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Election américaine : et si les “expats” faisaient basculer le vote en faveur de Kamala Harris ?


A quelques jours d’un scrutin plus incertain que jamais, c’est par une lettre signée de sa main que Kamala Harris enjoint les Américains de l’étranger à se rallier à sa candidature en vue du 5 novembre prochain. “Cette élection définira l’avenir de notre pays pour des générations, et il est essentiel que chaque électeur américain, où qu’il se trouve dans le monde, ait la possibilité de participer”, écrit la vice-présidente le 24 octobre en appelant à s’enregistrer sur la plateforme Vote From Abroad, qui aide les expatriés dans leurs démarches pour voter. La démocrate le sait : dans cette élection qui se jouera sur le fil du rasoir, chaque voix compte. Celles des expatriés américains peuvent se révéler décisives.

Habituellement snobé par les campagnes des candidats, ce vivier électoral d’environ 2,8 millions de personnes aiguise aujourd’hui tous les appétits. D’autant plus que parmi elles, 1,6 million sont éligibles à voter dans l’un des sept Etats-clés (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, Caroline du Nord, Géorgie, Arizona, Nevada), selon le Comité national démocrate. “Dans une élection aussi serrée, toutes les voix sont importantes, souligne Amanda Klekowski von Koppenfels, chercheuse en migration et politique à l’Université de Kent. Les Américains de l’étranger pourraient représenter les 10 000 ou 20 000 voix susceptibles de faire la différence dans certains Etats.”

Niche électorale décisive

Avec son système de collège électoral, dans lequel le candidat doit remporter la victoire dans un nombre suffisant d’Etats pour obtenir la majorité des grands électeurs (270 ou plus), la présidentielle américaine peut se jouer à quelques milliers de voix dans une poignée de circonscriptions décisives. Lors de l’élection de 2000 entre George W. Bush et Al Gore, le républicain avait remporté la présidence – après une série de recomptages et d’actions en justice – grâce à sa victoire en Floride obtenue… à 537 voix près. “Les Américains de l’étranger font partie de ces petites niches électorales qui peuvent faire basculer un Etat particulièrement disputé”, confirme Nicole Bacharan, historienne franco-américaine spécialiste des Etats-Unis.

La dernière présidentielle a donné le ton. En Arizona, remporté avec seulement 10 000 voix d’avance par Joe Biden, les Américains de l’étranger avaient représenté plus de 18 000 suffrages. Un niveau de participation similaire à celui de la Géorgie, gagnée par les démocrates de 11 000 voix. S’il est difficile de connaître avec exactitude l’orientation politique des Américains de l’étranger, ceux-ci semblent tout de même favoriser les démocrates. Parmi toutes les personnes ayant utilisé l’outil Vote From Abroad entre 2020 et 2024, plus de 77 % se sont ainsi déclarées de gauche.

De quoi bousculer les scénarios établis par les instituts de sondage dans certains Etats ? “Les études d’opinion réalisées aux Etats-Unis ne prennent pas en compte le vote des électeurs américains vivant à l’étranger, souligne Amanda Klekowski von Koppenfels. Ils peuvent donc représenter une partie cachée du vote en amont du scrutin.” L’enjeu réside toutefois dans la mobilisation de cet électorat habituellement hautement abstentionniste. Selon le Programme fédéral d’aide au vote (FVAP), seuls 7,8 % d’entre eux avaient envoyé leur bulletin de vote lors de la présidentielle de 2020, contre un taux de participation de 67 % aux Etats-Unis. En cause : des contraintes logistiques pesantes forçant de nombreux électeurs à envoyer leur bulletin de vote par voie postale dans leur Etat.

Concours de séduction

Afin d’accroître la mobilisation de cette frange de l’électorat, le parti démocrate a, pour la première fois lors d’une présidentielle américaine, investi 300 000 dollars en août pour soutenir l’organisation Democrats Abroad, qui rassemble ses différentes antennes à l’étranger et fait campagne en son nom. “On s’attend à un niveau de participation qui sera équivalent voire supérieur à 2020, qui était déjà une année exceptionnelle”, souligne Amy Porter, porte-parole de Democrats Abroad France, à Paris. La mobilisation a été totale et nos équipes ont fait le maximum pour encourager le plus de gens possible à voter.” Pour séduire de nouveaux électeurs, l’antenne française a mené campagne en ligne et sur les réseaux sociaux, en plus de tables rondes physiques et autres campagnes d’affichage.

Donald Trump, lui, promet de mettre fin au système de double taxation qui touche les Américains de l’étranger – en obligeant tout citoyen américain à déclarer ses impôts sur le revenu aux Etats-Unis, quel que soit son pays de résidence. En parallèle, le Parti républicain a toutefois poursuivi une stratégie de défiance à l’égard de ces votes “d’outre-mer”, en cherchant à en contester la validité devant les tribunaux de trois Etats-clés. Les trois procédures ont cependant toutes été rejetées au cours du mois d’octobre.

“Les républicains ont préparé plusieurs angles d’attaque pour contester l’élection, note l’historienne Nicole Bacharan. Et le vote des Américains de l’étranger en fait partie.” En septembre, Trump avait déjà accusé, sans preuve, les démocrates de chercher à “tricher” grâce au vote des Américains de l’étranger. Une manière de préparer le terrain, en cas de défaite.




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