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La méthode Keir Starmer : quand le leader travailliste s’inspire de Giorgia Meloni, Emmanuel Macron et… du Texas


L’arrivée de Keir Starmer au 10 Downing street au Royaume-Uni, en juillet, après 14 ans de pouvoir conservateur dominé par le traumatisme du Brexit, annonçait non seulement le retour de la stabilité politique mais également d’une action politique ancrée dans la réalité des faits, plutôt que menée par l’idéologie. Pendant toute sa campagne, Keir Starmer avait promis le retour du légendaire pragmatisme britannique. Et dans ce domaine, l’ancien procureur général devenu Premier Ministre, qui s’intéresse avant tout “aux politiques publiques qui fonctionnent, au-delà des idées préconçues”, a tenu ses promesses. Au risque de déplaire jusqu’au sein même de son parti.

Depuis la rentrée de septembre, le gouvernement travailliste de Keir Starmer a déjà présenté quatre nouvelles initiatives et projets de loi, inspirés par ce qui se fait ailleurs, en Italie, aux Etats-Unis et en France. Et ce n’est que le début. Keir Starmer regarde “ce qui marche chez ses alliés” sans préjugés. Bref, il fait son marché.

L’aile gauche “perturbée”

Début septembre, la visite de Keir Starmer à Rome pour parler avec Giorgia Meloni de ses recettes pour brider l’immigration illégale, a frappé les consciences outre-Manche et “perturbé” son aile gauche, à l’instar de Kim Johnson, député travailliste de Liverpool. Si Keir Starmer avait prévenu qu’il mettrait fin au projet conservateur d’envoyer les demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni dans des camps de triage au Rwanda, il avait également promis qu’il lutterait avec sévérité contre l’afflux de migrants – et notamment des “small boats” traversant la Manche depuis les côtes françaises.

Aucune différence de vues entre travaillistes et conservateurs sur la question de l’immigration illégale, juste une différence de méthode. Et au nom de cette méthode et de ce qui “marche”, Starmer n’hésite pas à s’afficher avec le chef de file de l’extrême droite italienne qui a réussi à réduire de plus de 60 % le nombre de migrants venus d’Afrique par bateau. Après ses entretiens avec Giorgia Meloni, Keir Starmer s’est déclaré particulièrement intéressé, non pas tant par les camps d’accueil des réfugiés délocalisés en Albanie, mais surtout par les accords financiers et de coopération passés entre l’Italie et la Libye, d’une part et, et entre l’Italie et la Tunisie, d’autre part, pour dissuader les migrants en amont de leur périple, c’est-à-dire avant même qu’ils ne quittent le continent africain et tentent de traverser la Méditerranée.

Surpopulation carcérale : l’exemple texan

Si une petite partie de ses troupes accuse Keir Starmer de faire le grand écart politique, les sondages montrent qu’une nette majorité de Britanniques sont en faveur d’une solution pour arrêter l’immigration clandestine, d’où qu’elle vienne. Quand on sait que le projet des camps au Rwanda a coûté 700 millions de livres sterling (soit près de 825 millions d’euros) aux contribuables britanniques avant même de débuter, l’investissement de Giorgia Meloni en Tunisie, de l’ordre de 200 millions d’euros, avec des résultats tangibles en seulement un an, semble pertinent aux yeux de l’administration Starmer.

Autre sujet brûlant au Royaume-Uni, la surpopulation carcérale. Et cette fois-ci, c’est vers le Texas que l’équipe de Keir Starmer, et notamment sa ministre de la Justice Shabana Mahmood, s’est tournée pour s’inspirer d’une loi introduite par le gouverneur républicain Rick Perry en 2007. L’évocation même du Texas comme modèle carcéral a tout d’abord fait frémir nombre de travaillistes. Cet État américain ayant exécuté 590 prisonniers ces quarante dernières années, soit le tiers de tous les condamnés à morts aux Etats-Unis, totalise la population carcérale la plus importante du pays avec 450 détenus pour 100 000 habitants.

Comparés aux 143 prisonniers pour 100 000 habitants en Angleterre et au Pays de Galles, on pourrait légitimement se demander quelle leçon le gouvernement Starmer compte tirer du modèle texan. Il se trouve que la réforme introduite en 2007 par Rick Perry a aidé à la réhabilitation et la réinsertion des prisonniers. Un système de points favorisant ceux qui se portent volontaires, au sein de la prison, à des formations professionnelles, des thérapies et traitements de désintoxication, permet de réduire la durée de leurs peines en prison. Depuis 2007, la population carcérale au Texas est passée de 152 000 à 129 000 personnes et la criminalité a baissé de 29 %. Les récidives ont diminué de moitié tandis que l’insertion professionnelle des anciens prisonniers a augmenté de 50 %. En Angleterre et au Pays de Galles, qui comptent près de 89 000 prisonniers, les récidivistes commettent 80 % des crimes chaque année.

Choose France imité outre-Manche

Si les exemples italien et texan n’ont pas encore été traduits dans les actes par des propositions de loi ou des plans gouvernementaux, en revanche, un projet de loi sur la fin de vie et le suicide assisté est actuellement examiné par la Chambre des Lords, sur proposition d’un de ses membres, ancien ministre travailliste de Tony Blair, et proche de Keir Starmer,Lord Falconer. Cette proposition de loi est copiée de la législation en vigueur dans l’Oregon, premier État américain à autoriser l’accès au suicide assisté médicalement pour les malades en phase terminale. Si cette loi concerne uniquement cette catégorie de malades, et non ceux qui souffrent au quotidien comme les malades de Parkinson, elle consisterait néanmoins une évolution importante outre-Manche où, voici seulement neuf ans, les parlementaires avaient rejeté un projet de loi similaire. La rencontre entre Keir Starmer et une journaliste célèbre, Esther Rantzen, atteinte d’un cancer des poumons en phase terminale et militante du suicide assisté depuis de nombreuses années, en a été le déclencheur.

Fin octobre, c’est enfin au président Emmanuel Macron et à la France que le gouvernement Starmer empruntait, pour ne pas dire copiait, le style et le concept de Choose France, opération de séduction des plus gros investisseurs étrangers organisée en grande pompe au château de Versailles. Ce qui n’a pas manqué, à nouveau, de faire jaser au sein du parti travailliste. Devant notamment les dirigeants de Goldman Sachs, BlackRock et Google, Keir Starmer a surtout vanté “la stabilité” politique retrouvée du Royaume-Uni. A Guildhall, l’ancien hôtel de ville londonien du XVe siècle, Keir Starmer a fait mettre les petits plats dans les grands : un menu conçu par Clare Smyth, la chef aux trois étoiles Michelin, suivi d’une réception présidée par le roi Charles III et d’un peu d’entertainment signé Elton John. Il s’agissait d’incarner auprès des plus grands investisseurs mondiaux la marque “UK”. Avec 63 milliards de livres sterling (soit 75 milliards d’euros) promis par les investisseurs, Keir Starmer peut se féliciter d’avoir obtenu près de deux fois plus que Rishi Sunak l’année précédente. Financièrement, au moins, pour Keir Starmer, le pragmatisme paie.




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