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Donald Trump : les quatre clichés historiques d’une campagne de tous les excès

Elles sont partout. Imprimées dans la presse, montrées à la télévision, diffusées sur Internet, publiées sur les réseaux sociaux. Les images percutent, sont partageables à l’infini. Donc restent. En show runner averti, Donald Trump l’a bien compris. Le désormais triple candidat à la fonction suprême bouillonne d’inventivité lorsqu’il s’agit d’exploiter la puissance d’Internet.

Ainsi, à six jours du scrutin, voilà le milliardaire républicain tout sourire, un gilet de signalisation orange sur le dos, grimpant dans un camion-poubelle siglé “Trump 2024”. “Ce camion est en l’honneur de Kamala et Joe Biden”, raille Donald Trump, accoudé fièrement à la fenêtre de son “garbage truck”. Un pied de nez du milliardaire au locataire de la Maison-Blanche, qui a maladroitement traité les électeurs républicains “d’ordures” en début de semaine.

Opération de communication réussie ? “Les commentateurs politiques martèlent que non. Reste que toutes les chaînes d’info ont interrompu leur programme pour montrer Trump dans son camion”, note Françoise Coste, professeure de civilisation américaine à l’Université Toulouse-Jean Jaurès. Des mises en scènes burlesques aux clichés à prétention historique, l’homme de 78 ans est passé maître du personal branding. Alors que la course à la Maison-Blanche entre dans sa dernière ligne droite, L’Express revient sur quatre clichés qui ont fait la campagne du candidat républicain.

La “photo de l’année” : le Mugshot

La photo d’identité judiciaire de l’ancien président américain Donald Trump, publiée le 24 août 2023

Que ce soit pour exploiter les gaffes de ses adversaires ou transformer ses faiblesses en forces, le chantre du MAGA (pour Make America Great Again, slogan de campagne utilisé par Ronald Reagan lors de la campagne présidentielle de 1980 et reprise par Donald Trump) se sert des images comme de véritables armes politiques. Début août 2023, Donald Trump est inculpé pour avoir tenté d’inverser les résultats de l’élection de 2020. Deux semaines s’écoulent avant que sa photo d’identité judiciaire ne soit rendue publique par les autorités de l’Etat de Géorgie.

En quelques minutes, le fameux mugshot d’un Donald Trump au regard sévère fait le tour du planisphère. Sur la toile, les internautes se déchaînent. Ses partisans vitupèrent, dénoncent le “harcèlement judiciaire” qu’il subit. Jamais un président de la première puissance mondiale n’a été photographié en prison. En 1872, Ulysses Grant avait été arrêté pour excès de vitesse. Mais comme le raconte The Economist, le 18e président des Etats-Unis était parvenu à échapper à un cliché qui aurait fait les choux gras de la presse.

Un siècle et demi plus tard, c’est l’inculpé lui-même qui publie le cliché sur les réseaux sociaux. Et pour ajouter de la puissance au geste, l’homme d’affaires choisit X, qu’il avait boycotté après la suspension de son compte en janvier 2021 suite à l’assaut du capitole. “C’est un visuel qui renforce l’image que Trump veut incarner : celle d’un résistant face au système”, explique Françoise Coste. Son équipe de campagne s’empresse de lancer la production de milliers de produits dérivés placardés de la photo d’identité judiciaire.

La photo pour l’histoire : le poing levé de Butler

Si le mugshot constitue “la photo de l’année”, selon la formule du New York Times, celle du 13 juillet dernier revêt une dimension tout autre. Au pied de l’estrade sur laquelle Donald Trump trône lorsqu’une balle traverse le haut de son oreille droite, Evan Vucci, photographe pour Associated Press, capture un moment qui pourrait “définir et façonner l’histoire”, titre le journal conservateur britannique The Spectator.

