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Migrants : comment Meloni contourne la justice pour sauver son accord avec l’Albanie


Giorgia Meloni contre-attaque. Le gouvernement italien alliant la droite et l’extrême droite s’est réuni ce lundi 21 octobre en fin de journée. L’objectif : adopter un décret visant à contourner l’opposition des tribunaux à un accord controversé sur les migrants conclu avec l’Albanie.

Le gouvernement dirigé par la cheffe du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia (FDI) a signé fin 2023 avec Tirana un accord prévoyant la création de deux centres en Albanie, d’où les migrants secourus en Méditerranée pourront effectuer une demande d’asile. L’accord entre Rome et Tirana, d’une durée de cinq ans, concerne les hommes adultes interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans leur zone de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales.

Coup de théâtre judiciaire

Mais coup de théâtre judiciaire vendredi 18 octobre : les juges du tribunal de Rome ont décidé que les 12 premiers migrants originaires d’Egypte et du Bangladesh envoyés en Albanie devaient être reconduits en Italie. Un camouflet pour la dirigeante d’extrême droite qui entend donner son “plan Albanie” en “exemple” à l’Europe, et dans lequel l’Italie avait prévu d’investir 600 millions d’euros en cinq ans.

Le décret ministériel visant à contourner cet obstacle juridique, discuté lors d’un Conseil des ministres ce lundi soir, inscrit dans la loi la liste de 22 pays considérés comme “sûrs” par le gouvernement, pour toutes les catégories de personnes et tous les territoires. Ce décret doit entrer en vigueur immédiatement, puis être promulgué par le Parlement, où le gouvernement dispose d’une majorité. Cela signifie que Rome pourra traiter en urgence depuis l’Albanie les demandes d’asile de migrants originaires de ces pays.

Le tribunal italien ayant invalidé vendredi la rétention des 12 demandeurs d’asile a invoqué un arrêt rendu le 4 octobre dernier par la Cour européenne de justice sur les pays de provenance considérés “sûrs” par les pays d’accueil. Rome a récemment étendu la liste des pays d’origine “sûrs”, définis comme des Etats où il n’y a pas de persécution, de torture ou de menace de violence aveugle, à 22 pays. Mais cette liste comprenait des pays dont certaines régions n’étaient pas jugées “sûres”. Or la Cour européenne de justice estime que les Etats membres de l’UE ne peuvent désigner comme sûrs que des pays entiers, et non des parties de pays.

“Je ne pense pas qu’il revienne aux juges de dire quels pays sont sûrs, mais au gouvernement”, a fustigé vendredi Giorgia Meloni. “Je suis désolée qu’alors que toute l’Europe regarde avec intérêt quelque chose que l’Italie est en train de faire, on essaie comme toujours de nous mettre des bâtons dans les roues”, a dénoncé la Première ministre devant des journalistes.

“Les juges sont contre moi”

L’Italie est en première ligne face aux arrivées de migrants traversant la Méditerranée depuis les côtes nord-africaines. Giorgia Meloni, élue en 2022, avait promis d’arrêter les débarquements de migrants, d’accélérer les rapatriements et de contraindre ses voisins européens à davantage aider la péninsule.

Le gouvernement s’est déjà heurté à la justice lorsqu’il a voulu s’opposer au sauvetage de migrants en mer par des ONG. La tension est montée d’un cran dimanche quand Giorgia Meloni a divulgué sur les réseaux sociaux des extraits du courrier d’un juge du parquet à une association de magistrats. Dans celui-ci, le procureur général adjoint de la Cour suprême Marco Patarnello met en garde contre Giorgia Meloni, “plus forte et plus dangereuse” que l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi. “Nous devons y remédier”, affirme le juge Marco Patarnello dans ce courrier interne, preuve selon Giorgia Meloni que les juges agissent contre son gouvernement. “Les juges sont contre moi”, s’est lamentée la Première ministre, comme l’affiche La Stampa en une de son édition de ce lundi.

L’opposition italienne a dénoncé la publication tronquée de cet extrait et souligné que Giorgia Meloni n’avait pas publié le reste du texte, où le juge ajoute : “Nous ne devons pas faire de l’opposition politique, mais nous devons défendre les tribunaux et le droit des citoyens à une justice indépendante.”

Comme le relate Courrier International, la polémique a pris tellement d’ampleur qu’elle a même fait réagir Sergio Mattarella. Cantonné à un rôle neutre, comme le veut la Constitution italienne, le président de la République a cependant lancé un rappel à l’ordre au sujet des relations entre les institutions italiennes : “La collaboration, la recherche du compromis et le partage des points de vue sont essentiels pour leur bon fonctionnement et pour les services qu’elles rendent à la communauté.”




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