La plateforme Altaroc crée des fonds de fonds de private equity pour les particuliers, afin de leur permettre d’investir au capital d’entreprises non cotées. Son dirigeant, Frédéric Stolar, revient sur les défis liés à la démocratisation de ces produits.
L’Express : Vous avez monté Altaroc il y a trois ans. Quels obstacles avez-vous rencontrés ?
Frédéric Stolar : Lorsque nous avons lancé la plateforme, avec Maurice Tchenio, le marché du private equity pour les particuliers était quasiment inexistant. C’était essentiellement un problème d’offre. Pour accéder à un fonds de qualité, il faut apporter 20 millions d’euros minimum. Or, très peu de conseillers en gestion de patrimoine ou de banques privées peuvent réunir un tel montant auprès de leurs clients.
Dans ce contexte, nous avons voulu créer un produit digne des grands investisseurs institutionnels, en agrégeant la demande et en redécoupant l’offre derrière. Cela passe notamment par la technologie : nous avons recruté 23 personnes qui créent les tuyaux nécessaires pour fluidifier les transactions. Nous avons également beaucoup investi sur la formation : nous réalisons 300 webinaires et 100 événements par an. Enfin, nous avons bâti un écosystème de services – centre d’appels, portail digital… – afin d’accompagner les distributeurs et leurs clients.
Comment est constituée votre offre ?
Le fonds Odyssey en est le cœur. Il s’agit d’un fonds fermé, d’une durée de dix ans, accessible à partir de 100 000 euros. L’édition 2024 est notre 4e millésime. Ce produit est composé de deux poches : pour la principale (80 %), nous prenons des engagements auprès de six fonds, de LBO – leveraged buy-out – et de growth equity – du capital croissance -, qui financent des sociétés en fort développement. Les 20 % restants sont composés d’une dizaine de lignes en direct dans des entreprises, en co-investissement à côté des fonds. Nous ciblons les sociétés de gestion dont les véhicules ont été les meilleurs par le passé et qui, selon nous, continueront de l’être.
Quel bilan tirez-vous aujourd’hui ?
Les particuliers sont au rendez-vous. Nous avons collecté 1,2 milliard d’euros auprès de 8 000 clients sur nos trois premiers millésimes. Pour faciliter la gestion des appels de fonds, nous avons mis en place un système d’abonnement qui consiste, pour un investissement de 100 000 euros, à verser 10 000 euros par semestre pendant cinq ans. Le profil des investisseurs est très varié : des cadres supérieurs qui veulent préparer leur retraite, des entrepreneurs à succès ayant cédé leur société et aussi quelques joueurs de foot ! Pour 95 % d’entre eux, c’est leur premier investissement en private equity.
Quelles sont les prochaines étapes pour Altaroc ?
Nous avons un enjeu de taille critique pour intéresser les grands fonds de private equity et amortir nos investissements. Le marché des particuliers est potentiellement immense mais il draine actuellement encore peu de volume. Nous nous développons en Europe : nous avons ouvert un bureau en Suisse et un autre en Belgique. Deux nouveaux pays devraient suivre prochainement.
Par ailleurs, nous désirons élargir notre gamme, avec deux innovations : un produit plus démocratique, sous les 100 000 euros, et une offre très haut de gamme, pour les familles fortunées, qui permettra de gérer des stratégies patrimoniales clé en main.
La loi industrie verte impose à partir du 24 octobre une part de non coté dans la gestion pilotée en assurance-vie et en épargne retraite. Est-ce une bonne chose ?
Oui, à quelques bémols près, car l’assurance-vie est un produit très réglementé, qui impose certaines contraintes de gestion. De plus, les assureurs-vie ne veulent pas gérer les appels de fonds différés, ce qui réduit la performance. En outre, ils garantissent la liquidité du produit, ce qui contraint la collecte. Chez Altaroc, nous ne voulons pas intégrer de cash dans nos produits car cela dénature la classe d’actifs et détériore le rendement. Il faut inventer d’autres solutions : nous réfléchissons ainsi à une nouvelle génération de produits où le risque de liquidité ne sera pas porté par l’assureur.
On voit se créer beaucoup de fonds ouverts, avec des portefeuilles déjà constitués, pour répondre à cette exigence. Qu’en pensez-vous ?
Ces fonds dits “evergreen” permettent aux clients d’entrer et de sortir quand ils veulent. Mais ils comportent leur lot de problèmes, qui ne nous paraissent pas encore bien identifiés. Tout d’abord, ils doivent détenir des liquidités pour permettre aux sortants de récupérer leur épargne. Par ailleurs, les nouveaux entrants diluent la rentabilité des anciens car l’argent fraîchement investi prend du temps à être déployé. De ce fait, nous craignons qu’il y ait des déconvenues sur des fonds evergreen mal construits.
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