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Donald Trump ou Kamala Harris, qui l’emportera ? Les cinq scénarios de l’élection américaine


Tous les quatre ans, le monde entier se passionne pour la campagne présidentielle américaine, ses candidats souvent rocambolesques et ses rebondissements à foison. Cette édition 2024 ne fait pas exception. Elle est d’ailleurs historique à plusieurs égards : jamais un candidat n’avait renoncé à la course si près du scrutin, jamais un candidat n’avait fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat en pleine campagne… et rarement le résultat avait semblé si incertain. Dans les derniers sondages, l’écart séparant Kamala Harris de Donald Trump est presque systématiquement dans la marge d’erreur.

Les électeurs américains sont appelés aux urnes le mardi 5 novembre et, la seule chose certaine, c’est que le dénouement se jouera dans une poignée d’Etats indécis, que les médias américains surnomment les “Swing States”. Dans le reste du pays, l’élection semble jouée d’avance. Concrètement, cela signifie que la vice-présidente démocrate est quasiment certaine de remporter 226 des 538 grands électeurs et l’ancien président républicain, 219. Comme le seuil à dépasser pour l’emporter est de 270 voix au collège électoral, le camp Harris bénéficie d’un léger avantage numérique pour le moment.

Mais la partie est loin d’être jouée. L’avenir des Etats-Unis est actuellement entre les mains des citoyens d’Arizona, de Caroline du Nord, de Géorgie, du Michigan, du Nevada, de la Pennsylvanie et du Wisconsin. Aucun analyste ne peut prédire avec certitude quel candidat chacun de ces Etats pivots va plébisciter. En s’appuyant sur les derniers sondages et les dynamiques démographiques de chacun d’eux, L’Express a donc testé cinq hypothèses et dessiné cinq cartes électorales plausibles à moins d’une semaine du scrutin tant attendu.

Scénario 1 : Donald Trump gagne grâce à la Pennsylvanie

“Je me sens presque mal pour les concessionnaires automobiles”, fait remarquer J. J. Balaban, un consultant qui réalise des campagnes de promotion pour le Parti démocrate depuis vingt-deux ans. Il raconte que ces derniers jours, en Pennsylvanie, “il n’y a pas un espace publicitaire qui ne soit accaparé par la campagne présidentielle”. Il faut dire que les deux candidats jouent gros : avec 19 grands électeurs, l’Etat offrira le plus large contingent des sept Swing States à celui qui arrivera en tête.

Après la convention démocrate du mois d’août dernier, Kamala Harris distançait son adversaire d’un peu plus de 1 point, mais Donald Trump a refait son retard. Depuis la mi-octobre, il la devance même de 0,5 point, ce qui pourrait faire basculer l’élection. En effet, l’ancien président possède également une légère avance dans les Etats-clés du Sud, comme la Caroline du Nord ou la Géorgie, deux Etats historiquement républicains. Obtenir le vote des grands électeurs dans ces deux territoires et en Pennsylvanie suffirait à plier le match.

Les deux candidats le savent bien : grâce à ces soutiens dans le sud du pays, il existe plusieurs combinaisons pour que Donald Trump remporte l’élection. Ce n’est pas le cas de la vice-présidente. Si Kamala Harris perd l’Etat de Pittsburgh et Philadelphie, ses chances de victoire s’amenuisent fortement. C’est pour cette raison que, ces derniers jours, les équipes de campagne des deux camps labourent la Pennsylvanie. En dix jours, Harris et son colistier, Tim Walz, ont fait cinq apparitions dans l’Etat ; Trump et J. D. Vance en ont fait six. Preuve que ce territoire grand comme deux fois la région Grand-Est est devenu l’épicentre de l’élection. “Si vous aviez une boule de cristal qui permet de voir le résultat dans un Etat et un Etat seulement, choisissez la Pennsylvanie”, suggère J. J. Balaban.

