Sa patte est d’un blanc immaculé. Le mardi 24 septembre, Laurent Wauquiez exhibe toute sa bienveillance envers Michel Barnier lors d’une réunion des députés La Droite républicaine (DR). Oubliées, en apparence, les tensions avec le Savoyard autour de la composition du gouvernement. Le député de Haute-Loire appelle ses troupes à être “irréprochables” avec le Premier ministre.
Au cours de l’échange, une interrogation est soulevée : la droite ne devrait-elle pas dégainer ses propositions d’économies budgétaires avant la Déclaration de politique générale (DPG), prévue le 1er octobre ? “Cela ne serait pas poli envers Barnier”, évacue Laurent Wauquiez. Il attendra le 2 octobre pour présenter son plan de 50 milliards d’euros de coupes. De hausse de la fiscalité, il n’est jamais question dans ce programme. La mesure a été érigée en “ligne rouge” dans le pacte législatif de LR dévoilé en juillet.
Michel Barnier a pourtant levé ce tabou la veille, en annonçant une hausse ciblée de certains prélèvements pour enrayer la dégradation des finances publiques dans sa DPG. Face à ce conflit de loyauté, Laurent Wauquiez opère un repli stratégique. Il accepte du bout des lèvres une hausse “temporaire, contrôlée, limitée et juste” de la fiscalité pour répondre à la “situation budgétaire cachée”. Voilà la droite engagée dans une curieuse bataille budgétaire. Sur la défensive, car contraint d’avaler des couleuvres idéologiques par solidarité envers “son” Premier ministre. A l’offensive contre la Macronie, qu’elle rend responsable de ces mesures.
“On la met parfois en sourdine pour Michel”
Ce jeudi 10 octobre, Laurent Saint-Martin et Antoine Armand échangent en visioconférence avec quelques députés DR, avant la présentation du projet de loi de finances. Véronique Louwagie rappelle au duo de Bercy son hostilité à une hausse de la fiscalité, mais prend acte du “déficit abyssal” français. “Le gouvernement n’a pas les moyens de faire autrement en une période si courte”, glisse-t-elle à L’Express.
Laurent Wauquiez a mandaté la députée de l’Orne pour trouver une mesure alternative au report de la revalorisation des retraites, mesure répulsive à droite. Cette quête se fait en coulisses, loin des plateaux télévisés. Prière de calmer le jeu. Les députés DR ne sont pas en symbiose avec le projet préparé par Michel Barnier, mais modèrent leurs expressions publiques. Des députés souhaiteraient une part accrue de la réduction de la dépense publique dans l’effort global, mais s’interdisent tout tweet enflammé. Ils misent plutôt sur les débats en séance, et l’examen d’amendements. “L’équation est compliquée, admet un député LR. On la met parfois en sourdine pour Michel.”
Laurent Wauquiez l’a répété ce mardi à ses troupes : “Il n’y a pas de place pour les frondeurs.” Le député ne peut se permettre de bousculer un gouvernement LR à peine nommé. Trop tôt. L’électorat de droite ne le comprendrait pas. “Du coup, il n’y a pas de place pour lui non plus”, raille un élu. Au lendemain de la nomination de Michel Barnier, un cadre DR résumait la difficile équation soumise au candidat malheureux à Beauvau. “Il se retrouve président d’un groupe qui n’a pas d’autre choix que de soutenir Barnier.” Le patron des députés Ensemble pour la République (EPR) Gabriel Attal constate en privé la liberté relative de son homologue, “plus coincé que [lui] envers le gouvernement”.
“Ni responsable, ni cohérent”
Lui aimerait bien se frayer une place sur l’affiche. Laurent Wauquiez pose l’examen du budget en exercice d’inventaire du macronisme. “On hérite d’une situation catastrophique. Il faut remettre du sérieux budgétaire au milieu de tout cela”, lançait-il le 1er octobre sur RTL. Le bloc central pris à défaut sur sa compétence économique, un rêve éveillé ! La droite pratique à l’unisson cet inventaire en temps réel. Elle ne gagnera pas de points cet automne, mais elle compte en faire perdre aux macronistes. Entre le budget 2025 et 2027, il n’y a que deux ans.
L’ex-majorité s’épargnerait bien ces leçons d’économie. Le groupe LR ne s’est-il pas divisé sur la réforme des retraites ? N’a-t-il pas plaidé pour de coûteuses aides pour baisser le prix à la pompe ? Bruno Le Maire épinglait dès mars les “124 milliards de dépenses” proposés par la droite dans le budget 2024. “La manière dont Wauquiez charge notre bilan n’est pas acceptable, s’agace le député EPR Pieyre-Alexandre Anglade. La droite n’a cessé de nous expliquer qu’on n’en faisait pas assez durant les crises, et nous explique maintenant qu’on a trop fait. Ce n’est ni responsable ni cohérent.” Michel Barnier a déploré mercredi “sa préoccupation concernant la solidarité des différentes entités du socle commun” après une passe d’armes entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez. Il n’a pas fini de s’inquiéter.
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