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Ahou Daryaei, l’étudiante iranienne dévêtue : le symbole d’une rébellion qui ne s’éteint pas


Une image forte fait le tour des réseaux sociaux depuis le 2 novembre, celle d’une jeune fille défiant le régime islamique. Harcelée sur sa tenue, Ahou Daryaei décide de se dévêtir et de camper en sous-vêtements au milieu de l’université. A travers son geste puissant s’exprime le ras-le-bol de toute une génération, confrontée à des restrictions toujours plus fortes. La vidéo de son geste circule depuis deux jours sur les réseaux sociaux, diffusée notamment par Amnesty Iran, sans qu’on sache quel a été son sort après avoir été frappée et emmenée par les autorités.

Que cette scène-là se passe aujourd’hui dans une université n’est pas anodin. A l’automne 2022, après la mort de la jeune Mahsa Amini, de nombreuses universités s’étaient soulevées, des sit-ins et des boycotts y avaient été organisés. Ces lieux sont aussi les premiers ciblés lors des nouvelles lois imposant des restrictions vestimentaires toujours plus importantes. Pourtant, cette université précise – une branche de l’université islamique d’Azad, consacrée à la “science et à la recherche”- un établissement privé éloigné du centre de la ville, n’est pas une des zones les plus rebelles. Elle s’y trouvait pourtant une jeune fille qui incarne aujourd’hui l’essence de la rébellion.

Ce n’est pas le premier incident de ce type dans un établissement d’enseignement supérieur. Dans une autre université de Téhéran, le président iranien Masoud Pezeshkian s’est fait houspiller par les étudiants lors d’un discours le 12 octobre dernier. En juin, cinq organisations étudiantes avaient dénoncé la mascarade électorale à travers une lettre ouverte diffusée via les réseaux sociaux en Iran et reprise par le site d’Iraniens en exil Iran Wire. “Il n’y a pas d’élections démocratiques dans la République islamique, ces élections ne sont qu’un masque sur le caractère dictatorial du régime”, affirmaient les étudiants, quelques jours avant l’élection de Masoud Pezeshkian.

Une islamisation de l’enseignement

Paradoxe du régime, la République islamique a eu pour effet de mettre sur le chemin de l’école beaucoup de jeunes filles issues de familles traditionalistes et religieuses, leurs parents étant rassurés par l’islamisation de l’enseignement. En Iran, 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes. Mais elles sont aussi des cibles. Au printemps 2023, des centaines de jeunes filles iraniennes avaient été empoisonnées au gaz au sein de leurs écoles. Lors du mouvement “Femme, Vie, Liberté”, les jeunes lycéennes avaient multiplié les gestes de désobéissance civile, déclenchant une intense répression à leur encontre.

La sociologue iranienne Azadeh Kian évoque la talibanisation du régime islamique, affirmant qu’aujourd’hui les religieux ne voient pas d’un bon œil ces études longues, qui reculent l’âge du mariage chez les jeunes femmes. Dans Lire dangereusement : le pouvoir subversif de la littérature en des temps troublés (Ed Zulma, septembre 2024), l’écrivaine iranienne exilée aux Etats-Unis Azar Nafisi écrit au sujet des Iraniennes : “Les Iraniennes pratiquent cependant un genre de résistance, qui n’est pas ‘politique’ au sens strict. […] Ces souffrances ont donné naissance à une forme de résistance qui transcende la lutte purement politique. Une résistance devenue personnelle.” Chaque Iranienne porte en elle les souffrances du collectif, des femmes emprisonnées, torturées, violées, tuées pour avoir revendiqué leur liberté.

L’autrice, connue aussi pour son best-seller mondial Lire Lolita à Téhéran (réédité aux Ed. Zulma, 2024), avait dû démissionner de son poste de professeur de littérature à l’université de Téhéran en 1981 pour avoir refusé de porter le voile. Les universités ont été un des lieux importants de la volonté d’islamisation de la société par le régime, au centre d’une “révolution culturelle” ayant entraîné l’éviction de milliers d’étudiants et de professeurs pour des raisons idéologiques. Mais malgré tous ces efforts, les étudiants ont été de toutes les grandes protestations depuis 1999 – un mouvement d’une très forte ampleur qui avait paralysé la capitale et les grandes villes pendant plusieurs jours -, jusqu’à “Femme, Vie, Liberté”.





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