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Bill Gates, l’entretien exclusif : “On peut sauver une vie pour moins de 1 000 dollars”

C’est l’un des grands visionnaires de notre temps : en quittant Harvard, en 1975, pour lancer Microsoft, Bill Gates allait révolutionner notre façon de travailler, de vivre, de penser. Depuis vingt-quatre ans, au ­travers de la Fondation Bill & Melinda Gates, il met sa fortune au service des causes qui lui sont chères. Engagé notamment pour le développement de l’Afrique, la diffusion des vaccins et la lutte contre la malnutrition, Bill Gates est aussi un ardent défenseur de la rationalité scientifique. Il observe aujourd’hui avec intérêt l’essor de l’intelligence artificielle et investit massivement dans les innovations qui pourraient atténuer les effets du changement climatique.

Votre fondation se concentre sur la lutte contre la malnutrition, en particulier chez les mères et les jeunes enfants. Pourquoi cette question est-elle si importante ?

Bill Gates Un enfant a 50 fois plus de risques de mourir au Nigeria qu’en France ou aux Etats-Unis. Depuis l’année de création de la Fondation, en 2000, de grands progrès ont été réalisés, grâce à la générosité des gouvernements, y compris ceux de la France, et à la mise en place de programmes tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme ou Gavi, l’alliance mondiale des vaccins. Ils ont permis de réduire de moitié le nombre d’enfants morts de maladies infectieuses.

Nous sommes passés de 10 millions d’enfants morts avant l’âge de 5 ans à 5 millions. Pouvons-nous encore réduire de moitié cette mortalité ? Nous affrontons de nombreux vents contraires. La plupart des bébés naissent dans les pays pauvres, et le monde actuel connaît tellement de périls que l’attention portée à ces sujets diminue.

L’aide publique au développement s’est élevée l’an dernier à 224 milliards de dollars, un montant historique. Pensez-vous que cette tendance sera durable ?

C’est effectivement un record, même si, malheureusement, l’aide en faveur de l’Afrique baisse de manière globale. L’Europe peut être fière d’être le plus généreux donateur. Les pays européens se sont fixés pour objectif de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut [RNB] à l’aide publique au développement : certains, comme la Norvège et la Suède, ont dépassé ce seuil. Le Royaume-Uni l’a atteint temporairement, mais a choisi de revenir à 0,5 %. La France est également à environ 0,5 % de son RNB. J’observe toutefois que les pressions sur les finances publiques sont devenues très fortes, du fait des dépenses de défense, de santé ou de la hausse des taux d’intérêt. Les budgets des pays riches, y compris celui de la France, sont très tendus. Mais il est aussi important de continuer à aider les plus pauvres !

C’est ce que je m’efforce de faire, via la Fondation Gates, qui verse de l’argent à des organismes humanitaires. Cet argent est très bien dépensé. On peut souvent sauver une vie pour moins de 1 000 dollars. Malheureusement, l’aide au développement a tendance à sortir des priorités. Les électeurs doivent pourtant être fiers de ces dépenses et maintenir leur niveau, y compris en période de tensions. Lorsque les budgets d’aide sont réduits, cela signifie malheureusement que les pays les plus pauvres, à un moment où leurs dettes ont augmenté et où les taux d’intérêt leur coûtent beaucoup d’argent, reçoivent de moins en moins d’aide.

Quand un pays réduit ses dépenses d’aide, cela équivaut à donner la ­permission à tous les autres de faire pareil

Bill Gates

La France avait prévu d’atteindre cet objectif d’aide à 0,7 % du RNB en 2025, mais cette échéance a été reportée à 2030. Ce retard est-il inquiétant ?

Cet objectif de 0,7 % est idéal, et je regrette qu’il soit retardé. Je sais que ce n’est pas facile, mais je peux promettre aux électeurs français que cette aide fait vraiment la différence, en permettant aux mères de survivre, en luttant contre la malnutrition… Plus vite la France trouvera un moyen d’atteindre les 0,7 %, mieux ce sera. D’ici là, j’espère que le taux ne baissera pas davantage. Quand un pays réduit ses dépenses d’aide, cela équivaut à donner la ­permission à tous les autres de faire pareil, alors que nous avons besoin de davantage de financement.

Croyez-vous qu’il est encore possible d’accroître l’efficacité de cette aide ?

