Berlin durcit à son tour sa politique migratoire. Les députés allemands ont adopté, ce vendredi 18 octobre, un projet de loi qui referme un peu plus l’ère d’accueil généreux ouverte en 2015 par l’ex-chancelière Angela Merkel.
Le vote est intervenu en parallèle à un sommet de l’Union européenne, où les dirigeants des 27 ont haussé le ton contre l’immigration irrégulière et réclamé une accélération des expulsions. Le projet de loi doit encore être validé vendredi par la chambre haute du parlement pour entrer en vigueur : il s’inscrit dans une tendance restrictive croissante en Europe.
Berlin veut notamment supprimer des aides pour les demandeurs d’asile entrés d’abord dans un autre pays de l’UE, faciliter les expulsions pour les réfugiés ayant fait usage d’armes, limiter le port d’armes blanches ou encore accorder des pouvoirs supplémentaires aux forces de l’ordre. Les réfugiés qui retourneront temporairement dans leur pays d’origine n’auront “en règle générale” plus de protection en Allemagne, de même que ceux qui commettront des crimes à caractère antisémite ou homophobe, selon le texte.
Lutte contre le “terrorisme”
Ce “paquet Sécurité” doit permettre d'”améliorer la sécurité intérieure et le système d’asile” mais aussi “la lutte contre le terrorisme”, a affirmé la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser.
Sous la pression de l’aile gauche de son propre parti, la ministre social-démocrate a dû néanmoins atténuer la mesure la plus controversée de suppression des aides pour les demandeurs d’asile entrés dans un autre pays de l’UE avant de venir en Allemagne. Selon le règlement dit de Dublin, le premier pays de l’Union dans lequel entre un étranger clandestin est responsable de sa demande d’asile. Une suppression complète de l’aide sera ainsi possible seulement si le départ des demandeurs d’asile dans le pays de l’UE où ils sont arrivés en premier “est juridiquement et effectivement possible”. Elle est également exclue dans le cas où des enfants sont concernés.
L’opposition conservatrice a fustigé un texte “largement inefficace”, par la voix d’Alexander Throm (CDU). De l’autre côté de l’échiquier politique, la députée de gauche radicale (Die Linke) Clara Bünger, a dénoncé un plan “inhumain et indigne d’un État de droit social”.
Le brûlant dossier migratoire occupe depuis des mois la coalition d’Olaf Scholz, qui a déjà réintroduit des contrôles aux frontières face à une hausse du nombre de migrants. Comme le chef de l’Etat français Emmanuel Macron, le chancelier Olaf Scholz a pris ses distances avec l’idée de l’Italie de Giorgia Meloni de transferts de migrants dans des centres d’accueil de pays tiers, en l’occurrence l’Albanie dans le cas de Rome. Mais Berlin pousse ses partenaires européens à agir contre l’immigration irrégulière, alors que moins de 20 % des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet au sein de l’UE.
Attaques au couteau
Le chancelier est sous pression dans un contexte de poussée de l’extrême droite, en Allemagne comme ailleurs en Europe. Le gouvernement a présenté son projet en août dans la foulée d’un triple meurtre au couteau par un Syrien soupçonné de liens avec l’organisation jihadiste Etat islamique lors d’une fête à Solingen (ouest). En juin, une autre attaque au couteau, imputée à un Afghan lors d’un rassemblement anti-islam à Mannheim, a fait un mort, un policier qui s’était interposé.
Ces drames ont nourri la progression du parti d’extrême droite AfD, hostile aux migrants, qui a remporté un scrutin régional pour la première fois en septembre et réalisé des scores historiquement élevés dans deux autres. Le slogan de la politique d’accueil de l’ex-chancelière conservatrice, “Wir schaffen das” (“Nous y arriverons”), n’a jamais semblé aussi lointain. Au cours de la crise migratoire de 2015-2016, la première économie européenne a accueilli plus d’un million de réfugiés, dont de très nombreux Syriens. Depuis l’invasion russe de février 2022 en Ukraine, l’Allemagne a pris en charge environ un million d’exilés ukrainiens ayant fui leur pays. Aujourd’hui le pays compte quelque 3,5 millions de demandeurs d’asile. Et de nombreuses collectivités se plaignent de ne plus avoir les ressources pour assurer l’accueil.
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