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Wegovy lancé en France mais pas remboursé : les dessous de la stratégie de Novo Nordisk


Les patients l’attendaient depuis longtemps. Wegovy, le traitement contre l’obésité du danois Novo Nordisk, vient d’être lancé sur le marché français. Autorisé dans l’Union européenne depuis janvier 2022, il présente des résultats impressionnants, avec des pertes de poids de l’ordre de 15 % en moyenne. Jusqu’ici, seuls un peu moins de 10 000 Français y avaient accès à titre gracieux, dans le cadre d’un dispositif dérogatoire. Désormais, il sera accessible à tous les patients, sous réserve qu’ils entrent dans les critères définis par les autorités sanitaires : moins de 65 ans, indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 35 (soit par exemple 110 kilos pour 1,75 mètre), prescription par un médecin spécialiste. Et sous réserve, surtout, qu’ils financent eux-mêmes leur traitement.

Une stratégie étonnante, et qui ne manquera pas de susciter des critiques, alors que l’obésité touche surtout les populations les plus précaires. Le prix du médicament en France est maintenant connu, et il s’avère très coûteux : entre 9 et 12 euros par jour, en fonction des marges appliquées par les grossistes et les pharmaciens, soit entre 274 et 365 euros par mois. Moins qu’aux Etats-Unis (environ 1300 euros par mois), mais très loin de la portée de toutes les bourses.

Officiellement il s’agit pour le laboratoire de répondre à la forte demande, en attendant que le remboursement soit accordé. Jusqu’ici confronté à des problèmes de production qui bloquaient de toute façon son lancement, il assure être désormais en mesure de fournir le marché français à hauteur des besoins. L’industriel a d’ailleurs attendu de se trouver en capacité de répondre à la demande de son autre produit phare, l’Ozempic, composé de la même molécule mais moins dosée, contre le diabète, avant de lancer Wegovy.

Un remboursement possible depuis 2022

L’absence de prise en charge par la Sécurité sociale serait due à des délais administratifs indépendants de sa volonté. La réalité s’avère bien sûr un peu plus complexe. Car Novo Nordisk a obtenu dès 2022 un avis favorable à son remboursement de la part de la Haute autorité de santé. Mais à l’époque, et compte tenu des études alors disponibles, celle-ci avait indiqué que le produit n’apportait pas “d’amélioration du service médical rendu”. Une mauvaise note qui plaçait l’entreprise en posture délicate pour aller ensuite négocier le prix de son produit avec l’Etat, via le Comité économique des produits de santé (CEPS). Novo Nordisk avait donc préféré repousser cette discussion à des jours meilleurs.

En mai, le laboratoire a soumis de nouvelles données à la Haute autorité de santé, qui doit les examiner dans les prochaines semaines. Ces études complémentaires démontrant un bénéfice cardio-vasculaire au-delà de la seule perte de poids, il y a fort à parier que le nouvel avis permettra à l’entreprise d’obtenir un prix correspondant mieux à ses attentes. L’ensemble du processus ne devrait toutefois pas aboutir avant le début de l’année prochaine.

En attendant, se lancer sur le marché sans remboursement présente plusieurs intérêts pour le laboratoire. D’abord, il est assez vite devenu évident à ses dirigeants qu’une partie de la population – pas nécessairement celle qui en a le plus besoin – est “prête à payer de sa poche”, comme l’avait reconnu Lars Fruergaard Jorgensen, le PDG de Novo Nordisk, dans le Financial Times, début 2024. Dans ces conditions, pourquoi se priver de ce marché potentiel ?

La concurrence guette

Le laboratoire danois est par ailleurs poussé par la concurrence : l’Américain Eli Lilly dispose d’un médicament similaire dont les études montrent qu’il est encore plus efficace. Novo Nordisk a donc tout intérêt à engranger des revenus tant qu’il est seul en lice. Conquérir des parts de marché le plus vite possible devrait aussi l’aider à sécuriser ses positions à l’avenir, une partie des patients déjà séduits pouvant hésiter à changer de traitement.

Se lancer sur le marché sans remboursement permet aussi au laboratoire de fixer lui-même son prix, qui, dans ce cas, ne fait pas l’objet d’une régulation. Seule la propension à payer des patients-clients compte. En choisissant son tarif, le laboratoire envoie aussi un signal aux autorités : il s’agit d’une base de discussion dont le CEPS se trouvera d’une façon ou d’une autre obligé de tenir compte dans les négociations à venir. Et ce, même si les coûts de production du médicament paraissent sans commune mesure selon une étude parue dans le Journal of the american medical association (JAMA), qui faisait état d’une fourchette très large, avec un maximum de 75 dollars par mois (68 euros). Et même si, également, les prix fixés chez nos voisins sont bien inférieurs à ceux exigés pour l’instant des Français : 140 dollars par mois en Allemagne et 92 au Royaume-Uni. Il sera néanmoins difficile pour les représentants de l’Etat de s’affranchir de la pression des patients, très en attente d’une prise en charge, et donc très demandeurs que les discussions aboutissent au plus vite.

Avec le Wegovy, il est d’ores et déjà certain que tous les patients ne bénéficieront pas d’un remboursement. Celui-ci sera en effet conditionné à un indice de masse corporel à déterminer, mais certainement assez restrictif. Ce sera un autre enjeu des discussions à venir. Mais si la situation actuelle n’est pas défavorable au laboratoire, elle arrange aussi les pouvoirs publics. La facture pour la Sécu s’annonçant très lourde, nul doute que les autorités sanitaires préfèrent la voir arriver le plus tard possible, pour la population la plus restreinte possible, et au prix le plus bas possible. En attendant, les patients paieront.




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