Une certaine audace a gagné dernièrement les rangs des anciens membres du gouvernement. A l’approche de la présentation du crucial budget 2025, Gabriel Attal et Gérald Darmanin sont tour à tour montés au créneau, le week-end dernier, pour critiquer le projet de hausses d’impôts de Michel Barnier. Surtout, ils ont égrené, respectivement au 20 heures de TF1 et dans Les Echos, leurs propres propositions pour réduire le déficit public, qui pourrait exploser à 7 % du PIB en 2025 en cas d’inaction.
L’ex-locataire de Matignon milite par exemple pour un serrage de vis sur les 35 heures chez les fonctionnaires, quand son collègue de l’Assemblée préconise la fin de cette mesure dans le privé et un passage aux “36 ou 37 heures” dans le secteur public. Chacun se positionne sur un retour de la réforme de l’assurance chômage. Gérald Darmanin défend de son côté une réforme de l’audiovisuel public, qui pourrait permettre, selon ses calculs, d’économiser 4 milliards d’euros soit… l’équivalent du budget de l’ensemble des chaînes de télévision et des stations de radio publiques pour 2024.
Dans ce qui ressemble tout bonnement à un concours Lépine des mesures budgétaires, il a fallu mettre de l’ordre. A la veille de la présentation du projet de loi de finances, Gabriel Attal, patron des députés Ensemble pour la république (EPR) et plusieurs de ses collègues, dont l’ancien rapporteur général du Budget, Jean-René Cazeneuve et l’ex-membre du gouvernement Thomas Cazenave, ont ainsi présenté, mercredi 9 octobre, une série de mesures portées par leur groupe politique pour le budget.
En propos liminaire, Gabriel Attal a de nouveau insisté sur leurs désaccords avec Michel Barnier sur les potentielles hausses des charges pour les entreprises. “Notre crainte est que le futur budget n’intègre pas assez de réformes et trop d’impôts avec le risque de déstabiliser nos industries et la classe moyenne qui travaille”. Parmi les propositions dévoilées figure notamment l’application de la réforme avortée de l’assurance-chômage, qui pourrait rapporter, selon les députés macronistes, 4 milliards d’euros. Sur les 35 heures, les élus EPR veulent qu’elles soient respectées dans les collectivités. Ces dernières devront par ailleurs participer à l’effort budgétaire. Les parlementaires souhaitent aussi réduire les indemnités journalières. Des mesures que le groupe politique entend faire passer via une série d’amendements lors de l’examen du projet de loi de finances. Enfin, une proposition de loi pour renforcer “l’arsenal antifraude” devrait être déposée d’ici la fin de l’année.
Mal placés pour donner des leçons
La démarche peut paraître culottée. C’est vite oublier que Gérald Darmanin et Gabriel Attal étaient aux manettes il y a encore quelques semaines. Surtout que les deux élus ont pour point commun d’avoir été ministres des Comptes publics. Le premier sera resté en poste pendant trois ans, avant de prendre la direction de Beauvau. Durant son mandat, le déficit public aura certes reculé de 2,8 % du PIB en 2017 à 2,5 % en 2018, mais grimpé l’année suivante à 3,1 %. Un glissement suffisant pour sortir des clous fixés par le traité de Maastricht – 3 % de déficit et une dette de 60 % du PIB – et replacer la France dans le viseur de Bruxelles. La pandémie viendra ensuite donner le coup de grâce.
Quant à Gabriel Attal, son passage à Bercy pour gérer les deniers de l’Etat fut plus bref – un an et deux mois. C’est pourtant bien lui qui mena la bataille du budget 2023 promettant “une phase de normalisation budgétaire après le quoi qu’il en coûte lié au Covid”. Un texte adopté au forceps à coups de 49.3. La volonté politique affichée n’a en tout cas pas été suivie des faits. En 2023, le déficit public a dérapé à 5,5 %, contre 4,8 % en 2022, sans aucun choc conjoncturel extérieur. La faute, notamment, à des recettes fiscales moindres qu’espéré.
Qu’importe, les deux anciennes figures gouvernementales apparaissent aujourd’hui très mal placées pour donner des leçons de conduite budgétaire. Michel Barnier ne s’y était d’ailleurs pas trompé. “Monsieur Attal, je serai très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires. Très attentif pour faire face à un déficit que j’ai trouvé en arrivant”, avait lancé, espiègle, le Premier ministre, après sa déclaration de politique générale. Au point d’intégrer les mesures suggérées par son prédécesseur au futur budget ?
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