Scénario 2 : Kamala Harris l’emporte en conservant le “blue wall”

Depuis le début des années 1990, le Parti démocrate a (presque) toujours pu compter sur ce que les commentateurs surnomment le “blue wall (mur bleu)”, à savoir une quinzaine d’Etats de la côte Ouest, du Nord-Est et de la région des Grands Lacs. Ensemble, ils disposent d’environ 43 % des voix au collège électoral et représentent donc un atout considérable pour le parti de Kamala Harris. Problème : ce “mur bleu” est nettement moins solide aujourd’hui qu’en 1992. Il a même vacillé il y a huit ans, lorsque le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie se sont ralliés de justesse à Donald Trump, avant de se reformer derrière Joe Biden lors de la présidentielle de 2020. Si elle l’emporte dans ces trois Etats cette année, Harris devrait obtenir exactement 270 grands électeurs.

D’ordinaire, les démocrates enregistrent de bons scores dans cette région industrielle, grâce à la forte mobilisation des syndicats. Le parti de Kamala Harris y a souvent réalisé de meilleurs scores chez les travailleurs blancs non diplômés du supérieur que dans les Etats plus agricoles du Midwest ou du Sud-Est. Jusqu’en 2016. Donald Trump avait engrangé de meilleurs scores que ses prédécesseurs républicains en surfant sur le ressentiment né de la désindustrialisation. Cette année, il s’est choisi un colistier originaire de l’Ohio, un Etat au carrefour de ces trois Swing States, dans l’espoir de séduire ces électeurs blancs qui tournent progressivement le dos aux démocrates. Et, d’après les sondages, sa stratégie fonctionne. Dans le Wisconsin et le Michigan, Kamala Harris disposait d’une avance de 2 à 3 points depuis le lancement de sa campagne, au mois d’août, mais, là aussi, l’écart s’est réduit.

Tout cela a de quoi rendre fébriles les équipes de la candidate. Elles redoutent un événement de dernière minute qui pourrait éloigner les électeurs indécis de la région, sachant que remporter ces trois Etats reste leur chemin le plus sûr pour garder la Maison-Blanche. C’est d’ailleurs ce que montre la stratégie publicitaire du parti : d’après l’entreprise AdImpact, qui analyse les dépenses des candidats, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin concentrent à eux trois près des deux tiers du budget publicitaire total des candidats. Ainsi les démocrates ont dépensé 359,3 millions de dollars en publicités politiques dans ces trois Etats, rien que sur les trois derniers mois. C’est plus de 100 millions de plus que les républicains sur la même période (251,4 millions).

Scénario 3 : Kamala Harris reproduit l’exploit de Joe Biden de 2020

Lorsqu’elle s’est lancée dans la campagne présidentielle, juste après le retrait du président sortant, Kamala Harris a bénéficié d’un engouement populaire certain. Tous les sondages la donnaient soudainement gagnante et même les parieurs ont fait monter sa cote de popularité, mais la dynamique s’est fortement réduite. Plus personne chez les démocrates n’ose croire que la vice-présidente pourra reproduire la performance de Joe Biden en 2020.

“Ça semble improbable, reconnaît Ben Nuckels, un consultant politique démocrate du Wisconsin, mais, s’il y a bien une chose que les Américains détestent, c’est de voir leurs droits supprimés… et c’est exactement ce qu’a fait Donald Trump.” Le stratège fait référence à la suspension par la Cour suprême de l’arrêt Roe vs Wade, qui légalisait l’avortement aux Etats-Unis. Lors de son premier mandat, Donald Trump y a nommé trois juges conservateurs, permettant ainsi à plusieurs Etats de revenir sur cet acquis social. Aujourd’hui, de nombreux électeurs – notamment des électrices – lui en veulent. “Depuis ce renversement juridique, en 2022, les républicains n’ont pas gagné une seule élection”, souligne Ben Nuckels, qui veut croire aux chances des démocrates. Aujourd’hui, environ deux tiers des Américains estiment que l’avortement devrait être “autorisé dans la plupart des cas”, d’après le Pew Research Center, un think tank américain spécialisé dans les études démographiques quantitatives.

