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EXCLUSIF. Familles monoparentales, déchristianisation… La grande bascule de la France vue par Jérôme Fourquet

Il est l’un des meilleurs observateurs de notre société. Après L’Archipel français et La France sous nos yeux (avec Jean-Laurent Cassely), Jérôme Fourquet revient avec Métamorphoses françaises (Seuil). Le politologue, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, dissèque par le biais d’infographies les transformations que notre pays traverse depuis plusieurs décennies. Au fil des courbes, des cartes et des camemberts, se dessine la grande bascule des quarante dernières années. Nous en publions, avec l’interview de l’auteur, des extraits exclusifs.

Evolution du nombre de familles monoparentales

Alors que, jusqu’au milieu des années 1980, la proportion de familles monoparentales était demeurée stable, elle a commencé à augmenter très rapidement à partir des années 1990. En 2018, 24 % des familles avec enfant(s) étaient désormais monoparentales, soit une proportion deux fois supérieure à celle de 1990. Cette situation, qui touche majoritairement les femmes – 85 % des familles monoparentales sont composées de femmes vivant seules avec leur(s) enfant(s) –, constitue une donnée majeure du paysage démographique et sociologique contemporain.

Naissances hors mariage

En moins de quarante ans, une situation hors norme s’est complètement banalisée et est devenue largement majoritaire. Cette échelle de temps correspond peu ou prou à la durée de la carrière d’un enseignant : commençant à travailler au début des années 1980, un instituteur a ainsi enseigné à des classes dont quasiment tous les enfants avaient des parents mariés, alors que, juste avant qu’il quitte l’Education nationale, la dernière classe qui lui a été confiée comptait 6 enfants sur 10 nés hors mariage !

Le morcellement des audiences

Parallèlement à l’effondrement de l’Eglise et du PCF, l’influence des grands médias de masse, qui participaient à l’élaboration d’une vision du monde commune et partagée, s’est effritée. Cela est vrai pour la télévision et particulièrement pour TF1. Première chaîne de télévision française, elle fédérait des millions de Français à la même heure devant le même programme.

Un nouveau rapport au corps

Alors que jusqu’aux années 1980 et 1990 la pratique du tatouage était en France quasiment inexistante et l’apanage de milieux très restreints (artistes, gens du voyage, repris de justice, marins, militaires, etc.), elle s’est considérablement répandue depuis les années 2000. Le tatouage fait donc désormais partie de notre paysage quotidien. Cette bascule culturelle et anthropologique s’est opérée parmi la génération qui est entrée à l’âge adulte (période durant laquelle la décision de se faire tatouer intervient le plus souvent) dans les années 1990. Depuis lors, le phénomène a encore gagné en intensité, puisque plus d’un tiers des 18-34 ans sont désormais tatoués.

Prénoms d’ailleurs

Le pourcentage de porteurs d’un prénom arabo-musulman parmi les nouveau-nés constitue un bon indicateur non seulement du degré d’assimilation culturelle de ces populations, mais aussi des dynamiques migratoires à l’œuvre. Sur le plan géographique ressort une hausse significative de la proportion des porteurs d’un prénom arabo-musulman parmi les nouveau-nés dans la plupart des départements entre 2001 et 2021. […]

Alimentée par une immigration légale et clandestine soutenue, la dynamique qui s’est enclenchée depuis une trentaine d’années a déjà transformé en profondeur la physionomie culturelle de la France, et des franchissements de seuils ont été opérés dans toutes les strates de départements. Cette diffusion de l’immigration sur l’ensemble du territoire se double d’une diversification des origines des migrants. Alors qu’une part très importante des flux provenait du Maghreb des années 1960 à 1990, d’autres nationalités sont aujourd’hui représentées : pays d’Afrique de l’Ouest, mais aussi du sous-continent indien, Chine, Tchétchénie, Albanie…

Les pandas de Beauval surclassent Chambord

Traditionnellement, l’industrie touristique s’était structurée à partir de sites ou monuments historiques ou de paysages ou régions remarquables. Les parcs d’attractions ont rompu avec cette logique, puisqu’ils ont été implantés ex nihilo et que leurs activités ont permis de faire converger un large public vers des lieux qui n’étaient pas réputés à fort potentiel touristique. On constate le même phénomène avec certains zoos et parcs animaliers. C’est le cas du ZooParc de Beauval, dans le département du Loir-et-Cher. Créé en 1980 autour de quelques centaines d’oiseaux, le parc a progressivement pris de l’envergure en agrandissant son périmètre et en étoffant son offre (avec l’arrivée notamment d’un couple de pandas, attraction phare du parc). Il est ainsi passé d’environ 250 000 visiteurs par an au milieu des années 1990 à 2 millions aujourd’hui, surclassant largement depuis l’arrivée des pandas le château de Chambord, qui était jusque-là le principal lieu touristique du département.

Le vote des Français en fonction de leur lieu de vie

Quand on s’écarte du cœur des grandes agglomérations, le vote Macron diminue progressivement et le vote Le Pen gagne en puissance. Ainsi, comme lors des précédents scrutins, on constatait encore en 2022 une corrélation entre le gradient d’urbanité et l’intensité du vote RN. Sur le plan national, ce vote passait en moyenne de 15,9 % à moins de 10 kilomètres du cœur d’une agglomération de 200 000 habitants à 22,6 % dans un rayon de 10 à 20 kilomètres puis à 25,6 % entre 20 et 30 kilomètres.

Le climax était atteint entre 30 et 60 kilomètres, avec un score moyen de près de 28 % dans ce que l’on peut qualifier de grand périurbain. […] Le vote Macron a suivi une trajectoire inverse avec un sommet dans le cœur des grandes agglomérations et un point bas dans le grand périurbain, même si dans ces territoires il bénéficiait d’un soutien non négligeable parmi les retraités. Autre point d’appui important pour Emmanuel Macron : les expatriés, qui l’ont massivement soutenu.




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