L’image est saisissante, d’une puissance visuelle rare. Le contraste entre le visage ensanglanté et le poing levé du candidat, au-dessus duquel flotte un drapeau américain, donne à la photo un air de mise en scène digne des plus grands cinéastes hollywoodiens. Pour l’équipe du candidat, ne pas transformer le cliché en un outil de propagande politique serait une faute stratégique, une occasion manquée de renforcer l’image d’un Donald Trump menacé, traqué, acculé.

“Sur la photo, Donald Trump se montre fort, combatif, aux antipodes de l’image véhiculée par Biden les semaines qui ont précédé la tentative d’assassinat”, relève Françoise Coste. L’historienne décrypte ce qu’elle perçoit comme une mise en scène de l’instantanée : “Dans cet événement qui aurait pu lui coûter la vie, Trump a l’instinct de se lever, de montrer son visage ensanglanté, de lever le poing, de crier ’fight'”.

La photo sympa : “McDonald’s Trump”

Mais Donald Trump n’affectionne pas seulement les mises en scène guerrières. D’autres sont plus légères. Un restaurant McDonald’s a ainsi été privatisé le 20 octobre dernier afin qu’il puisse jouer, le temps de quelques photos, un serveur de la célèbre chaîne de fast-food. Sous l’œil des caméras, le milliardaire enfile un tablier, prépare des cornets de frites, et sert même des commandes au drive à… des membres de sa campagne.

Une opération de communication à triple visée politique. Premièrement : cibler Kamala Harris. Début octobre, la vice-présidente avait affirmé avoir travaillé pendant ses études dans un restaurant de la chaîne de fast-food au début des années quatre-vingt. Un mensonge, jure Donald Trump, qui raille au bout d’un quart d’heure : “J’ai désormais travaillé quinze minutes de plus que Kamala, puisqu’elle n’a jamais travaillé ici.”

Deuxième objectif : donner l’impression d’une proximité avec l’électorat populaire. “La grande majorité des Américains qui se rendent régulièrement au McDo est issue de classes défavorisées et de minorités ethniques, un électorat qu’il cible”, explique Françoise Coste. Enfin : repartir avec une pile de photographies pour alimenter ses réseaux sociaux, tout en “détournant les regards de son programme remplis de mesures impopulaires qui pourraient rebuter”, ajoute l’historienne.

L’image AI : Taylor Swift et son – fake – endorsement

Donald Trump ou l’art de faire siens les atouts de ses adversaires. Kamala Harris a, comme des millions d’étudiants américains, travaillé dans un McDo ? Lui crie à la fake news, et inverse les rôles en se déguisant en serveur de la chaîne de restauration rapide. Taylor Swift s’apprête à soutenir Kamala Harris ? Même schéma : il dément, fait en sorte de tourner l’annonce à son avantage, allant même jusqu’à travestir l’image de la chanteuse au disque de platine.

Ainsi le candidat républicain publie-t-il, mi-août, une photo d’elle générée par intelligence artificielle, qui enjoint les internautes à glisser un bulletin de vote Donald Trump en novembre prochain : “Taylor wants you to vote for Donald Trump” (Taylor attend de toi que tu votes pour Donald Trump). En septembre dernier, Lauric Henneton, auteur de la préface de la biographie Taylor Swift, L’histoire d’un phénomène (éditions Hors Collection, 2024), expliquait dans les colonnes de L’Express que le détournement de son image avait précipité le soutien de Taylor Swift à Kamala Harris.

Un endorsement à deux mois du scrutin qui n’effacera toutefois pas l’image vue par plusieurs millions de personnes. “La force de Trump réside certainement dans le fait d’avoir compris plus que ses adversaires que les images étaient souvent bien plus efficaces que le déroulé des programmes politiques, ou l’explication de projets sur tel ou tel sujet”, explique Françoise Coste.

À quelques jours du 5 novembre, impossible de dire si ces visuels auront pesé dans l’issue de l’élection. Mais une chose est sûre, selon la spécialiste : en matière de communication politique, les deux candidats ne se battent pas à armes égales. “Sérieusement, vous imaginez Kamala Harris dans un camion de poubelle ? La presse la détruirait.”





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