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Macron, ses 20 jours jusqu’à la dissolution : nos révélations sur l’éviction d’Attal, l’influence de Darmanin, le rôle de Kohler


Le président ne peut pas se comporter ainsi. Il ne répond déjà pas aux SMS de ses amis qui lui suggèrent d’informer Gabriel Attal. Depuis ce matin, il ne répond pas non plus aux messages de son Premier ministre, qui voudrait caler l’organisation de la soirée des européennes. Trop, c’est trop. Même Alexis Kohler le pense. Lui aussi a tenté, en vain, de convaincre Emmanuel Macron. Alors le secrétaire général de l’Elysée décide, ce dimanche 9 juin, jour des élections européennes, de son propre chef de téléphoner à son alter ego à Matignon, Emmanuel Moulin. Vertige. A-t-il déjà accompli un tel geste sans en avertir le président ? Faut-il que la volonté de dissimulation d’Emmanuel Macron soit excessive et inconvenante pour que Kohler se pique ainsi d’autonomie ?

La veille au soir, après le dîner d’Etat en l’honneur de Joe Biden, lui et Moulin ont partagé un whisky. Avec des glaçons mais sans un mot sur ce qui est en train de se tramer. Cette fois, il est 18h40, l’annonce de la dissolution n’est plus qu’une affaire d’une paire d’heures. Et le Premier ministre qui ne se doute toujours de rien. “Je t’appelle, cela fait plusieurs jours que je dis au président qu’il faut qu’il parle à Gabriel, confesse Kohler. Moi je ne travaille pas comme ça donc je te le dis : il va dissoudre.”

A quoi reconnaît-on les grands fonctionnaires de l’Etat à qui le ciel tombe sur la tête ? Ils réussissent à articuler quelques mots, et pas les premiers qui viendraient à l’esprit d’un être normal : “Tu vas voir l’état des marchés demain.” Réplique désabusée du secrétaire général : “On n’a pas le choix, la situation est bloquée…”

Le directeur de cabinet du Premier ministre se trouve à cet instant dans les jardins de Matignon, il parle bas, une main devant la bouche pour dissimuler les “oh” et les “ah” que l’étonnement lui fait prononcer. Il entend son interlocuteur poursuivre : “Le président va appeler, laisse-le informer Gabriel.” Face à cette décision du patron, Alexis Kohler reste droit comme un K. Mais Emmanuel Moulin ne veut pas se courber : “Gabriel est face à moi, je ne peux pas ne pas lui dire.”

Revisiter l’histoire de la dissolution, c’est se trouver confronté à l’essence même du macronisme : une envie toujours plus forte de “renverser la table”, une aptitude à la duplicité, et ce fantasme de la solitude magnifique qui tout au long des deux quinquennats isole celui qui en 2022 s’est fait réélire en promettant “Avec vous”. Plus de quatre mois ont passé depuis le 9 juin 2024, le motif principal de la dissolution – “éviter le mur budgétaire de l’automne”, selon l’Elysée – paraît étrange tant le budget agite et tourmente l’Assemblée ; pourtant, ni les regrets ni les doutes ne s’immiscent dans l’esprit d’Emmanuel Macron. “C’était la bonne solution, il faut l’assumer devant l’Histoire, plastronne-t-il devant ses conseillers. Regardez la situation aujourd’hui, c’est la preuve que la censure était inévitable ! Et cela aurait eu deux effets : premièrement, une crise financière car nous n’aurions pas eu de budget, deuxièmement, un risque d’effacement du bloc central.”

1. Les crises du jour d’après

Le chef de l’Etat s’en rend-il compte ? Le lundi aurait pu être pire que le dimanche. A la crise dans les urnes a failli s’ajouter une double crise institutionnelle. Les premières heures de la journée du 10 juin illustrent l’amertume et le ressentiment que ce président sait, mieux que quiconque, éveiller chez ses alliés de la veille. Elles dessinent le risque, aussi, auquel l’expose son obsession pour la prise de décision solitaire et sa quête permanente “du coup de tonnerre de la surprise”, comme le note François Bayrou.

