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Mémoire, conscience, perception… Les dix résultats les plus importants de la psychologie scientifique


Comme tous les scientifiques, les chercheurs en psychologie ont tendance à être très spécialisés et à mener des recherches sur des phénomènes étroits, comme le fait de savoir si les mots les plus fréquents dans la langue sont reconnus plus rapidement (oui), ou encore si lire un paragraphe sur la vieillesse conduit à marcher plus lentement (non, ce résultat n’a pas été reproduit). Si l’on n’a pas connaissance de tous les résultats antérieurs qui ont amené à formuler ces hypothèses, on peut se demander à quoi bon faire de telles expériences et douter de l’intérêt de la recherche en psychologie.

De fait, les chercheurs eux-mêmes se posent régulièrement la question. Certes, cent cinquante ans de recherche scientifique en psychologie ont produit suffisamment d’articles pour remplir une bibliothèque entière, mais qu’avons-nous appris en chemin de réellement important sur la psychologie humaine ? Le psychologue américain Adam Mastroianni a souligné qu’une partie des résultats de la psychologie s’étaient récemment avérés impossibles à reproduire, et avaient donc été retirés de la liste des résultats établis. Pour autant, cela n’a pas eu de conséquence significative sur notre compréhension de l’être humain, comme si le fait que ces résultats soient vrais ou faux n’avait en fait aucune importance. Mastroianni en conclut que contrairement à la physique et à la biologie, la psychologie n’a produit aucun résultat qui change vraiment notre compréhension du monde.

Aiguillonné par ce défi, l’éminent professeur de psychologie Paul Bloom s’est pris au jeu de lister dix grands résultats de la psychologie qui, s’ils n’ont pas changé la face du monde, sont à la fois robustes, surprenants ou intéressants, et expliquent bien des observations courantes. Les voici :

1. Les bébés ont une compréhension étonnamment sophistiquée du monde physique et social avant même leur premier anniversaire.

2. Notre expérience consciente du monde est fortement limitée ; si notre attention est ailleurs, nous ne voyons souvent pas ce qui se trouve juste sous notre nez.

3. La mémoire n’est pas un enregistrement exact et nos souvenirs du passé sont fortement déformés. Les faux souvenirs ne sont pas difficiles à implanter : si vous pensez avoir un souvenir parfaitement exact de quelque chose qui s’est passé il y a un an, vous vous trompez très certainement.

4. La perception est un processus inférentiel complexe ; ce que vous voyez est influencé par vos attentes inconscientes sur la façon dont le monde fonctionne.

5. De nombreux traits psychologiques sont fortement héritables, non seulement les plus évidents comme l’intelligence, mais aussi des traits plus surprenants comme le degré de religiosité.

6. De nombreuses différences entre les sexes sont spécifiques à une culture, mais d’autres, telles que les différences de désir sexuel, sont universelles et se manifestent partout dans le monde.

7. Nous surestimons la probabilité d’événements peu fréquents mais frappants, tels que les accidents d’avion et les attaques de requins.

8. Il existe une liste universelle de choses et d’expériences qui effraient les gens, quel que soit l’endroit où ils ont été élevés, comme les serpents, les araignées, l’obscurité et les hauteurs.

9. Il existe des caractéristiques universelles d’attractivité physique, telles que la symétrie du visage. Même les bébés préfèrent regarder les visages qui possèdent ces caractéristiques.

10. Des études menées sur des personnes issues de dizaines de pays différents montrent qu’au-delà du milieu de la vie, nous devenons plus agréables, plus consciencieux et moins névrosés.

Bien sûr, chacun de ces résultats mériterait une explication et une justification. Si cela vous intéresse, vous pourrez les trouver dans l’excellent livre Psycho de Paul Bloom qui vient d’être traduit en français (éd. Markus Haller).

Ce qui me frappe le plus dans cette liste, c’est qu’au moins huit de ces résultats portent la marque de la sélection naturelle. Lorsque la psychologie, au lieu d’égrener toutes les différences observables entre les cultures, se focalise sur les caractéristiques universelles, visibles dans toutes les cultures, elle dessine les contours de la nature humaine : pas un carcan déterminant entièrement ce que nous sommes, mais une enveloppe rendant certains comportements plus probables que d’autres dans la plupart des environnements. Elle découvre des traits psychologiques qui ne sont pas parfaits, mais qui ont permis à nos ancêtres de survivre et de se reproduire un peu plus que d’autres. C’est pour cela qu’ils ont été sélectionnés et que nous sommes là pour en parler.

En d’autres termes, cette liste donne raison à la psychologie évolutionnaire, cette sous-discipline qui vise à comprendre dans quelle mesure certains aspects de la psychologie humaine ont été sélectionnés au cours de notre évolution. La psychologie évolutionnaire est souvent critiquée car mal comprise, et mal aimée car ses résultats sont parfois jugés politiquement incorrects. Néanmoins, comme dans tout le reste de la biologie, seule l’approche darwinienne permet de réellement comprendre pourquoi les animaux étranges que sont les humains sont tels qu’ils sont, et de donner du sens à la fois à nos similitudes et à nos différences. Tout comme Darwin a radicalement changé notre vision du monde, l’application de sa théorie à la psychologie humaine est sans doute ce qui bouleverse le plus notre compréhension de nous-mêmes.




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