Pour arrêter la dérive des finances publiques de la France, le gouvernement a détaillé, jeudi 10 octobre, comment il prévoyait de trouver des dizaines de milliards d’euros en 2025. Malgré des crispations sur les hausses d’impôts jusque dans le camp présidentiel censé le soutenir, le Premier ministre Michel Barnier vise un effort partagé pour préserver la crédibilité française auprès des marchés financiers et de l’UE, qui a épinglé Paris pour ses déficits excessifs. Voici les principales mesures prévues dans le projet de loi de finances (PLF), qui devraient être âprement discutées au Parlement.
Méthode de calcul
Les économies pour l’an prochain sont calculées par le gouvernement par rapport à l’évolution “tendancielle” des dépenses, c’est-à-dire la progression que ces dépenses auraient connue si aucune mesure n’avait été prise pour les freiner. Ainsi, le PLF et le projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoient un effort budgétaire de 60,6 milliards d’euros au total par rapport à ce “tendanciel”, porté selon le gouvernement à 68 % par une baisse des dépenses et 32 % par des hausses d’impôts.
Des ministères à la diète
L’Etat est le principal contributeur aux réductions de dépenses, à hauteur de 20 milliards d’euros, selon la présentation officielle, un montant auquel s’ajoute un effort de 1,5 milliard d’euros sur les opérateurs de l’Etat.
Les ministères devront se serrer la ceinture, notamment le Travail, la Santé ou l’Aide au développement. Leur plafond de dépenses pour 2025 est identique à celui de 2024 car il ne tient pas compte de l’inflation (attendue à 1,8 % par le gouvernement l’an prochain), de quoi économiser 15 milliards d’euros. Des postes de fonctionnaires seront supprimés : 2 201 en moins, notamment dans l’Education nationale, premier poste de dépenses de l’Etat.
Le budget du ministère de la Justice s’établira à 10,24 milliards d’euros, soit près de 500 millions d’euros de moins que ce qui était prévu.
Seront partiellement épargnés les ministères ayant bénéficié d’une loi de programmation pluriannuelle, comme la Défense, qui bénéficiera de 3,3 milliards d’euros supplémentaires. Une contribution supplémentaire de 5 milliards d’euros sera demandée aux ministères par le biais d’un amendement qui sera déposé au Parlement par le gouvernement.
Les mesures relatives à la Sécurité sociale figurent dans le PLFSS et non le PLF. Elles prévoient 14,8 milliards d’économies.
Les collectivités sollicitées
Les collectivités seront également mises à contribution pour 5 milliards d’euros, au grand dam des élus locaux. Le principal dispositif prévu est un fonds d’épargne imposé aux 450 “plus grosses” collectivités, pour un coup de frein de 3 milliards d’euros sur la dépense. Vingt départements “sensibles” en seront épargnés.
Sont également prévus un gel de la revalorisation annuelle des recettes de TVA touchées par les collectivités (1,2 milliard d’euros) et la réduction du fonds de compensation pour la TVA (800 millions).
Surtaxe et dividende
Outre une baisse des exonérations de charges patronales ou des aides à l’apprentissage prévue dans le PLFSS, les entreprises devront s’acquitter d’impôts en hausse pour un total de 13,6 milliards d’euros, selon les calculs de Bercy.
Les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros, soit environ 400 entreprises, s’acquitteront d’une “contribution exceptionnelle” sur leurs bénéfices, qui doit rapporter 8 milliards d’euros en 2025. Le gouvernement a promis qu’elle serait temporaire, pendant deux ans.
Le géant public de l’électricité EDF versera un dividende à l’Etat, et le malus auto sera durci, pour un total de 2,3 milliards d’euros.
La suppression de la CVAE, un impôt de production dont l’extinction avait été programmée par le gouvernement précédent, est elle annulée temporairement, de quoi faire rentrer 1,1 milliard d’euros dans les caisses. Elle sera réinstaurée “dans trois ans”, a affirmé le ministre de l’Economie, Antoine Armand.
Une taxe sur les rachats d’actions qui sont par la suite annulées pour rétribuer les actionnaires doit rapporter 200 millions d’euros. Un “verdissement de la fiscalité” pour les transports polluants sera proposé durant le débat parlementaire, pour 1,8 milliard d’euros. Il devrait s’agir principalement d’un alourdissement de la taxe sur les billets d’avion.
Ménages aisés et électricité
Les ménages les plus aisés, dont le revenu fiscal dépasse 250 000 euros pour les célibataires, veufs, divorcés, et 500 000 euros pour les couples, devront payer davantage que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus déjà en place. Et ce, pendant trois ans. Le renforcement de ce mécanisme, qui doit rapporter 2 milliards d’euros, revient à mettre en place un taux minimal d’imposition de 20 % pour limiter le recours à l’optimisation fiscale. Cette mesure touche moins de 65 000 foyers fiscaux (0,3 %), selon le gouvernement.
Ce dernier compte en revanche revaloriser de 2 % les tranches de l’impôt sur le revenu en 2025 pour “protéger le pouvoir d’achat des Français”, ce qui représentera un manque à gagner de 3,7 milliards d’euros pour l’Etat, selon Bercy.
Malgré la promesse du Premier ministre Michel Barnier d’épargner les travailleurs ou les plus modestes, une taxe sur l’électricité (TICFE) qui avait été abaissée durant la crise inflationniste sera relevée drastiquement, mettant définitivement fin au bouclier tarifaire. Elle sera portée à un niveau supérieur à celui d’avant-crise, même si Bercy garantit au final une baisse de 9 % du tarif réglementé en 2025. Le gouvernement en espère 3 milliards d’euros. Les Français se chauffant au gaz sont également ciblés : la TVA est relevée à 20 % (contre 5,5 % ou 10 % actuellement) pour l’installation d’une chaudière, de quoi rapporter 200 millions d’euros.
Enfin, le malus sur l’achat des voitures neuves polluantes est alourdi et touchera presque tous les véhicules à essence et diesel. L’enveloppe du bonus censé encourager l’achat de voitures électriques neuves passe quant à elle de 1,5 à un milliard d’euros.
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