Le premier drame se joue rue de Varenne. Est-ce à cela que ressemble ce qu’on appelle l’état de choc ? Depuis qu’il sait, Gabriel Attal n’y voit plus clair, il est hagard, médusé. Autour de lui, ses conseillers, la presse l’ébruitera, versent quelques larmes. Rage ou chagrin ? Les deux mon président. “Des gens brutaux qui s’étonnent que l’on soit brutaux avec eux”, évacue un stratège élyséen. Emmanuel Macron, à qui parviennent les sanglots longs de Matignon, n’a le cœur ni blessé ni blême. Pire, il rit. “Pauvres petits”, l’entendent ironiser certains. Ce qu’il ignore, c’est que le plus jeune Premier ministre de la Ve République songe à une riposte nucléaire. A la hauteur de l’affront. Car Gabriel Attal connaît sa Constitution. Il ne lui a pas échappé que le Premier ministre fait partie des trois personnages de l’Etat que le président doit consulter en cas de dissolution, comme l’exige l’article 12. Alors, quand il rejoint son cabinet le lundi matin, il a tranché : il va démissionner. Le dimanche, lors de son échange avec le président, il a courtoisement présenté sa démission, proposé “d’être un fusible”. Ce n’est plus de cela qu’il s’agit. Le chef du gouvernement veut claquer la porte. Avec ou sans l’accord du président. “Je me sens humilié”, souffle-t-il. “Tu ne peux pas faire ça, lui lance alors son directeur de cabinet. Tu es un homme d’Etat, tu es obligé d’assumer tes fonctions.” Et “ce qui arrive, c’est ta chance pour la suite”, renchérit un membre de sa garde rapprochée. Voici Gabriel Attal “remonté”, selon le mot d’un des acteurs de la scène, et prêt “à faire un hold-up sur la campagne des législatives qui s’ouvre alors que ce n’était pas le plan de l’Elysée”. L’histoire ne dit pas quel scénario Emmanuel Macron aurait préféré.

Lui n’a pas le goût de la tragédie : Gérard Larcher est un chasseur. Il a dans sa besace une sacrée cartouche mais il va songer trop tard à tirer un coup qui aurait retenti pour longtemps dans les annales de la Ve République. Sa cartouche, c’est un verbatim. Un peu avant 20 heures, quand il entend les rumeurs, il ne veut pas croire à une dissolution. Jusqu’au moment où il est informé de manière officieuse que le président s’apprête à lui téléphoner. Il comprend. Le moment est historique, fait exceptionnel, il demande à son directeur de cabinet de prendre en note la conversation avec Emmanuel Macron. Lors de la conférence des présidents du Sénat le lendemain, il indiquera, comme Le Monde l’a écrit, qu’il a versé cet échange aux archives. Il sera court… Une grosse minute de discussion. A peine a-t-il raccroché qu’il appelle Eric Ciotti, président de LR, lequel informe Laurent Wauquiez.

“On a peut-être loupé le coche”… Ce n’est que le mercredi que Gérard Larcher aura sa révélation : il aurait fallu dégainer immédiatement. Et saisir le Conseil constitutionnel pour non-respect de l’article 12 : comment peut-on sérieusement considérer qu’il a été “consulté” alors qu’il a simplement été “informé” et qu’il a “pris acte” ? Un président du Sénat saisissant les Sages pour non-respect de la loi fondamentale par le président de la République en personne : le geste eût été inédit.

