A Macon en Géorgie, le temps est radieux ce mardi 5 novembre 2024. Un jeune électeur américain se rend au travail et s’arrête devant son ancien lycée où est installé le bureau de vote du quartier où il a grandit. Il gare son pick-up sur le parking de l’établissement, enfile sa chemise et rejoint la file d’attente qui s’est formée à l’entrée du gymnase. Plus d’une vingtaine d’électeurs sont déjà massés là. Quand vient son tour, un volontaire vérifie son identité et lui indique une machine qui ressemble à un distributeur de billets. La manière dont se déroule le scrutin présidentiel aux Etats-Unis a de quoi rendre perplexe plus d’un électeur français. Devant sa machine-isoloir, notre citoyen américain ne glisse pas de bulletin dans une enveloppe, comme en France : il coche des cases. Beaucoup de cases. Il vérifie son vote une dernière fois et imprime son bulletin. Puis se rend devant une autre machine chargée de scanner et de récupérer son bulletin. “A voté !”
Cette scène ressemble à celle que vont vivre des millions d’Américains appelés aux urnes ce mardi. Lors de ce scrutin, ils ne voteront pas seulement pour élire leur président, mais aussi, souvent, pour leurs sénateurs, leurs élus à la Chambre des représentants, leurs élus locaux… Ils éliront certains membres de l’administration de leur Etat – leur shérif, leurs collecteurs d’impôts, leur procureur – et devront parfois se prononcer pour des mesures soumises à référendum par la législature locale. Tous ces scrutins ont un impact direct sur leur vie quotidienne, mais font, forcément, l’objet d’un traitement médiatique bien moins important que la course à la Maison-Blanche.
Les républicains visent le Sénat
Le Sénat américain est la chambre haute du Congrès, le parlement des Etats-Unis, et les équilibres politiques au sein de cette instance devraient être renversés. Après six ans de gouvernance républicaine, les démocrates avaient arraché une très courte majorité en 2020, qu’ils ont su garder lors des dernières élections de mi-mandat. Ils disposent aujourd’hui de 51 sièges (dont 4 occupés par des indépendants, souvent des anciens démocrates) sur 100, ce qui leur laisse très peu de marges de manoeuvre, d’autant que cette année la configuration du scrutin n’est pas à leur avantage.
Un petit point de droit constitutionnel s’impose : chaque Etat américain est représenté par deux sénateurs – peu importe sa population – et ces sénateurs sont élus pour six ans. Tous les deux ans, un tiers du Sénat est renouvelé. Problème pour les démocrates : cette année, deux tiers des sièges soumis au vote appartiennent à leur majorité. Rien n’assure que le parti de Kamala Harris pourra garder la majorité, or pour se maintenir à la tête du Sénat, les démocrates ne peuvent pas se permettre de perdre le moindre siège.
Sur les 23 sièges démocrates et indépendants remis en jeu, le parti est presque sûr d’en garder une quinzaine, comme en Californie ou dans les Etats du Nord-Est (New York, New Jersey, Delaware, Connecticut, Massachussetts). Deux sièges sont beaucoup plus disputés en revanche : celui de Joe Manchin, ancien sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, aujourd’hui indépendant, qui prend sa retraite cette année et celui de Sherrod Brown, le sénateur de l’Ohio. Renverser ces deux sièges suffirait à ce que les Républicains reprennent la main sur le Sénat, d’autant que le “Grand Old Party” devrait garder la totalité de ses 11 sièges renouvelés lors du scrutin du 5 novembre.
A la Chambre : objectif six élus !
La chambre basse du Congrès a un fonctionnement un peu différent. D’abord, elle est renouvelée en intégralité tous les deux ans. Ensuite, la carte électorale est dessinée en fonction de la population du pays et chaque Etat possède un nombre différent de représentants (52 pour la Californie, un seul pour le Wyoming, le Vermont ou le Dakota du Nord).
Après quatre années de gouvernance démocrate, les républicains étaient voués à reprendre largement le contrôle de la Chambre des représentants en 2022. Mais entre temps, la Cour suprême, largement acquise à l’agenda conservateur du parti, a renversé l’arrêt Roe vs. Wade qui autorisait l’avortement dans tout le pays. Cette mesure controversée (aujourd’hui, près de deux tiers des Américains se disent en faveur des droits reproductifs) les avaient affaiblis dans de nombreux Etats et ils n’avaient finalement remporté la majorité qu’à une poignée de sièges près. Ce mardi 5 novembre, ils espèrent élargir un peu plus cette majorité. Rien n’est encore gagné : de leur côté, il ne manque que six sièges aux démocrates pour reprendre le perchoir de la chambre basse. Un résultat qui n’est pas hors de leur portée.
Cette élection s’annonce extrêmement serrée parce que la composition de la Chambre est assez figée. D’après une étude du Pew Research Center, 311 des 435 circonscriptions ont voté systématiquement pour le même parti entre 2012 et 2022, ce qui correspond à environ 71 % des sièges. 27 autres “districts” ont voté de manière constante à une exception près et seulement 28 circonscriptions ont élu à la fois des représentants républicains et démocrates en dix ans.
Si on se concentre sur les deux dernières élections, seulement 18 sièges avaient changé de couleur politique entre 2020 et 2022 (soit environ 4 % du nombre total de sièges). Ce sont ces régions que les observateurs de la politique américaine scrutent avec attention : les principaux sites d’information américains en ont recensés une vingtaine. Comme pour l’élection présidentielle, la majorité à la Chambre se jouera dans une poignée de territoires.
Des référendums dans plusieurs Etats
Tous les quatre ans, lors des élections présidentielles américaines, les Etats peuvent également organiser des référendums sur certaines mesures. Cette année, dix Etats vont par exemple interroger leurs citoyens sur la question des droits reproductifs.
Depuis la décision de la Cour suprême en 2022, la moitié des Etats américains ont déjà introduit des mesures restreignant ou interdisant le droit à l’avortement. A la suite de ces référendums, certaines interdictions pourraient être levées ou confirmées.
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