Certainement. Dans le domaine de la santé, elle s’est déjà considérablement accrue depuis le début du siècle. Notre capacité à la mesurer aussi. Si nous développons davantage d’innovations, telles que les vaccins à ARN messager, nous pourrons encore baisser les coûts de l’aide. Il en va de même en ayant recours à de meilleures semences ou à une meilleure sélection génétique des poulets.

Mais pensez-vous qu’il puisse y avoir un élément décisif pour changer la donne en matière d’aide au développement ?

Si cette aide n’augmente pas, nous atteindrons les limites de ce que nous pouvons faire. Je pense que nous devrions dépenser davantage en Afrique, notamment. Heureusement, en Asie, certains pays ont développé leur économie et sont devenus autosuffisants. Nous sommes donc censés disposer de plus d’argent pour relever les défis les plus difficiles en Afrique. Je suis donc très surpris de constater que nous en avons moins. Nous pouvons toujours faire mieux, mais nous ne pouvons pas surmonter ces réductions de financement simplement en travaillant sur l’efficacité de l’aide.

Au cours des cinquante dernières années, la vaccination, au cœur des activités de votre fondation, a permis de sauver 154 millions de vies. Pensez-vous là aussi que nous puissions aller plus loin ?

Absolument ! Nous développons constamment des vaccins, comme celui contre le HPV, le virus du papillome humain, qui permet aux femmes d’éviter de développer les lésions qui peuvent aboutir au cancer du col de l’utérus. Pendant ­longtemps, on a pensé qu’il fallait deux doses de vaccin : la Fondation Gates a financé un essai visant à démontrer qu’une seule suffisait : nous pouvons maintenant protéger deux fois plus de filles ! Les chercheurs ne cessent d’améliorer les vaccins, par exemple en les combinant, ou en ­passant d’une nouvelle aiguille à un simple patch… Il s’agit donc d’un domaine très innovant.

A la fin de l’année, cela fera cinq ans que la pandémie de Covid-19 a commencé. Avons-nous tiré les bonnes leçons de cette crise sanitaire ?

Si une nouvelle pandémie devait se déclencher, nous disposerions de meilleures armes, car les travaux dans ces domaines ont avancé. Mais, d’un autre côté, il y a moins de consensus sur la façon de renforcer l’Organisation mondiale de la santé ou d’établir de meilleurs systèmes de données.

Quant à la question de l’importance des vaccins et de la confiance dans les gouvernements, nous sommes sortis de la crise du Covid avec moins d’adhésion à ces principes, y compris aux Etats-Unis, que ce que l’on pouvait attendre. La bonne nouvelle, c’est qu’une grande partie de la Recherche & Développement visant à améliorer les outils de lutte contre les pandémies nous aide également à fabriquer des vaccins moins chers.

Si la polio réapparaît, elle constitue un grand danger pour tous

Bill Gates

Vous avez évoqué la question de la confiance. Il existe beaucoup d’antivax qui diffusent de fausses informations. Comment lutter contre ce fléau ?

Dans les pays riches, cette désinformation est alimentée par le fait que les maladies infectieuses comme la rougeole ou la diarrhée tuent si peu ­d’enfants que, si le vôtre n’est pas protégé, vous n’en subirez probablement pas les conséquences. Mais, en Afrique, lorsque des rumeurs circulent sur les vaccins, le nombre de décès dus à la rougeole augmente immédiatement. Vous avez donc la preuve de l’efficacité des vaccins, car, malheureusement, sans eux, des enfants meurent. Pendant la pandémie de Covid-19, beaucoup de personnes âgées sont mortes parce que le message relatif à la vaccination ne leur est pas parvenu. Nous devons poursuivre ce travail d’information, car les résultats sont irréfutables. Mais pourquoi les vaccins provoquent-ils une telle hostilité ? J’aimerais pouvoir le comprendre…

L’éradication de la polio semblait réalisable l’an dernier. Aujourd’hui, le problème revient, notamment dans la bande de Gaza, où une grande campagne de vaccination a été lancée en urgence en septembre. Craignez-vous que la multiplication des conflits dans le monde n’efface les progrès de la vaccination ?