2. Le plan B et le plan à éviter

Ah, si Emmanuel Macron avait écouté… Parmi ses fidèles mis dans la confidence, quelques-uns ont tenté de le dissuader de dissoudre le soir même des européennes. Comme François Bayrou, Sébastien Lecornu, le loyal et politique ministre des Armées, a fait part de ses réserves sur le moment choisi. Un autre homme a même pris la peine d’imaginer un scénario alternatif. L’ancien conseiller spécial du président, Philippe Grangeon, averti le samedi 8 juin par son ami Alexis Kohler que la dissolution représente une option sérieuse, se hâte de rédiger une note manuscrite qu’il fait porter à Emmanuel Macron au Touquet, à l’heure des croissants, le jour du scrutin européen. Dans ce texte, dont il n’a pas souhaité révéler le contenu, le cofondateur d’En Marche ! plaide pour la nomination d’un triumvirat dès le soir du 9 juin. Jean-Pierre Raffarin, Bernard Cazeneuve et Elisabeth Borne : trois anciens Premiers ministres, dont deux non-Marcheurs, chargés de rencontrer pendant un mois les différents partis afin de trouver les conditions politiques et programmatiques permettant d’élargir la majorité. A l’Elysée, ils sont plusieurs à juger l’idée pertinente mais le chef de l’Etat, lui, écarquille les yeux. S’encombrer non pas d’un mais de trois Premiers ministres ? ! Résolument contraire à l’esprit du macronisme ! “Ces gens-là ne veulent pas de moi”, évacue-t-il au téléphone avec Philippe Grangeon quelques heures avant l’annonce.

Ecouter ses aînés, à défaut de les entendre. Emmanuel Macron avait 19 ans, il ne laissera personne dire que c’est le plus bel âge de la politique. François Bayrou était ministre de Jacques Chirac le 21 avril 1997. Un jour du printemps 2024, il fait un cours d’histoire. Au président, il raconte avec force détails la dissolution de l’époque. Son raisonnement d’alors n’a pas varié. “Dans mon pays, la foudre tombe toujours sur le point le plus haut”, c’est-à-dire sur le sommet de l’exécutif, explique-t-il. A l’époque, il avait déjà son fameux logiciel, lui précise-t-il, celui avec toutes les données historiques de la carte électorale, qui prédisait, à juste titre mais contre tous les sondages, une victoire de la gauche. Ce logiciel, son “bidule” comme aime à le surnommer en rigolant Emmanuel Macron, il l’a encore apporté à l’Elysée pour montrer au président que la défaite sera au rendez-vous s’il précipite les événements. Une dissolution mal comprise est une dissolution ratée, insiste le centriste, et c’est en cela que 2024 ressemblera à 1997. Mais le chef de l’Etat croit, lui, qu’il va réussir parce qu’il fait l’inverse de Chirac. Son lointain prédécesseur avait consulté la terre entière au risque de voir multiplier les fuites – voilà un reproche qu’on ne pourra pas adresser à Emmanuel Macron ! Lui a opté pour le secret absolu afin que l’effet de sidération soit maximal. Et pour mieux montrer qu’il ne s’agit pas d’une dissolution de confort – Jacques Chirac voulait prolonger Alain Juppé à Matignon –, lui l’adosse à une claque électorale. A l’Elysée, une note circule, ses conseillers ont réécouté l’allocution de 1997. Trop longue, près de onze minutes. Macron fera donc court, cinq minutes. Sans réussir à convaincre du bien-fondé de sa décision. Cruelle leçon d’humilité : ne pas faire comme les autres ne garantit pas de faire mieux qu’eux.

