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Automobile : pourquoi le marché des voitures d’occasion ne connaît pas la crise


Avec un marché en berne, après une année 2023 exceptionnelle, le secteur automobile s’installe Porte de Versailles à Paris (du 15 au 20 octobre). Dans ce contexte morose, les constructeurs doivent relever de nombreux défis : lancer de nouveaux modèles, faire face à l’implantation des concurrents étrangers en France, répondre au succès des véhicules électriques qui ne se dément pas, surtout au sein des flottes automobiles, inventer des transports alternatifs avec la multiplication incontestable des voitures sans permis pour le marché des particuliers. Les professionnels de l’automobile doivent s’adapter à de nouveaux modes de mobilité.

Le marché du véhicule d’occasion ne connaît pas la crise. “Il reste dynamique, du fait des reports des ménages dont les contraintes budgétaires ne leur permettent pas d’acheter du neuf. Si bien que, depuis le début 2024, il affiche une croissance de 3,6 %”, indique Marie-Laure Nivot, directrice d’analyses du secteur automobile chez AAA Data. Un soulagement pour les acteurs qui craignaient un effet boomerang après les excellentes années passées.

“Un record de 6 millions de ventes avait été atteint, porté par la pénurie de fabrication dans les usines. Les tarifs s’étaient envolés, notamment sur les modèles récents car les loueurs de longue durée qui alimentent ce canal avaient été contraints de prolonger leurs contrats, renonçant à renouveler leurs parcs”, rappelle Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’Observatoire Cetelem.

Les voitures de plus de dix ans dominent ce marché

Désormais, les transactions se normalisent tout en conservant un niveau respectable. Elles dépassent déjà la barre de 3,7 millions sur les huit premiers mois. Les voitures de plus de dix ans confirment leur domination (48 %), suivies de celles de moins de cinq ans (30 %). Entre les deux, les immatriculations connaissent la plus forte hausse (+ 5 %) pour s’établir à 22 %, selon les chiffres récoltés par AAA Data. “Les prix ont beaucoup baissé, notamment aux deux extrêmes : les plus anciennes et les occasions affichant entre 24 et 48 mois, bénéficient de la fin de la crise d’approvisionnement. A titre d’exemple, ceux de la Citroën C3 et de la Peugeot 208 ont diminué respectivement de 1 200 euros (-9 %) et de 1 400 euros (-7,5 %)”, relève Romain Boscher, directeur général d’Aramisauto.

Côté motorisation, l’essence tient toujours le haut du pavé (50 %) et le diesel demeure stable (18 %). La surprise provient de la forte poussée des hybrides (+ 56 %) et des électriques (+ 74 %). “Même si ces dernières ne représentent qu’un volume de 2 % des acquisitions totales, ce qui paraît faible. Mais leur progression reflète un intérêt certain des Français qui plébiscitent les véhicules propres davantage que ce que l’on pensait”, analyse Marie-Laure Vinot.

L’offre s’étoffe, l’autonomie s’améliore, les infrastructures se développent. “Autant d’éléments qui incitent les consommateurs à tester les formules électrifiées. Neuves, elles coûtent de 20 % à 30 % de plus que leurs équivalentes thermiques, alors que le différentiel tombe à 10 %, voire 5 %, pour la seconde main, assure Romain Boscher. Qu’elles soient à double propulsion ou à batterie uniquement, elles atteignent 20 % de nos commandes, le double d’il y a un an.”

L’avance de certains pays facilite aussi leur disponibilité. “Les Pays-Bas ont adopté les véhicules électriques plus tôt que la France. On y trouve plus facilement de bonnes affaires. Quant à la Suède et la Norvège, elles proposent davantage d’hybrides haut de gamme”, déclare Fabien Leblanc, directeur de la stratégie du Site de l’auto.

