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Finances publiques : la folle remontée du Portugal, un exemple pour Michel Barnier ?


Deux, trois, voire quatre crans… Depuis la crise financière de 2008, Moody’s a pris l’habitude de diminuer en une seule fois, et de façon drastique, la note souveraine de plusieurs pays lorsque les signaux d’alerte sur leur dette viraient au rouge. La Grèce, l’Espagne, Chypre ou plus récemment l’Ukraine… La liste des victimes du courroux de l’agence de notation américaine est longue. Le cas inverse s’avère nettement plus rare. Il y a tout juste un an, Moody’s relevait pourtant la note du Portugal de Baa2 à A3, soit deux crans. Une reconnaissance du travail effectué depuis plus de dix ans pour redresser avec constance les comptes de l’État ibérique. Ce vendredi 25 octobre, l’agence de notation se penche de nouveau sur le cas de la France, qui, à l’opposé de son voisin lusitanien, a vu ses finances publiques se dégrader fortement.

Beaucoup d’observateurs utilisent le mot “miracle” pour décrire cette remontée spectaculaire, engagée après la crise des dettes souveraines. Les chiffres relatifs aux dépenses et recettes du pays sont de ce point de vue implacables. En 2010, le déficit public portugais culminait à 11,4 % du PIB, quand la dette publique atteignait, en 2014, son plus haut niveau à 132,5 % du PIB. L’hémorragie financière n’est plus qu’un lointain souvenir : en 2023, l’Etat lusitanien affichait un insolent solde budgétaire positif de 1,2 %, tandis que la dette publique était repassée sous la barre des 100 %. A ses côtés, la France fait pâle figure : son déficit est attendu à 6,1 % cette année et sa dette n’en finit plus d’exploser – 112 % au dernier relevé.

La constance portugaise

Engagé dans une course contre la montre pour ramener le déficit public français à 5 % en 2025, Michel Barnier pourrait déjà s’inspirer de l’opiniâtreté portugaise, bien que son destin politique ne soit pas totalement entre ses mains. “Au Portugal, il y a eu un consensus national pour stabiliser les finances publiques, puis les redresser, au sein de tous les gouvernements, de gauche comme de droite, qui se sont succédé. Malgré les chocs et les tentations, qu’il s’agisse par exemple du Covid et des “boucliers” qui en ont découlé, cet engagement a persisté dans le temps”, relate l’économiste portugais Ricardo Reis, professeur à la London School of Economics and Political Science (LSE).

De 2010 à 2013, le gouvernement a mis en place une série de mesures sous le signe de l’austérité. Il s’est d’abord attaqué aux dépenses dans la fonction publique. “Les fonctionnaires étaient relativement bien payés par rapport au secteur privé et leurs salaires étaient parmi les plus élevés de la zone euro”, précise Ricardo Cabral, professeur d’économie à l’École d’économie et de gestion de Lisbonne. A la clé : une baisse significative de 27 %. Le taux de TVA passe, lui, de 20 à 21 %, tandis que l’âge de départ à la retraite est relevé en 2013 à 66 ans et 5 mois, contre 65 ans auparavant. A l’heure où le NFP et le Rassemblement national disent vouloir détricoter la dernière réforme française en la matière, le cas pratique portugais plaide pour le chemin inverse. L’effort a ensuite été maintenu pendant douze années consécutives, sans relâcher la pression. “Nous savons que les tentatives d’ajustement budgétaire soudaines et concentrées sur une seule année finissent souvent par se retourner contre leurs auteurs “, souligne Ricardo Reis. Le locataire de Matignon est prévenu.

Une économie chamboulée

Néanmoins cette cure prolongée d’austérité budgétaire n’a pas été sans conséquences. “L’économie portugaise est devenue de plus en plus centrée sur les secteurs à faibles productivité et salaires, comme le tourisme ou la construction. Il y a par ailleurs des problèmes dans le fonctionnement de l’Etat et des services publics”, liste l’économiste José Reis, professeur à l’université de Coimbra. Le Portugal a été contraint de réduire de manière considérable l’investissement public, délaissant notamment sa politique du logement qui se retrouve aujourd’hui dans une situation bien plus critique qu’en France.

“En encourageant le tourisme, qui représente de 15 à 20 % du PIB, à la mode Airbnb, beaucoup de biens à vendre ou à louer ont été retirés du marché. Le fait d’exonérer d’impôts les retraités étrangers pendant dix ans a également diminué le nombre de biens sur le marché et les loyers sont aujourd’hui très élevés”, pointe Eric Pichet, spécialiste des finances publiques à la Kedge Business School. Une autre voie aurait-elle été possible ? “Au cours de cette période, l’économie, la société et l’Etat ont été mis au service de la dette”, relève José Reis. Un alignement des volontés dont on peine à voir le début du commencement dans les rangs de l’Assemblée nationale.




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