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“Plus ils sont près, plus je les vois” : comment Faure pense avoir la peau de Glucksmann, Cazeneuve…


Au PS, les éternelles inimitiés n’entraveront jamais le plaisir d’un bon repas. La preuve lundi dernier à Strasbourg, en cette semaine de plénière. L’eurodéputé Pierre Jouvet, cadre du parti à la rose, rompt le pain avec l’ancienne tête de liste PS-Place publique, Raphaël Glucksmann. Le troisième homme des européennes n’a jamais pardonné l’appareil qui l’a investi d’avoir passé son score par pertes et profits, au soir de la dissolution. Lui et Olivier Faure, à qui il reproche sa “soumission” à Jean-Luc Mélenchon, ne se sont plus adressé la parole depuis l’université d’été du PS à Blois.

Mais ce soir, entre deux coups de fourchette, les deux membres du même groupe parlementaire papotent politicaillerie et stratégie. Glucksmann cache de moins en moins ses débordantes ambitions, et s’affiche depuis quelques semaines aux côtés des opposants internes à la direction socialiste. Jouvet, lui, est au service des aspirations de son patron. Le premier a fait sa rentrée à La Réole. Il souhaite renforcer sa mouture et affirme que la gauche sociale-démocrate doit “travailler”. Bernard Cazeneuve, qui n’est plus au PS, n’a de cesse de le répéter. L’Occitane Carole Delga aussi. Et Karim Bouamrane, un nouveau venu dans la galaxie des narcisses au PS, qui a renchéri lors d’un événement à Saint-Ouen. Ils assènent tous la même chose : la ligne, la ligne, la ligne ! Des mots doux qui déguisent leur envie de faire la peau à Olivier Faure au prochain congrès. Face à Glucksmann, Jouvet sourit : “On va gagner le congrès, tu le sais très bien. Olivier est encore loin du cimetière.”

Depuis son arrivée à la tête du PS en 2018, Olivier Faure a les oreilles qui bourdonnent. Les balles sifflent à ses oreilles, fort au moment de l’accord de la Nupes avec LFI en 2022 et si fort depuis la naissance du Nouveau Front populaire deux ans plus tard. Encore plus depuis cet été : ses détracteurs l’accusent d’avoir savonné la planche à Bernard Cazeneuve, pressenti pour Matignon. Ils sont convaincus que le premier secrétaire organiserait l’effacement de sa propre famille politique, au profit de Jean-Luc Mélenchon. A Bram (Aude) fin septembre, les mêmes se retrouvaient autour d’un cassoulet au grand raout de la gauche “de gouvernement” qu’a organisé Carole Delga. Le premier des socialistes, mi-vexé mi-satisfait de ne pas avoir droit à un discours conclusif, a décliné l’invitation de sa meilleure ennemie. A Saint-Ouen, quelques jours plus tard, pour le meeting de l’ambitieux maire Karim Bouamrane, Faure passe une courte tête en terrain hostile, à quelques sièges de l’intégralité de ses détracteurs. Mais il est déjà parti du stade Bauer quand l’hôte du jour lui adresse quelques amabilités à la tribune. Le week-end suivant, à La Réole, il n’est pas invité par Glucksmann – un point commun avec Bernard Cazeneuve – “pas sûr qu’il aurait été à l’aise”, souffle un ami de l’eurodéputé. Le soir du 7 octobre enfin, à la veille d’une motion de censure défendue par le premier secrétaire, c’est François Hollande qui appelle à solder l’inventaire des années Faure au congrès, lui sans circonvolution : “Il faut une nouvelle figure pour diriger le Parti socialiste.” Le groupe parlementaire en est resté mutique. “C’était violent quand même…”, confie un député, bien qu’anti-fauriste.

@lexpress

🤔 Qui est capable de citer une phrase, une punchline de Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale ? C’était hier, personne ne s’en souvient. L’analyse de notre journaliste Eric Mandonnet. #gouvernement #barnier #politique #assembléenationale #apprendresurtiktok #tiktokacademie #sinformersurtiktok #newsattiktok

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“J’essaie toujours d’avoir un coup d’avance”

Olivier Faure observe, impassible. Mi-juillet, alors que ces grandes manœuvres se préparaient et qu’il en avait eu vent, il confiait alors à L’Express : “Plus ils sont près, plus je les vois. Je n’ai aucune illusion. J’essaie toujours d’avoir un coup d’avance mais peut-être en aurais-je un de retard un jour et viendra le moment où je serai remplacé.” Il n’est pas du genre à renvoyer les coups, plutôt à les accepter. Ses amis disent de lui que “tout glisse sur lui”. Lui se veut plus philosophe, ou peut-être fanfaron. “Soit les gens sont meilleurs et on mérite de perdre, soit ça élève le niveau de jeu, dit-il. Ça demande plus d’efforts que de purger.”

