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Elsa Faucillon, députée communiste : “Sur la laïcité ou les OQTF, Fabien Roussel navigue sur la mer réactionnaire du RN”


Le leader communiste Fabien Roussel chemine… Ou rumine-t-il ? Sa défaite lors des législatives lui reste encore en travers de la gorge. “Si je n’avais pas fait cette alliance, j’aurais conservé mon poste”, a-t-il récemment déclaré au Parisien. Le secrétaire national du PCF l’assure, s’il devait se représenter, hors de question de se rallier à nouveau aux Insoumis. Exactement pareil pour Elsa Faucillon, sauf que c’est parfaitement l’inverse… Fervente défenseure du Nouveau Front populaire (NFP), la députée des Hauts-de-Seine appelle les partis de gauche à plus de preuves d’amour. Mais le veulent-ils vraiment ?

L’Express : “Si je devais me représenter, ce ne serait pas dans une alliance avec LFI”, a affirmé Fabien Roussel dans les colonnes du Parisien. Cette déclaration, sans compter les tensions entre LFI et les socialistes, signe-t-elle la fin du NFP ?

Fabien Roussel varie beaucoup sur le sujet. Je me souviens de déclarations récentes où il expliquait l’inverse. “C’est une vague brune qui nous emporte”, a-t-il même dit après sa défaite aux législatives. Et assurait que reprocher à Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis sa propre défaite, c’était ne pas regarder la montée de l’extrême droite en face… Et puis Fabien préempte un débat que nous devons avoir au sein du parti. Comment peut-on imaginer que le dirigeant national d’un parti qui a fait moins de 3 % aux européennes pâtisse de l’alliance de toute la gauche avec le Nouveau Front populaire ? D’autant qu’il gagne 4 000 voix de plus dans sa circonscription. Pourquoi le RN en compte, lui, 12 000 de plus ? Là est le sujet. Lui, et nous tous à gauche, aurions eu moins de voix sans l’union de la gauche. Je sais que l’unité ne se suffit pas à elle-même, mais elle est un préalable nécessaire.

L’union de juin, toute l’union et rien que l’union ? Doit-elle être l’alpha et l’omega de toutes les décisions stratégiques de la gauche ?

L’union a surtout besoin d’un désir unitaire partagé. Tout le monde a conscience qu’elle est nécessaire, mais il faut l’articuler avec cohérence, en prenant en compte la diversité de la gauche, plutôt que de se parler sans cesse par tweets ou journaux interposés. La gauche a trop tendance à ne se parler qu’à elle-même, à se paraphraser. L’unité ne fait pas le tout mais elle est un gage de confiance et de crédibilité pour les indécis et les abstentionnistes.

Le NFP a fait les beaux jours des groupes socialiste et écologiste, qui ont quasiment doublé leur nombre de députés en juillet. Mais visiblement pas ceux de votre groupe, qui a perdu près de 20 % de ses parlementaires entre 2022 et 2024. Cette alliance ne vous est-elle pas néfaste ?

Il faut souligner que certains députés PCF sortants dans des circonscriptions et des villes historiquement communistes ont été battus. On n’est peut-être pas identifié comme les architectes de ce rassemblement, et nous le payons. La confusion d’idées portée par la direction du parti nuit beaucoup à l’identification de ce que sont les communistes dans le paysage politique.

En Isère, une élection législative partielle doit se tenir et elle est le fruit de batailles stratégiques entre LFI et le PS. Les premiers considèrent que le choix du candidat doit leur revenir, car tel le dit l’accord. Et les seconds prétendent qu’ils sont mieux placés pour l’emporter. L’union ou la gagne ?