Trop de normes, trop de dispositifs

Reste que le cafouillage règne. Selon une enquête Opinionway réalisée pour Aramis, 74 % des ménages modestes se disent perdus dans le maquis des dispositifs : fin du bonus écologique pour les voitures à batterie d’occasion, leasing social, malus au poids, prime à la conversion… En outre, il subsiste une confusion sur la date d’arrêt des versions thermiques et la mise en place des zones à faibles émissions dont le déploiement s’effectue de manière disparate, ou remis à plus tard. “Heureusement, la souplesse et le pragmatisme prévalent sinon beaucoup de personnes se retrouveraient en grande difficulté. Supprimer l’accès aux Crit’Air 3, 4 et 5 revient à bannir 40 % du parc, soit 16 millions de véhicules et autant d’automobilistes. L’acceptabilité sociale de cette mesure semble difficile”, pointe Romain Boscher.

De fait, elle concerne les diesels produits de 1997 à 2010 ainsi que les essences sorties des chaînes de 1997 à 2005. D’ailleurs, 42 % des Français avouent ne pas connaître le niveau de classification de leur automobile. Dans l’incertitude, “plus des deux tiers des foyers modestes maintiennent leur préférence pour des technologies éprouvées depuis des décennies, fiables et robustes”, précise Romain Boscher. Avant d’ajouter : “La moitié des sondés prêts à acheter une marque chinoise pour réaliser des économies opterait pour les énergies fossiles”.

Prêchant pour sa paroisse, le directeur général d’Aramisauto estime que le véhicule reconditionné constitue une partie de la réponse à la transition écologique : “Il endure plus de 200 points de contrôle et une remise en conformité mécanique totale, ce qui participe à prolonger sa durée de vie. Mieux entretenu, il pollue moins. “Convaincues, les familles à faibles revenus souhaitent obtenir des dérogations de circulation dans les zones à faibles émissions (82 %) et même des subventions à son acquisition (84 %), selon l’étude Opinionway. La multiplication des centres de reconditionnement – une quarantaine aujourd’hui – atteste de cet engouement hexagonal pour les remises en état proche du neuf.

Une confiance envers les professionnels toujours plus grande

Dans l’incertitude des dispositions à venir, les clients se tournent massivement vers la location avec option d’achat (LOA) de façon à pouvoir basculer plus rapidement vers un modèle adapté aux contraintes législatives. “La LOA a pris de l’essor quand les prix avaient beaucoup augmenté. Dans le même temps, le budget consacré à l’automobile se contractait fortement. D’où le succès de ce mode de financement”, explique Romain Boscher. Ainsi, les spécialistes de la seconde main proposent désormais des contrats sur une plus longue durée afin d’abaisser le montant des mensualités.

De fait, la confiance dans les professionnels augmente puisqu’ils s’arrogent 58 % des transactions, tandis que celles entre particuliers s’essoufflent. Elle se traduit également par l’expansion des ventes en ligne. “D’abord, le confinement imposé pendant l’épidémie de Covid a favorisé les canaux via internet – il n’existait pas d’autres moyens de se procurer des voitures. Ensuite, nous avons assisté à une véritable accélération”, énonce Fabien Leblanc. Ce courtier peut témoigner du crédit accordé aux experts. L’acheteur ne voit pas le véhicule, ni ne sait de quelle concession il provient. Il décrit précisément sa recherche.

“Nous nous approvisionnons dans l’ensemble des pays européens. Cela nous permet de dénicher la version idoine plus facilement que si notre client prospectait lui-même dans un rayon de 200 kilomètres autour de son domicile. En Pologne, en Italie, en République tchèque et en Allemagne, le nombre de véhicules par habitant est beaucoup plus important qu’en France. Les renouvellements plus fréquents dynamisent les échanges. Finalement, nous réussissons à obtenir des écarts de prix de 10 % à 25 % par rapport au marché français”, assure Fabien Leblanc. Rémunéré à la commission fixe, l’agent n’a aucun intérêt à valoriser un modèle ou une marque en particulier. Il authentifie le contrat d’achat, vérifie l’absence de clause abusive, contrôle la régularité des entretiens et le certificat de conformité européenne. Enfin, la prestation inclut l’immatriculation et la livraison. Un ensemble de services qui séduit de plus en plus. A condition de pouvoir payer comptant. Or même si les conditions de crédit s’assouplissent, la préférence pour la location longue durée ou avec option d’achat s’ancre durablement. D’autant que la pression fiscale ne risque pas de favoriser le pouvoir d’achat dans les mois à venir.




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