Son entourage, qui concédait bien des doutes et des critiques à son égard avant la dissolution, se rebiffe aujourd’hui. Il y a ce tout récent sondage qu’ils ne manquent pas de partager sur les réseaux sociaux, ou dans les boucles internes. Le Parti socialiste, selon une étude de l’Ifop, est, à l’exception du RN, le parti recueillant le meilleur taux de bonnes opinions, avec une remarquable progression depuis 2017. “Le sondage dit tout, on peut s’étonner que les éléphants n’aient pas de mémoire”, griffe une proche du premier secrétaire. Qui poursuit le procès en ingratitude : “Quand en 2018 nos sections se vidaient, il y en a un qui a pris son bâton de pèlerin pour faire monter en responsabilités une nouvelle génération de socialiste.” Olivier Faure, le mal-aimé. En privé, il lui arrive souvent de déplorer ce manque de reconnaissance et même de s’énerver, de hausser le ton. Une fois n’est pas coutume. “Je n’ai jamais baissé la garde face aux Insoumis ! Jamais ! Je ne veux pas qu’on me fasse passer pour ce que je ne suis pas. Je n’ai abandonné personne. Que ces gens aient besoin de se valoriser, soit. Mais les gens sont lassés par nos guerres internes et moi aussi, j’en ai ras-le-bol”, s’époumonait-il, il y a quelques semaines. En public, marmoréen, il s’est mis à réciter du Cyrano de Bergerac : “On n’abdique pas l’honneur d’être une cible.”

Ses proches saluent sa “résilience”, ses rivaux appellent cela de la “procrastination”, cette manière de “décourager ses opposants internes” puisque rien ne semble l’atteindre. Un art de l’usure qui finit par rendre possible même une abracadabrantesque synthèse socialiste. Longtemps méprisé, qui sous-estime encore Olivier Faure ? “C’est un crocodile. Il peut rester des semaines sans bouger au fond du marigot, à attendre en tirant sur sa cigarette électronique. Et quand la proie est à sa portée… Il attend, sans abdiquer son ambition”, imageait il y a deux ans auprès du Monde Jean-Christophe Cambadélis. Certains de ses proches ont retenu la citation : ils ne diraient pas mieux aujourd’hui. D’ailleurs, Faure a récemment gagné une bataille culturelle, et pas des moindres. Alors que Raphaël Glucksmann répétait qu’il ne souhaitait pas voir la gauche à nouveau unie avec La France insoumise en cas de nouvelle dissolution et d’élections législatives anticipées, une grande majorité de députés PS ont fait savoir que tel ne serait pas forcément leur choix. “Partir sans LFI, c’est partir sans les écologistes et probablement sans les communistes et donc on risque d’avoir un candidat d’union de la gauche en face d’un candidat socialiste. Non merci”, assure un député pourtant critique d’Olivier Faure. Les réalités électorales ont parfois la vie dure.

Faure, Delga, Bouamrane, Hollande, Glucksmann… Et qui demain ? Les initiatives débordent au PS, signe, croient certains, de la vitalité démocratique dans un parti qu’on disait en déclin. La concurrence saine ? L’impression est donnée que les inimités personnelles prennent le pas sur le fond. Au PS, chacun se définit comme l’inverse de l’autre, chacun convaincu d’avoir un destin que l’autre n’a pas. “Le problème au PS, c’est 20 personnes… 20 personnes qui complotent jour et nuit contre les uns et les autres, se lamente un cadre de la direction. Se détester, ça ne fait pas un projet politique et encore moins un leader.”

Le futur congrès socialiste, qui doit se tenir au début de l’année 2025, alors que tant d’opposants à Faure le priaient, avant la dissolution, de le repousser à l’après-municipale de 2026, s’annonce comme une énième nuit des longs couteaux avant une grande réconciliation ; et puis les mêmes batailles de chefs, sans fin. La ritournelle socialiste.





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