Voilà un débat stratégique que l’on devrait avoir dans une structure où siègent les différentes composantes du NFP, et pas seulement les chefs des quatre partis… Mais pour qu’existe une pratique de l’union, il faut une volonté. A l’Assemblée nationale, nous menons un beau travail collectif d’opposition, solide, cohérent, mais cela ne suffit pas. Il faut porter l’idée d’une alternative majoritaire. Il faut dépasser les quatre murs d’une salle ou d’une Assemblée à Paris, créer une dynamique populaire. Je milite pour que des collectifs NFP naissent partout en France et s’attellent à des batailles politiques, de fond. L’idée n’est pas de se regarder dans le blanc des yeux en se disant que l’unité de la gauche c’est beau, mais que c’est utile à la conviction. On ne peut pas imaginer que seules des stratégies électorales, parfois prises devant le précipice, vont nous permettre de nous en sortir. Il y a une énorme bataille d’idées à mener sur les préoccupations des Français, du pouvoir de vivre à la lutte contre les déserts médicaux, de l’effondrement des services publics à la place du travail chez les Français aujourd’hui, sans oublier les discriminations.

A gauche, certains, dont Fabien Roussel, commencent à remettre en cause le principe de candidature unique pour 2027…

Je mets au défi quiconque de me faire la démonstration que l’on arrivera à gagner divisés et séparés. Mais la question se pose : arrivera-t-on à atterrir sur une candidature commune ? Il m’arrive d’en désespérer.

Fabien Roussel n’est pas le seul à penser que la gauche ne s’adresse qu’à l’électorat des villes, et délaisse celui des ruralités dont les préoccupations diffèrent parfois. François Ruffin aussi, et d’autres, même au PS. Là-bas, le vote RN y est très ancré…

Je disais que Fabien Roussel variait, mais il a aussi une ligne directrice : se démarquer des Insoumis de toute évidence, mais aussi de ce que sont les grands combats du PCF. Dans la dernière campagne des européennes, lui et le candidat du PCF [NDLR : Leon Deffontaines] ont tenu des propos sur la laïcité et la souveraineté qui glissaient sur le terrain réactionnaire. Je pense aussi à leurs réactions lors de l’ignoble meurtre de Philippine où ils se sont focalisés sur les OQTF plutôt que la culture du viol dans le pays. En faisant cela, il navigue sur la mer réactionnaire du RN. On doit tenir la tranchée quand il y a un risque fasciste. Si on glisse comme lui, celles et ceux qui ont déjà confiance en nous ne nous suivrons pas. Ils attendent de nous la bataille pour le pouvoir d’achat autant que la lutte contre le racisme. L’ambition, c’est de convaincre le plus grand nombre et, quand on est à gauche, la mission est d’unifier les classes populaires.

Les électeurs du RN sont-ils perdus d’avance ?

J’ignore, d’une élection à une autre, comment un électeur d’extrême droite peut passer à gauche. La question du bouc émissaire est structurelle chez ceux qui votent RN. En revanche, il n’y a pas de miracle, cela passe par un énorme travail de démystification sur cette fausse idée de l’assistanat et de la prétendue “submersion migratoire”. Adressons-nous largement à tous les habitants. Tout en militant ardemment pour une candidature commune en 2027 (ou avant), nous avons aussi un travail en dehors des périodes électorales, un travail de militant, de fond, une bataille d’idées. Je milite avec d’autres à rendre publics les cahiers de doléances, il y a là une base fertile pour ce travail.

Certains députés de gauche ont hésité à voter la proposition de loi RN visant à abroger la réforme des retraites, d’autres affirmant même qu’ils l’auraient votée s’ils étaient encore parlementaires. Que révèlent ces hésitations à gauche à approuver un texte émanant de l’extrême droite ?

Le débat n’était effectivement pas simple, tout simplement parce qu’il s’agissait d’un piège tendu par le RN. Ils n’en ont que faire de l’abrogation de la réforme, ils tentent juste de s’acheter un vernis social. L’extrême droite n’a jamais été du côté des travailleurs, ni pendant la lutte contre la réforme des retraites, ni pendant les gilets jaunes, ni dans la longue histoire des mouvements sociaux. Les députés RN n’ont d’ailleurs pas voté notre amendement de suppression de la réforme dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Les électeurs nous ont demandé de tenir la tranchée, alors ne brisons pas les quelques digues qui restent. Lutter contre l’extrême droite n’est pas qu’un devoir moral, c’est une lutte politique, particulièrement pour les classes populaires.




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