Oui, absolument. Je peux parler de la polio en ­particulier, parce que la Fondation Gates est l’un des principaux bailleurs de fonds pour combattre cette maladie – nous avons aussi des soutiens, dont ceux de la France et des Etats-Unis. Il n’y a que deux pays où la polio n’a pas encore été éradiquée : le Pakistan et l’Afghanistan. Nous nous sommes débarrassés de la maladie en Afrique, mais elle s’est ensuite propagée à nouveau. Nous devons donc retourner dans certaines régions difficiles, notamment au Nigeria et en République démocratique du Congo. Il y a eu un cas détecté à Gaza, en effet. Nous ne savons pas si des enfants seront paralysés, mais, si la polio réapparaît, elle constitue un grand danger pour tous. Si nous parvenons à l’éradiquer, comme nous l’avons fait il y a longtemps avec la variole, alors plus aucun enfant ne sera paralysé. Je pense qu’au cours des trois à cinq ­prochaines années nous pouvons réussir. Nous en sommes très proches, malgré les défis auxquels nous sommes confrontés.

L’informaticien, entrepreneur et milliardaire américain est né le 28 octobre 1955 à Seattle.

Parlons un peu de la révolution technologique actuelle, celle de l’intelligence artificielle. Alors que les développements ont été très rapides, comment garantir l’accès à tous en matière d’IA ?

Cette nouvelle vague d’IA a émergé depuis ­environ deux ans, avec ChatGPT d’OpenAI, qui fonctionne avec les grands modèles de langage [LLM]. L’IA peut lire et écrire dans certains cas, d’une manière surhumaine, avec une grande fluidité, même si elle manque encore de précision. Beaucoup d’entreprises travaillent sur le sujet. L’objectif final serait par exemple d’avoir un tuteur personnel sous forme d’IA pour chaque étudiant, d’obtenir des conseils médicaux de qualité, y ­compris en Afrique, où il y a si peu de médecins. Les opportunités sont donc immenses.

Historiquement, lorsque nous avons découvert de nouvelles technologies, elles ont d’abord été mises en œuvre dans les pays riches et même à ­l’intérieur de ces pays par les personnes riches. Avec la révolution de l’IA, nous espérons faire mieux. C’est pourquoi la Fondation Gates finance de nombreux travaux dans ce domaine en Afrique : comment utiliser l’IA pour aider les agriculteurs, les femmes enceintes, etc. Il s’agit d’un domaine très concurrentiel, où les investissements sont nombreux, chez des entreprises comme Mistral et chez les géants de la technologie. Personnellement, je suis donc très enthousiaste. A mes yeux, l’objectif principal est de veiller à ce que l’Afrique en ­bénéficie également.

L’an dernier, vous nous aviez confié être optimiste quant au potentiel de l’IA dans le secteur de la santé. Diriez-vous qu’elles ont déjà été tenues ?

Une année, c’est court ! Aujourd’hui, l’IA nous aide pour définir des vaccins et des médicaments. Elle accélère les travaux de recherche : c’est le cas pour la tuberculose, par exemple. Certains médicaments découlent des découvertes de l’IA. En aval, cette technologie doit également pouvoir contribuer à la fourniture de soins de santé. Nous en sommes donc encore au stade du projet pilote. Mais au cours des cinq prochaines années, l’IA va se déployer dans l’ensemble du secteur de la santé, en amont ou en aval.

L’IA permet-elle déjà de sauver des vies ?

Pas encore de manière spectaculaire. Les médicaments qui utilisent de façon effective cette IA plus puissante ne sont pas encore approuvés et utilisés. Elle aide les médecins à établir leurs ­diagnostics, mais elle est également déployée pour les aider dans leurs tâches administratives. Ils peuvent parler davantage aux patients, le ­logiciel fait tout le travail de dépistage à leur place. Les études pilotes à ce sujet se déroulent très bien.

Après Fukushima, l’énergie nucléaire a eu mauvaise presse, mais elle fait son retour. Est-elle, selon vous, la meilleure solution au défi énergétique mondial ?

Nos systèmes énergétiques vont comporter beaucoup d’énergies solaire et éolienne et, plus il y en a, mieux c’est. Mais on ne peut pas se contenter de celles-ci parce que, pendant l’hiver, les périodes difficiles, leur stockage est tout simplement trop coûteux. Nous avons donc besoin d’un mélange d’énergies à la fois non dépendantes des conditions météorologiques, et aussi, espérons-le, vertes.

