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Défense européenne : ce nouveau leadership qui pourrait changer la donne


Alors que la nouvelle Commission européenne prend ses marques, l’actualité géopolitique nourrie impose une diplomatie européenne proactive, capable de renforcer des compromis ambitieux entre les Etats membres. A cet égard, le bal des nominations qui se joue encore ce moment à Bruxelles représente une réelle opportunité de renforcer la voix du bloc à l’international.

Le choix de Kaja Kallas, ancienne Première ministre d’Estonie et véritable “Dame de fer”, pour incarner la diplomatie européenne comme Haute représentante de l’UE, témoigne de cette dynamique. Tenante de la première heure d’une ligne dure face à la Russie, elle doit répondre à de nombreux défis. Elle sera amenée à collaborer étroitement avec le futur Commissaire européen pour la Défense et l’Espace, et ancien Premier ministre lituanien, Andrius Kubilius, partisan d’un soutien ferme à l’Ukraine. Ces nominations font basculer le centre de gravité des questions de sécurité européennes en Europe de l’Est.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a été reconduite à son poste. Son premier mandat aura été marqué par bon nombre de défis majeurs – Brexit, Covid, l’invasion russe en Ukraine – qu’elle aura, en partie, contribué à résorber par son activisme diplomatique. Quant à la présidence du Conseil, elle revient à Antonio Costa, ancien Premier ministre du Portugal pendant près d’une décennie et véritable routier de la vie politique. Malgré une carrière marquée par des déboires, il est connu pour ses compétences en matière de négociation et de recherche de compromis – des qualités essentielles pour dégager des accords auprès des 27 capitales.

Du côté de l’Otan, le Néerlandais Mark Rutte, ressortissant – à la différence du Secrétaire général sortant, le Norvégien Jens Stoltenberg – d’un Etat membre de l’UE, a toujours été ferme face à Moscou depuis les affaires d’espionnage à la Haye en 2022 et du crash du vol MH17, où la majorité des victimes étaient des Néerlandais. Celui qui a pris officiellement ses fonctions ce 1er octobre, sera un allié précieux de Kallas pour renforcer le pilier européen de l’Otan.

Ce nouvel attelage UE-Otan présente une différence notable avec le précédent : tous ces dirigeants se connaissent depuis longtemps et surtout s’apprécient mutuellement. Ceci devrait permettre de pallier certains dysfonctionnements de la machine diplomatique européenne, qui a beaucoup souffert des tensions entre Ursula von der Leyen et Charles Michel, ainsi qu’une meilleure coordination entre les deux organisations, grâce à Rutte. Ce sera un atout pour répondre à deux enjeux de taille.

Préserver la relation transatlantique dans une période agitée

Les enjeux d’affaires étrangères sont peu présents dans l’élection américaine, qui fait la part belle à la lutte contre l’inflation, les sujets sociétaux et les enjeux régaliens. Si une victoire de la candidate démocrate Kamala Harris pourrait offrir une certaine continuité à la relation transatlantique, la tendance profonde est au retrait stratégique et à la concentration des moyens au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

En cas de réélection de Donald Trump, les décideurs européens, et le chef de l’Otan en premier lieu, devront redoubler d’efforts pour éviter les scénarios catastrophes en cascade, de l’abandon de l’Ukraine en passant par la remise en cause du principe de défense collective prévu par l’article 5 de l’Alliance. Rutte a d’ailleurs, en partie, été choisi pour sa relation de confiance avec l’ancien président et a même été surnommé “The Trump Whisperer” (l’homme qui murmure à l’oreille de Trump).

Quel que soit le résultat de ces élections, l’Europe doit prendre conscience des limites du parapluie américain, et contribuer plus fortement à défendre ses frontières. La Russie n’attaquera pas – vraisemblablement – militairement les Etats membres de l’UE demain, mais sa victoire en Ukraine montrerait la fragilité des moyens européens.

Une meilleure coordination des budgets de défense

Alors que la Russie consacre 4,6 % de son PIB à la guerre, l’Europe peine à atteindre une moyenne de 2,6 % pour sa défense. Le fossé est abyssal. Et la réponse ne saurait attendre. Mais la tâche s’annonce complexe, et cet objectif entravé par le scepticisme et l’instabilité politique allemande et la crise budgétaire sans précédent qui touche la France.

Ce nouveau leadership UE-Otan devrait avoir la légitimité pour convaincre les partenaires européens d’accélérer la remontée en puissance du continent. En effet, sous le mandat de Kaja Kallas, l’Estonie a rehaussé son budget consacré à la défense à 2.7 % du PIB. Mark Rutte, pourtant considéré comme le chef de file des pays dits “frugaux”, a augmenté les dépenses néerlandaises à 2 % du PIB. Antonio Costa a également inscrit le Portugal dans cette dynamique.

Une meilleure coordination des budgets de défense est cruciale pour maximiser l’interopérabilité des forces. Le rapport de l’ancien gouverneur de la Banque Centrale européenne (BCE), Mario Draghi pointe précisément cette faiblesse et propose l’émission d’eurobonds de la défense par la BCE, et encourage les fusions entre grands acteurs européens de l’armement et de la technologie.

Cette nouvelle donne offre une occasion sans précédent pour répondre à ces défis. Comme le souligne Henry Kissinger : “La diplomatie est l’art de naviguer dans un monde complexe, en construisant des ponts là où les murs semblent infranchissables.” Charge au nouveau leadership européen et de l’Otan d’être à la hauteur.

* Hector de Rivoire est maître de conférences en économie à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Arthur de Liedekerke est directeur des affaires européennes au sein du cabinet de conseil Rasmussen Global.




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