“La vérité ne devient pas fausse parce qu’on refuse de la voir”, rappelle l’essayiste Nicolas Baverez dans son essai intitulé Sursaut (éditions de l’Observatoire). Cette vérité, nos dirigeants, à commencer par le premier d’entre eux, se sont pourtant évertués à l’occulter le plus longtemps possible. Jusqu’à se faire rattraper par le mur de la dette et l’impasse budgétaire, dans laquelle s’est engouffré le pays.
Il reviendra à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale de dire comment on en est arrivé là. Un exercice démocratique indispensable, mais qui ne doit pas faire oublier l’essentiel : il est temps d’en finir avec ce mal qui ronge notre pays, que l’on peut résumer en trois chiffres. Un : nos dépenses publiques, devenues incontrôlables (57,3 % du PIB en 2023), dépassent de 9,2 % la moyenne des autres pays de la zone euro. Soit un écart de 260 milliards d’euros avec nos voisins. Deux : la charge de la dette, qui va passer de 55 à 80 milliards d’euros entre 2025 et 2027. Trois : notre crédibilité internationale, déjà largement entamée, comme l’atteste l’écart des taux d’intérêt entre Paris et Berlin. Voilà l’état de la France dont a hérité Michel Barnier en arrivant à Matignon.
Un budget d’urgence
Logiquement, le Premier ministre a bidouillé en l’espace de quelques jours un budget d’urgence. Un projet critiqué de toute part, démoli en Commission des finances, mais non exempt de qualités, et pas des moindres : il est courageux, et il fait (en partie) le job, en réclamant un effort budgétaire évalué à une soixantaine de milliards d’euros. Les députés hurlent, les ministres se pâment, les responsables d’opposition agitent la motion de censure. Beaucoup de postures, d’agitations inutiles et d’irresponsabilité collective.
Car à la fin, peut-on parler d’austérité quand le budget proposé en 2025 voit les dépenses publiques augmenter en volume de 0,5 % (hors inflation) après une hausse de 2,1 % cette année ? La France, biberonnée à l’argent public, doit apprendre à se sevrer si elle veut retrouver un minimum de crédibilité. Le temps presse : avant la fin du mois, Paris doit présenter sa feuille de route à Bruxelles pour faire revenir son déficit sous la barre fatidique des 3 % du PIB en 2029. Les mesures proposées par le gouvernement Barnier indiquent la bonne direction – sauf la baisse de l’aide au développement- mais restent loin du compte : après les premiers gestes d’urgence, Bruxelles attend désormais des réformes structurelles. Celles-ci sont connues : en finir avec le mille-feuille territorial coûteux et kafkaïen, mettre l’Etat central au régime sec, et moderniser une protection sociale trop gourmande et pas assez efficace.
Des réformes indispensables qui réclament de la part de nos gouvernants un sursaut. Attention, pas une cabriole de communication ni un tressaut imperceptible. Un vrai sursaut, de confiance, de responsabilité et d’engagement européen. Qui nous permette de dire, une fois l’effort engagé : “Nous ne sommes pas les plus forts mais nous comptons et nous sommes respectés. Nous ne sommes pas les plus riches mais nous sommes parmi les plus heureux” (le président Georges Pompidou, lors de ses vœux du 31 décembre 1970).
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