, il n’est pas difficile de pronostiquer que les États-Unis s’impliqueront”, rappelle l’ex-diplomate Aaron David Miller, pour qui le régime iranien n’est, toutefois, pas proche de sa chute.
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