3. Le vol de tous les fantasmes

Qui sont les privilégiés avec lesquels Emmanuel Macron a évoqué le sujet en amont ? Il est un vol qui alimente fantasmes, rumeurs et démentis, dans un seul but : réécrire l’histoire de la dissolution et, tant qu’à faire, s’exonérer de toute responsabilité. Le 23 mai, à 23h54, l’A330 du président de la République décolle de l’aéroport international de La Tontouta, en Nouvelle-Calédonie. Un premier vol jusqu’à Richmond, au Canada, d’un peu moins de six heures, puis, après une brève escale technique, un second vol de neuf heures et demie jusqu’à Paris. Gabriel Attal est persuadé qu’au plus haut des cieux, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu ont comploté pour persuader Emmanuel Macron de la nécessité de dissoudre. “On a prié Marie Guévenoux de quitter la table pour un échange entre mecs !” jure même un conseiller du Premier ministre. Or la ministre des Outre-Mer n’est pas à bord, il lui a été demandé de rester à Nouméa. A l’aller, il est vrai qu’elle est descendue de l’avion lors d’une escale, laissant le président seul avec ses deux ministres mâles. Mais il est alors focalisé sur sa mission dans l’archipel qui brûle. Quant au madré Gérald Darmanin, “il dort beaucoup”, selon un autre passager.

C’est au retour que la dissolution monte à bord. Le président le racontera lui-même à ses proches. Il fait venir le locataire de Beauvau pour un tête-à-tête politique. Aujourd’hui, Darmanin assure : “Seuls avec le président, nous avons parlé des affaires de l’Intérieur, où se profilait un certain nombre de nominations. Ensuite, nous avons évoqué le climat, mais pas la dissolution.” La mémoire fait parfois défaut aux meilleurs. Après tout, l’emploi du temps et l’esprit d’un ministre de l’Intérieur sont tellement encombrés… Comment se rappeler ce coup de fil qu’il passe à un fidèle historique d’Emmanuel Macron, quelques jours avant le déplacement, pour lui expliquer qu’il vaut mieux être offensif, éviter de s’adosser sur un budget d’austérité retoqué, et donc que la dissolution ait lieu avant ? Heureusement, son interlocuteur a des souvenirs pour deux. Il se remémore nettement le propos de Darmanin : “J’ai l’intention d’en parler au PR.” A son retour de Nouméa, le chef de l’Etat narre à ses conseillers ses échanges durant le vol, ravi d’avoir eu “un dialogue très nourri et très long” avec son ministre de l’Intérieur sur la dissolution.

4. Quiproquos et non-dits

Le Premier ministre qui reçoit son ministre de l’Intérieur, c’est le fonctionnement normal de l’Etat. Sauf que le lundi 3 juin, Gérald Darmanin met les pieds dans le plat : “Le président pense qu’on va faire 20 %, il va tomber de haut, je ne vois que deux solutions. Soit on passe un deal avec LR en changeant de gouvernement. Es-tu prêt à anticiper en nommant des ministres de droite ? Soit c’est la dissolution.” La quoi ? Gabriel Attal : “Jamais de la vie.” L’un ne pense qu’à ça, l’autre n’y songe pas un instant. Avant de partir, le ministre de l’Intérieur passe une tête dans le bureau du directeur de cabinet : “Gérald, comment on va se sortir de cette merde ?” Darmanin : “Il faut dissoudre !” Emmanuel Moulin : “Euh… Je te parlais de la Nouvelle-Calédonie !”

Gabriel Attal ne peut pas croire que le président l’ait laissé à l’écart d’une telle réflexion. Il n’a pas encore compris une chose : ce n’est pas qu’Emmanuel Macron ne le consulte pas, c’est qu’il s’est organisé pour l’exclure de l’opération. Quand le Premier ministre a demandé à le rencontrer pour évoquer l’après-européennes, il a écouté. Dodeliné de la tête. C’était trois jours plus tôt, le 31 mai. Pourquoi ne pas organiser des référendums annuels d’ici la fin du quinquennat, a suggéré l’hôte de Matignon pour s’acheter du temps et montrer un exécutif en initiative ? Oui, pourquoi pas ? Le président n’est pas contrariant, “il prend des notes”, se rappellera Gabriel Attal. Alors le chef du gouvernement déroule. Un risque de censure à l’automne, au moment du vote du budget ? Inexistant ! Il a vu tous les députés LR, il a même dîné avec Laurent Wauquiez quelques jours plus tôt, qui lui a indiqué qu’il n’avait aucun intérêt à provoquer la chute du gouvernement. Il détaille son repas au président et lui présente son plan : dès l’ouverture de la discussion sur le budget, il ira faire un 20 Heures à la télévision, s’engagera à ne pas recourir au 49.3. Emmanuel Macron écoute, opine, ça n’engage à rien. Mais ce dernier sait aussi, par son ami Richard Ferrand, ce que Gérard Larcher répète depuis la fin avril : la censure est inévitable, le président du Sénat demande juste d’éviter une dissolution.

