Faute avouée à moitié pardonnée ? “Je souhaite (…) que nous puissions améliorer la qualité de nos prévisions et de suivi de nos comptes. Il y a eu beaucoup d’interrogations concernant les écarts de prévision, tant en dépenses qu’en recettes sur le budget de l’Etat en 2023 et 2024. Je souhaite que toute la transparence soit faite sur ce sujet”, a lancé avec emphase Antoine Armand, le nouveau ministre de l’Economie lors de la présentation à la presse du projet de budget pour 2025.
Beaucoup “d’interrogations” ? Un joli euphémisme pour parler d’une grosse bourde, et d’une erreur majeure de prévision. Cette année, le dérapage des finances publiques a non seulement été spectaculaire, et inédit hors période de récession, mais surtout il est très éloigné de ce qui avait été gravé dans le marbre du PLF l’an passé, à la même époque. Le 27 septembre 2023, Bruno Le Maire, l’ancien patron de Bercy, promettait pour l’année 2024 un déficit public ramené à 4,4 % du PIB, après 5,5 % en 2023. On sait aujourd’hui que le trou dans les comptes publics devrait approcher les 6,1 % du PIB. Déjà en 2023, entre la prévision inscrite dans le projet de loi et la réalisation, un écart de 0,6 point de PIB était apparu.
Dans une note parue en juillet, les experts de l’Inspection générale des finances (IGF) affirment que l’écart de l’an passé est “essentiellement du à une surestimation, en prévision, des recettes de prélèvements obligatoires à hauteur de 21 milliards d’euros” par rapport au budget voté à la fin 2023. Problème, ces erreurs de prévisions surviennent “après plusieurs années de sous-estimation de l’évolution des recettes”, concluent les têtes chercheuses de l’IGF.
“Prévisions audacieuses”
Les modèles mathématiques des comptables du Trésor seraient-ils devenus défaillants ? Ou les hypothèses retenues dans ces fameux modèles seraient-elles – volontairement ou non – trop optimistes ? Depuis deux ans, les économistes de la direction du Trésor auraient établi leurs projections de recettes fiscales à partir d’une élasticité des impôts et taxes à la croissance finalement supérieure à ce qui s’est réellement passé. La science économique n’est pas une science exacte. Or, les modèles mathématiques et économétriques ont tendance à répliquer le passé.
Bercy aurait, si l’on en croit son nouveau patron, retenu la leçon. Sauf que déjà certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer les hypothèses, sans doute un brin trop roses, retenues dans le nouveau projet de loi de finances pour 2025 qui va être discuté à l’Assemblée nationale. Parmi elles, Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes mais aussi président du Haut conseil des finances publiques qui, quelques heures avant la présentation du PLF, dénonçaient les “prévisions audacieuses” qui ne se sont jamais matérialisées.
Destinataire du projet Barnier, le Haut conseil estime que le scénario macroéconomique pour 2025 est dans l’ensemble fragile. “La prévision de croissance pour 2025 apparaît en premier lieu un peu élevée compte tenu de l’orientation restrictive du scénario de finances publiques associé”. En effet, dans ses projections, Bercy suppose que le plan de redressement de 60 milliards n’aura qu’un impact minime sur la croissance, laquelle resterait scotchée à 1,1 %. Or, les hypothèses concernant l’investissement des entreprises et la baisse du taux d’épargne des ménages ne seraient pas cohérentes avec un ajustement budgétaire tel qu’il est annoncé par le gouvernement, en dépit du soutien que peut apporter la baisse des taux d’intérêt, concluent les experts du Haut conseil. Logiquement, les projections de recettes seraient, elles aussi, un peu volontaristes.
Alors, Antoine Armand serait-il l’arroseur arrosé ? Le ministre de l’Economie promet un plan d’action qui devrait reprendre certaines des préconisations de l’IGF et qui sera présenté au Parlement avant la fin de l’année. Pour améliorer la qualité et la transparence des finances publiques. Et pour que la vérité sur la dette, comme l’a promis Michel Barnier à son arrivée à Matignon, soit enfin établie.
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