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Françoise Coste : “Aucun démocrate n’aurait pu battre Donald Trump”

Donald Trump a réussi son incroyable pari. A 78 ans, le milliardaire va faire un retour historique à la Maison-Blanche en janvier prochain, quatre ans après l’avoir quitté. Au terme d’une campagne d’une rare violence, le candidat républicain a remporté l’élection présidentielle, ce mercredi 6 novembre. Une victoire bien moins serrée qu’initialement prévu par les sondages, après son arrivée en tête dans les Etats-clés de Caroline du Nord, Géorgie, Pennsylvanie et Wisconsin. “Il semble y avoir eu un vote caché d’hommes que l’on pensait démocrates en faveur de Donald Trump”, pointe l’historienne Françoise Coste, spécialiste du Parti républicain et auteure de Reagan (Perrin), une biographie consacrée à l’ex-locataire de la Maison-Blanche (1981-1988).

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L’Express : Comment expliquer ce retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ?

Françoise Coste : Il va falloir attendre d’avoir le détail des résultats. Mais la première hypothèse est que les hommes blancs, noirs et latinos, ont basculé vers Trump. Le pays pourrait ne pas être prêt pour élire une femme. Par ailleurs, la leçon est probablement que les Américains ont été traumatisés par l’inflation des dernières années et ont voulu punir les démocrates. On peut ajouter le fait que la question de l’immigration a eu plus de poids que celle du droit à l’avortement. Les démocrates avaient fait le pari inverse, mais ils pourraient avoir fait une erreur.

Par ailleurs, les républicains enregistrent aussi de bons résultats aux élections qui se déroulent en parallèle au Congrès, ce qui prouve qu’il y a une vague républicaine. Même dans les Etats gagnés par Harris, elle est à trois ou quatre points derrière les résultats de Biden en 2020. A New York, qui est un fief démocrate, elle s’est imposée de manière beaucoup plus serrée.

Le trumpisme n’était donc pas qu’une parenthèse…

Oui, cela nous montre que Trump n’est pas une anomalie. Et qu’il y a vraiment un mouvement profond de soutien à ses idées aux Etats-Unis. Les démocrates ne veulent pas l’entendre, mais il y a sans doute un grand ras-le-bol de l’immigration. C’est un sujet tabou, parce qu’évoquer la question entraîne des accusations de racisme, mais il faudra peut-être le mettre sur la table à l’avenir.

Donald Trump est également bien parti pour gagner le vote populaire. Cela nous montre un effondrement démocrate. Cette fois, on ne pourra pas dire qu’il a seulement gagné le collège électoral et que les démocrates avaient plus de voix. Ce serait vraiment la preuve d’un vote d’adhésion pro-Trump. Et cela marquerait une réelle différence par rapport à son élection de 2016.

Le parti démocrate pourra-t-il se remettre d’une telle défaite ?

Il va y avoir une grosse remise en question chez les démocrates. Et le bouc émissaire sera sans doute Joe Biden, qui sera accusé d’avoir attendu trop longtemps pour se retirer. Cela va probablement faire consensus au sein du parti démocrate, qui préférera sacrifier Joe Biden plutôt que de se poser des questions de fond sur les raisons de sa défaite. Ils ont tenté de mettre en garde contre le danger que représente Donald Trump sur des sujets comme l’immigration ou la démocratie, mais à l’évidence, les Américains ne le voient pas comme tel. Par ailleurs, la défense du droit à l’avortement et du droit des femmes ne semble pas être prioritaire pour l’électorat américain. Il faudra notamment analyser le vote des femmes blanches, qui ont peut-être voté en majorité pour Trump.

Un autre candidat démocrate aurait-il pu faire mieux que Kamala Harris ?

Je ne pense pas. Il est vrai qu’elle n’a pas eu beaucoup de temps pour faire sa campagne et que Biden a sans doute attendu trop longtemps pour se retirer. Mais dans le temps qu’elle a eu, elle s’est malgré tout bien débrouillée depuis le mois de juillet. Elle a réussi à tenir le parti, et faire une bonne campagne en proposant des idées intéressantes et concrètes sur le logement ou la santé, qui sont de vrais problèmes pour les Américains. Donc, à mon sens, personne au parti démocrate n’aurait fait mieux.

@lexpress

🇺🇸 Le camp démocrate vient de perdre la présidentielle américaine. Pour notre journaliste, Axel Gyldén, trois raisons expliquent cette défaite. 🔗 Lien en bio #usa #electionday #harris #trump

♬ son original – L’Express

Les sondages se sont-ils encore trompés ?

Oui, ils se sont trompés. Un récent sondage semblait encore donner il y a quelques jours l’avantage à Harris dans l’Iowa, que Trump a finalement largement gagné. Et les sondages donnaient un résultat tellement serré qu’il était considéré comme une évidence qu’il faudrait attendre des jours pour connaître le président, ce qui n’a pas été le cas. Même si ce n’est pas un raz-de-marée républicain, ce n’est pas serré non plus. Tout le monde pensait qu’il y aurait des votes cachés de femmes républicaines pour Harris. Mais il semble en réalité qu’il y ait eu un vote caché d’hommes que l’on pensait démocrates en faveur de Donald Trump. Le soutien des minorités pour les démocrates semble s’être effrité et les sondages n’ont pas su le voir parce que cela ne correspond pas aux modèles habituels.

Comment l’expliquer ?

En 2016, lorsque Hillary Clinton avait perdu, il y a eu une sorte d’aveuglement collectif sur les raisons de sa défaite. On a mis en avant le fait qu’elle n’avait pas fait suffisamment campagne dans la Rust Belt, ou qu’elle avait qualifié les républicains de “déplorables”. Mais on n’a jamais évoqué l’hypothèse d’une forme de misogynie qui traverse la société américaine. Le fait que la population ne se projette pas dans le fait d’avoir une femme présidente. Cela a été mis sous le tapis. Mais à l’évidence, la question doit être mise sur la table. Barack Obama avait commencé à voir venir ce sujet en appelant à ne pas négliger le vote des hommes afro-américains. Et il avait peut-être raison.

Comment la situation se présente-t-elle pour les démocrates dans les deux chambres du Congrès ?

Au Sénat, c’est fini pour les démocrates qui perdent leur majorité. Le mieux qu’ils pouvaient espérer, c’était de ne pas perdre de siège, mais ils en ont déjà perdu deux. En revanche, à la Chambre des représentants, ils pourraient encore sauver les meubles. Toutefois, même si les démocrates gagnaient la majorité à la Chambre des représentants, ce serait sur le fil. Avec la majorité au Sénat, ce sera confortable pour gouverner, il aura les mains relativement libres. Le Sénat est en outre très important pour les nominations à la Cour Suprême.





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