Le chef de l’Etat dit rarement les choses les yeux dans les yeux mais il y a un éléphant dans la pièce. Et un éléphant, ça trompe énormément. La confiance n’existe déjà plus entre Emmanuel Macron et celui qui, à ses yeux, se pose beaucoup trop en Premier ministre d’une alternance qui ne dit pas son nom. Entre eux, ça n’avait pas commencé que c’était déjà terminé. Dissoudre, c’est passer Attal par-dessus bord et ça n’a jamais été un argument qui a dissuadé le président. Bien au contraire. Le 17 janvier, huit jours après sa nomination à Matignon, Gabriel Attal est à la Une de Paris Match. Crime de lèse-majesté : Emmanuel Macron déteste qu’on lui vole la vedette. Ce jeune homme en chemise, avec les drapeaux en arrière-plan, ce pourrait être lui. Sauf que c’est un autre. Explication de gravure entre l’Elysée et Matignon : les conseillers du nouveau Premier ministre prennent les devants. La Une ? “Pas prévue !” jurent-ils. Les collaborateurs du président n’en croient pas un mot, “ils te prennent pour un con avec le sourire”. La tension ira crescendo, jusqu’au jour où le déjeuner hebdomadaire qui réunit les deux clans commence par un lapin. Pas dans l’assiette, mais parce que les conseillers de Gabriel Attal ne se pointent pas au rendez-vous : ils n’ont pas aimé un écho anti-Attal dans la presse sourcé “un proche du président” et ont bombardé leurs interlocuteurs élyséens d’un “On ne veut plus vous voir” digne des cohabitations les plus guerrières. Qui est le bon, qui est la brute ? Les équipes du président répètent que “Gabriel Attal n’a pas la culture de la franchise”. La dissolution prouvera qu’Emmanuel Macron ne la possède pas davantage. Ils étaient faits pour ne pas s’entendre.

5. Week-end fatal à l’Elysée

La dissolution a commencé avant la dissolution. Sidéré, Gabriel Attal confiera même à des ministres la découverte qu’il a faite après coup : une première mouture du décret de convocation des électeurs pour les législatives aurait circulé entre l’Elysée et Beauvau, contournant soigneusement Matignon. Le vendredi 7 juin, Alexis Kohler passe commande à l’Intérieur d’une note sur les possibilités pratiques de tenir les élections – ce que Gérald Darmanin dit ignorer. Avant même le dimanche, une ébauche d’allocution présidentielle commence à être préparée. Ce n’est pas la plume habituelle du chef de l’Etat qui est sollicitée, on est en circuit court. La partie de ping-pong se joue entre le secrétaire général et le conseiller spécial communication et stratégie, Jonathan Guémas. Un souci de discrétion tel que “l’Elysée ne fait vérifier la constitutionnalité des dates que le dimanche”, écrit la rédaction de Politico dans le très informé La Surprise du chef (Denoël).