Regardez le Japon : il n’y a pas beaucoup d’énergie solaire là-bas, et le vent y est très saisonnier, tout comme en Corée du Sud. De nombreux pays n’ont pas la chance des Etats-Unis et de l’Europe, où les énergies renouvelables vont jouer un rôle important. C’est pourquoi, si nous pouvons utiliser la fission ou la fusion, c’est à la fois économique et rassurant sur le plan de la sécurité, surtout pour la fusion. J’investis dans les deux, pour essayer de rendre ces solutions disponibles.

Avec Natrium, vous avez développé une nouvelle approche du nucléaire. En quoi diffère-t-elle des réacteurs traditionnels ?

Avec la société TerraPower, nous avons ­récemment posé la première pierre de notre ­premier réacteur, dans le Wyoming. Si tout se passe bien, il sera opérationnel d’ici à 2030. J’ai investi des milliards dans ce projet, car je pense que le coût de cette technologie peut être bien ­inférieur à celui de la fission nucléaire actuelle. Grâce au refroidissement via du sodium liquide, la ­chaleur du réacteur, qui a posé des problèmes à Tchernobyl et à Fukushima, est naturellement absorbée, ce qui limite les risques d’incident grave.

Cette technologie sera la prochaine étape du nucléaire. Aujourd’hui, il est impératif de réduire considérablement les coûts. TerraPower travaille donc avec le Royaume-Uni, la France, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis, dans une réflexion autour d’une conception moins coûteuse des futurs projets nucléaires.

De nombreuses start-up américaines développent toutes sortes de nouvelles technologies pour lutter contre le changement climatique, mais cela va-t-il assez vite ?

En 2015 a eu lieu la signature de l’accord de Paris. En parallèle, une mission d’innovation a été mise en place, réunissant le président Hollande, le ­président Obama, le Premier ministre indien Modi, moi-même, ainsi qu’un certain nombre de personnalités, afin de concilier les efforts des ­gouvernements et ceux du secteur privé pour innover ensemble. C’est le projet Breakthrough Energy, pour lequel j’ai obtenu le soutien de beaucoup de gens, ici, en France.

Aujourd’hui, près de 130 entreprises travaillent dans tous les domaines du climat. Certaines passent à l’échelle supérieure et proposent des produits. D’autres sont encore au stade de la recherche. Avancer sur l’innovation est la seule façon de résoudre la problématique du climat : nous devrions adopter des produits verts, mais tant qu’ils coûtent plus cher, les gens n’en veulent pas. Si la “taxe verte” est réduite à zéro, il y aura un cycle d’adoption naturel, même dans les pays où la politique climatique est très difficile à accepter, comme le Brésil ou la Russie. Bien sûr, nous sommes très pressés : j’essaie ­toujours de faire en sorte que l’innovation aille plus vite, et jusqu’ici, cela s’est passé mieux que je ne l’espérais.

En matière de climat, nous avons besoin de l’innovation du monde entier, y compris de Pékin

Bil Gates

Récemment, des rapports alarmants ont été publiés dans la presse américaine, expliquant que la Chine était sur le point de dépasser les Etats-Unis dans la recherche sur la fusion. Assiste-t-on à la prochaine grande bataille entre les deux superpuissances ?

Toute innovation liée au climat est bénéfique pour le monde entier. Si vous avez un cancer, vous ne vous souciez pas de savoir quel pays a inventé les médicaments qui peuvent vous sauver la vie. En matière de climat, nous avons besoin de l’innovation du monde entier, y compris de Pékin. Les Chinois font du bon travail, notamment en matière de réduction des coûts. Pour le moment, ils ne sont pas devant en matière de fission ou de fusion. Mais si les pays riches ne progressent pas, les Chinois prendront l’avantage. A l’heure actuelle, les meilleurs travaux sur la fission et la fusion restent ­réalisés en Occident.

Plus généralement, la Chine peut-elle être la prochaine superpuissance technologique ?