Par ailleurs, dans l’Arizona, en Géorgie ou en Caroline du Nord, les métropoles de Phoenix, Atlanta, ou encore Charlotte sont des bulles démocrates qui explosent. Très dynamiques et très diverses, elles ont récemment vu arriver de nombreux jeunes diplômés qui aimeraient protéger le droit à l’avortement. Ces dernières années, les habitants de ces aires urbaines ont pris un poids de plus en plus important dans le corps électoral de leur Etat respectif et ils votent très largement démocrate. De quoi provoquer un raz de marée bleu ? Pas sûr que leur vote soit suffisant dans ces bastions du Parti républicain.

Scénario 4 : un grand Chelem pour Donald Trump

C’est un scénario qui paraissait encore improbable il y a quelques semaines. Pour Christopher Nicholas, un consultant politique qui travaille pour le Parti républicain de Pennsylvanie depuis quarante ans, la vice-présidente “possède encore un très léger avantage dans les Etats du blue wall, mais il est possible que les sondages la surestiment, comme ils l’ont fait avec Hillary Clinton en 2016″. Dans ce cas, Donald Trump pourrait remporter la totalité des Etats pivots.

“En 2016, les électeurs de Donald Trump étaient encore un peu timides, hésitants, admet Christopher Nicholas, ils sont beaucoup plus exubérants et revendicatifs aujourd’hui.” Selon lui, le différentiel entre les sondages et le vote réel au soir du 5 novembre devrait être moins important. Dans tous les cas, l’ancien président pourra certainement compter sur les Etats pivots du Sud : en Géorgie et en Arizona, par exemple, les dernières enquêtes le donnent en tête, à quelques dixièmes de point de la marge d’erreur.

Il peut aussi compter sur des soutiens de poids. Elon Musk, le milliardaire propriétaire de Tesla et de X (ex-Twitter) s’est récemment rallié à la candidature du magnat de l’immobilier. Dans ses apparitions publiques, il a même offert d’importantes sommes d’argent aux électeurs des Swing States qui donneraient leur vote à Donald Trump.

Scénario 5 : l’improbable hypothèse d’une égalité au collège électoral

Et si l’élection du président américain se jouait non pas dans un Etat-clé mais dans une ville-clé ? Le scénario semble improbable, mais reste plausible sur le plan arithmétique. De nombreux médias américains s’en sont d’ailleurs déjà fait l’écho : si Harris remporte les trois Swing States du Nord-Est et que Trump gagne dans les quatre du Sud, la balance pourrait se jouer à Omaha, la plus grande ville du Nebraska. Contrairement à la plupart des autres Etats, ce territoire agricole du Midwest a fait le choix d’élire ses grands électeurs par circonscription et non à l’échelle de l’Etat entier. Jusqu’à récemment, cela ne posait aucun problème, puisque toutes les circonscriptions votaient systématiquement pour le candidat républicain. Mais, en 2008 et en 2020, le “deuxième district”, qui comprend Omaha et sa banlieue proche, a choisi Barack Obama, puis Joe Biden.

En théorie, la ville pourrait de nouveau soutenir le candidat républicain cette année et risquer de provoquer une égalité au collège électoral. Dans ce cas, la Constitution américaine prévoit que la certification des résultats de l’élection présidentielle revient à la Chambre des représentants. Les délégations de chaque Etat doivent alors élire un seul représentant chargé de certifier l’élection. Le nombre de grands électeurs passe alors de 538 à 50, bouleversant complètement les équilibres du Congrès. “Dans ce cas, c’est Donald Trump qui l’emporterait sans aucun doute, analyse J. J. Balaban, les démocrates sont plus nombreux à la Chambre, parce qu’ils possèdent de nombreux élus dans les Etats très peuplés, comme New York ou la Californie. Mais en nombre de délégations, ils sont minoritaires.”

Pour l’heure, ce scénario catastrophe ne tourmente pas trop l’état-major du Parti démocrate. La plupart des sondages menés dans la 2ᵉ circonscription du Nebraska donnent une avance de plus de 5 points à Kamala Harris, bien plus que dans tous les autres Etats-clés. Mais peut-on vraiment l’exclure ? Cette campagne présidentielle a déjà connu de nombreux rebondissements inédits… Une surprise est si vite arrivée.




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