Décidément, si Gabriel Attal savait… Le 9 juin a même commencé le 6. C’est le jour le plus long. Sur la plage d’Omaha Beach, tandis qu’Alexis Kohler, exceptionnellement échappé de l’Elysée, synthétise un peu de vitamine D, lui vient l’envie, ou le besoin, de partager. Qu’une décision politique pèse lourd parfois… Il fait quelques pas pour rejoindre Thierry Solère, conseiller officieux du président venu de la droite, et murmure : “La coalition, ça ne vole pas, il n’y a que la dissolution. Qu’est-ce que tu veux qu’on s’allie avec des gens qui ne veulent pas nous aider… Puis, le budget va arriver.” Sans doute l’ignorent-ils mais à quelques mètres d’eux, une discussion similaire s’engage entre trois ministres. A Sébastien Lecornu et Christophe Béchu, Gérald Darmanin lance : “De toute façon, si les résultats sont comme ceux annoncés par les sondages, tout ça va se terminer par une dissolution.” Le ministre de la Transition écologique peine à dissimuler son effarement : “Ce serait un suicide.”

Le samedi soir, la table n’est pas encore renversée, heureusement, car un dîner d’Etat est donné en l’honneur de Joe Biden. Au cœur de ce week-end de folie, une réplique inouïe, qu’a relatée Le Point. En raccompagnant Nicolas Sarkozy à sa voiture, Emmanuel Macron lui lance un étonnant “On va bien se marrer”. La suite est tout aussi savoureuse. Alors qu’il est en route vers son domicile, avec son épouse Carla Bruni, l’ex appelle immédiatement Gérald Darmanin. Il ne voit pas trop ce qu’il y a de drôle à se prendre une raclée électorale, on peut lui expliquer ? Pas complètement… Le dimanche, le ministre de l’Intérieur envoie un SMS à Emmanuel Macron. Toujours son idée : soit un vrai deal avec LR, soit la dissolution. Lui au moins a droit à une réponse, un coup de fil même, du grand chef, qui s’apprête à voter au Touquet. S’il traite davantage son ministre de l’Intérieur que son Premier ministre, c’est parce qu’il accuse le second de “lui vendre sa soupe”. Depuis des semaines, le chef de l’Etat a le sentiment qu’Attal veut “sauver sa peau à Matignon”. Atteinte impardonnable à son autorité. Choisir de conserver un Premier ministre, prérogative du président. L’un de ses intimes pique : “Gabriel présente ses intérêts, Gérald, lui, balaie les options, sans se placer dans la balance des options.” Mais avec son goût de la formule : à combien d’interlocuteurs le ministre de l’Intérieur a-t-il glissé, l’air de ne pas y toucher, “La solution, c’est la dissolution” ?

Dimanche après-midi, le président se prend pour le facteur et sonne toujours deux fois. Ce n’est pas son métier premier, il y a donc anguille sous roche. Il est 16 heures quand Richard Ferrand reçoit un appel d’Emmanuel Macron : “Tu peux passer à l’Elysée ce soir ?” Jusque-là tout va bien. Quelques minutes plus tard, second coup de fil, coup de théâtre surtout : “Passe plus tôt, parce que je vais dissoudre.” “C’est audacieux, ça. J’arrive.” Depuis déjà plusieurs semaines, l’ancien président de l’Assemblée nationale a régulièrement échangé avec le chef de l’Etat. Il a senti sa préoccupation de redonner une cohérence à son action et la parole aux Français. De là à ce que celui qui met tant de temps avant de nommer un sous-préfet dans les Vosges fasse tapis le jour des européennes… “Jamais les Français ne voudront du RN, jamais”, lui assure Emmanuel Macron entre quatre yeux.

Epilogue

On connaît la suite : le Rassemblement national qui déboule en force au premier tour des législatives, mais qui échoue au second face au front républicain. Un président tellement débarrassé de Premier ministre qu’il n’en trouve pas. Il est l’heure pour Emmanuel Macron de se raccrocher aux branches. A un ami, il envoie dans un message WhatsApp un extrait de ce fameux échange télévisé du 2 mars 1986. Le journaliste Yves Mourousi à propos de la nomination d’un chef de gouvernement : “Il faudra tenir compte des conditions de certains pour être à vos côtés…” François Mitterrand : “Non non non, on ne pose pas de conditions au président de la République.” Mais c’est une autre histoire.




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