Elle est le deuxième pays en matière de science et d’innovation. La Chine, qui compte 20 % de la population mondiale, dispose d’un grand nombre de bonnes universités. La seule chose qu’elle ne fait pas aussi bien que les Etats-Unis, c’est de savoir rassembler les gens du monde entier pour qu’ils viennent travailler ensemble. Or c’est ainsi que l’on obtient les meilleurs résultats, que ce soit en France, aux Etats-Unis ou ­ailleurs. Mais la Chine est très innovante et en avance dans de nombreux domaines de la science et de l’ingénierie.

Vous êtes un fervent défenseur de la rationalité, mais cette idée perd de plus en plus de terrain, notamment aux Etats-Unis, sans doute à cause du climat politique très polarisé. Comment faire de nouveau briller la rationalité ?

La société humaine est très complexe. Comment promouvoir la concurrence ? Comment concevoir le système de santé, le système éducatif ? Dans le secteur privé, si quelqu’un dispose d’un meilleur produit, il l’emporte. Dans le secteur public, c’est toujours plus compliqué. Ses entités ne sont pas confrontées à la même menace de ­faillite que le secteur privé.

Mais nous avons aujourd’hui de meilleurs outils, y compris numériques, pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. La condition humaine s’est améliorée de manière spectaculaire au cours des deux cents dernières années. Plus récemment, certains restent obnubilés par les périls. Nous vivons pourtant une époque bien meilleure que par le passé : si vous avez un cancer aujourd’hui, vous vous en sortez bien mieux. Si vous êtes une femme, vous vous en sortez bien mieux également, dans presque tous les pays. Si vous êtes curieux d’un sujet, beaucoup plus de perspectives s’offrent à vous. Ces progrès vont se poursuivre. De façon générale, les humains apprennent à travailler ensemble et à faire face aux défis. Même si les guerres constituent des revers puissants. Et si nous ne nous montrons pas plus généreux avec l’Afrique, les conditions de vie pourraient s’y dégrader.

Vos Mémoires vont être publiés en février prochain. Vous y évoquez le fait que vous avez abandonné Harvard pour aller travailler dans un secteur qui n’existait pas vraiment. Si vous deviez quitter l’école aujourd’hui, sur quel secteur miseriez-vous ?

C’est assez drôle, mais même à l’époque où j’étais à Harvard et que je songeais à fonder Microsoft, j’avais déjà en tête l’idée que, un jour, l’IA existerait. Je me demandais quand et comment cela se produirait. Et si je créais une entreprise de logiciels, est-ce que je raterais le coche en ne travaillant pas sur cette question dans le milieu universitaire ? Il a fallu beaucoup plus de temps que je ne le pensais pour que l’IA devienne grand public. Aujourd’hui, parce que j’aime les mathématiques et les logiciels, je choisirais de contribuer au domaine de l’IA. C’est un outil tellement puissant. Et le façonner de la bonne manière peut faire une grande différence.

Vous donnez souvent des conseils de lecture. S’il n’y avait qu’un seul livre à lire avant la fin de l’année, lequel aurait votre préférence ?

J’ai deux livres favoris. L’un de Steven Pinker, The Better Angels of Our Nature [La Part d’ange en nous, éd. Les Arènes, 2017] : ce professeur nous aide à prendre du recul et à dire, oui, les humains ont eu des comportements très violents, et pourtant, nous nous sommes réunis et nous avons créé des institutions qui ont plutôt bien fonctionné. Et puis il y a cet ouvrage de Hannah Ritchie sur l’environnement. Etonnament, beaucoup de gens pensent que le changement climatique n’a pas d’importance tandis que d’autres estiment que la question est insoluble. Le juste milieu est que, oui, le sujet est important, et qu’il y a des solutions. Son livre Not the End of the World [Vintage Ed., 2024, non traduit en français] nous rappelle que, même si nous n’atteignons pas tous nos objectifs, nous avons parcouru un long chemin. Dans les pays riches, nous avons réduit nos ­émissions, et nous disposons d’un grand nombre ­d’innovations ­porteuses d’espoir.

Né en 1955 à Seattle, Bill Gates, passionné d’informatique, abandonne ses études à Harvard pour cofonder Microsoft en 1975. Sa réussite fera de lui l’un des hommes les plus riches du monde, avec une fortune estimée à 163 milliards de dollars selon le Bloomberg Billionnaires index. Depuis 2007, il se consacre à la Fondation Bill & Melinda Gates, afin d’aider à améliorer la santé dans le monde.




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