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Christian Lindner, le ministre qui veut faire tomber Olaf Scholz


Deux “sommets de l’industrie” concurrents, organisés sans concertation le même jour, ce mardi 29 octobre, par le Chancelier d’un côté et par le ministre des Finances de l’autre. Tout un symbole de la cacophonie qui règne depuis plusieurs mois au sein du gouvernement d’Olaf Scholz, entre le Chancelier et son ministre libéral des Finances, Christian Lindner, qui menace de quitter le gouvernement avant la fin de la législature. Chantre de la discipline budgétaire, dont il a fait son credo, Christian Lindner se comporte dans ce “gouvernement de progrès” comme un empêcheur de tourner en rond. Le chef du petit parti libéral (FDP) est un fervent défenseur du moteur thermique, de la vitesse illimitée sur les autoroutes, du maintien de l’énergie nucléaire, de l’argent liquide et de la réduction des dépenses sociales.

En substance, Lindner est en désaccord permanent avec le chancelier Scholz, mais aussi avec ses alliés écologistes. “Il se comporte depuis le début comme un leader d’opposition au sein du gouvernement auquel il appartient”, résume Markus Linden, politologue à l’Université de Trèves. “Sa tactique est d’affûter son profil libéral en faisant des propositions qui ne sont pas celles de ses alliés”, ajoute-t-il. Pour lui, la fin de la coalition a toujours été une option. Et elle devient de plus en plus sérieuse.

Une stratégie de sortie du gouvernement avant Noël

À moins d’un an des élections générales, prévues pour le 28 septembre 2025, les libéraux étudient en effet, en coulisses, une stratégie de sortie du gouvernement avant Noël. Depuis la rentrée, Christian Lindner laisse planer le doute sur son maintien au pouvoir en utilisant des formules toujours plus ambiguës. “L’automne sera celui des décisions”, a-t-il menacé à la fin de l’été sans préciser ce qu’il entendait par “décisions”. À la question posée par L’Express, fin octobre, de savoir s’il comptait encore rester ministre jusqu’à son terme, il a déclaré : “Quand un gouvernement obtient des résultats, quand les exigences des citoyens sont satisfaites, alors il serait insensé de ne pas poursuivre”, a-t-il déclaré.

Or, le gouvernement n’obtient plus de résultats depuis longtemps et il est sur le point d’imploser sur le budget 2025, toujours pas bouclé. Personne ne voit comment ce ministre pourrait encore se mettre d’accord avec Olaf Scholz avant la fin du mandat. Christian Lindner tire sur Olaf Scholz, mais aussi sur son allié écologiste, bête noire de tous les populistes allemands. “La politique financière ne peut pas corriger les erreurs de la politique économique”, a-t-il lancé à l’adresse de son collègue Robert Habeck, le ministre écologiste de l’Economie et vice-chancelier, à qui il reproche une “impuissance conceptuelle”.

Tandis que Olaf Scholz veut assouplir le sacro-saint “frein à la dette” à l’allemande pour relancer une économie en récession depuis deux ans, Christian Lindner continue de ne jurer que par la discipline budgétaire inscrite dans la Constitution, mais aussi dans le “Pacte de stabilité européen”, que la majorité des pays de l’UE ne respectent plus depuis longtemps. “Bruxelles est plus stricte que les règles allemandes. Cela signifie que nous devons sans doute faire plus d’économies en 2025”, insiste-t-il pour remettre de l’huile sur le feu. Christian Lindner se félicite d’ailleurs du “tournant” dans la politique budgétaire en France pour “éviter une nouvelle crise financière”. “Je partage la position de mon homologue français qui dit lui-même que le déficit est une menace pour le pays. […] Rien […] ne serait plus dangereux que de replonger dans la crise financière de 2008”, nous dit Christian Lindner.

Refusant toute mutualisation des dettes publiques en Europe, le ministre libéral fait de la surenchère dans le populisme light en réclamant notamment “la fin des tabous [sur l’immigration]”. “Les milliards dépensés pour l’immigration irrégulière […] Ce sont des milliards !”, peste-t-il. Il a réclamé la suppression du droit à l’allocation minimum de solidarité pour les Ukrainiens avec un basculement de leur statut vers celui des réfugiés. Une revendication inacceptable pour ses deux alliés de gauche. En quittant la coalition prématurément, les libéraux espèrent sortir d’une grave crise existentielle. Car le FDP, qui a toujours été un faiseur de roi ou de reine, est sur le point de disparaître de tous les parlements d’Allemagne.

Personne ne croit plus à l’avenir du parti libéral

Lors des dernières élections régionales, en septembre, il a réalisé des scores inférieurs à 1 %. Soit le début de la fin pour un parti qui dispose de quatre ministres au gouvernement fédéral. Tous les sondages confirment qu’ils ne pourront pas retrouver leurs sièges au Bundestag à la fin de 2025. Une dégringolade électorale dont Scholz et des écologistes seraient la cause : “Nos électeurs nous disent que l’on fait trop d’écologie et de social”, se justifie Christian Lindner.

Dans ce contexte, les élections anticipées donneraient du temps pour mener une campagne contre le Chancelier et ses alliés écologistes. Mais cette stratégie du “sabordage” est risquée. Car personne ne croit plus à l’avenir du parti libéral.” La peur de mourir pousse les libéraux au suicide”, ironise l’écologiste Johannes R. Becher, vice-président du groupe parlementaire en Bavière, qui les encourage à “rester à bord”.

Dans l’absolu, Christian Lindner pourrait annoncer son retrait du gouvernement d’Olaf Scholz à partir du 14 novembre, date d’une réunion qui promet d’être sulfureuse à la commission budgétaire du Bundestag pour boucler la loi de finances 2025. “Le Chancelier devra alors poser la question de confiance au Bundestag et déclencher des élections anticipées au même moment que les élections de Hambourg, début mars”, explique Markus Linden, qui ajoute que Christian Lindner a “plusieurs fois” rompu des coalitions dans sa carrière. Les Allemands n’ont pas oublié qu’il avait déjà plongé l’Allemagne dans l’une des plus graves crises politiques de son histoire en faisant capoter les négociations de coalition entre les conservateurs et les écologistes en 2017. “Mieux vaut renoncer à gouverner plutôt que de mal gouverner”, avait-il déclaré pour justifier sa décision. Tout est dit.




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