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“Je suis sidéré” : à Washington, récit de la nuit qui a vu Donald Trump reconquérir la Maison-Blanche

Cela a commencé dès l’ascenseur qui monte à la soirée électorale démocrate, au 4e étage de The Park, un bar à deux pas de la Maison-Blanche. “Je suis très nerveuse”, glisse une dame aux cheveux grisonnant. Dans la salle tapissée d’écrans tous allumés sur la chaîne de gauche MSNBC, l’humeur en début de soirée était encore à l’optimisme prudent. “Je trouve excitant l’idée d’avoir la première femme présidente, je suis fier que Kamala Harris soit arrivée jusque-là et elle va défendre le droit à l’avortement. Mais je suis anxieux”, reconnaît Chris, un jeune homme noir aux longues tresses.

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“Elle est qualifiée mais j’aurais aimé qu’elle se montre moins guindée, qu’elle fasse une meilleure campagne.” Il est interrompu par les acclamations. La télévision annonce que Kamala Harris a remporté le Maryland. Sa compagne Sanan dans une robe rouge vif, employée dans l’immobilier, se dit à cette heure-là confiante dans la victoire de la vice-présidente. “Mais je l’étais aussi pour Hillary Clinton en 2020”, confie-t-elle. A cet instant, Lauri Watzman, une sexagénaire coiffée d’une magnifique casquette décorée de mini-figurines de Kamala Harris et d’un badge “C’est Harris ou l’enfer”, veut elle aussi croire en la victoire démocrate. “J’ai vendu plein de casquettes, donc c’est bon signe. J’en avais vendu plein quand Barack Obama a gagné.”

A mesure que la soirée avance et que de plus en plus d’Etats basculent dans le camp républicain, les visages se tendent. Kennetra, une dame élégante fixe intensément l’écran où se succèdent les résultats. “C’est terriblement stressant. J’ai foi dans l’humanité mais parfois elle vous laisse tomber. Il ne me reste plus qu’à prier”, dit-elle en sirotant un cocktail Democrarita. Sur le menu, il y a aussi “Blue State punch” (Les Blue states sont les Etats démocrates), ou encore “Madame VP”…

C’est une tradition. Tous les quatre ans à Washington, les bars célèbrent l’élection en faisant assaut de créativité. Le Cork Wine Bar and Market propose un dîner pour 47 dollars, en référence au 47e président des Etats Unis. La chaîne Krispy Kreme offre un donut gratuit aux gens qui ont voté. L’Union Pub, lui, à deux pas du Capitole sert un “Orange cocktail”, en l’honneur de la chevelure de Donald Trump et un autre baptisé “Ils boivent les chats”, un clin d’œil à la théorie du complot propagée par Donald Trump et J.D. Vance qui accusait des Haïtiens dans l’Ohio de manger des chiens et des chants.

Autre bar, autre ambiance. A l’autre bout de la ville, sur H Street, le Dirty Water, un bar sportif, a organisé une soirée électorale pour les républicains, une minorité à Washington. Ils sont pourtant nombreux car on s’écrase. Il y a là surtout des hommes, jeunes, qui ont payé 35 dollars l’entrée. Ici on regarde Fox News sur les écrans et on boit de la bière dans une bonne humeur arrosée. A 22 heures, la salle explose. On vient d’annoncer que Bernie Moreno, le républicain a battu Sherrod Brown, le sénateur sortant de l’Ohio en poste depuis 18 ans. Il y a de quoi pavoiser. Les républicains sont maintenant sûrs de reprendre le contrôle du Sénat. “USA, USA !”, scande la foule. “J’étais un peu hésitant compte tenu des sondages mais là on a eu le Sénat et il semble que Trump soit prêt à remporter la Caroline du Nord et la Géorgie. Les choses s’annoncent bien”, résume Johnny, casquette rouge Make America Great Again vissé sur le crâne. Lorsqu’on lui demande quels sont les thèmes importants pour lui, il répond, “l’inflation et les guerres”.

Mêmes préoccupations chez Gabriel qui travaille dans le marketing. Il espère que Donald Trump une fois élu, va améliorer l’économie et “ramener la paix” en Ukraine, au Moyen Orient… “Je suis sidéré par ces résultats. Trump est en tête dans la majorité des Etats-clés, je ne m’attendais pas à ça”, dit-il encore sous le choc. Certes reconnaît-il, le candidat républicain a quelques “particularités”, lorsqu’on lui demande ce qu’il a pensé de son mime de fellation lors d’un meeting électoral. Mais comme tous les trumpistes, il est prêt à tout lui passer. “C’est Trump, il est ainsi. J’ai foi en ses conseillers, ils vont le canaliser à la Maison-Blanche. Il est mieux préparé et va être un président plus classique qu’en 2016 où il était un outsider.” Sur Instagram, le bar a écrit : “On roule pour Trump et on prévoit de faire sauter le champagne quand nous aurons gagné.” Ils n’ont peut-être pas très longtemps à attendre.

Chez les démocrates, en revanche, l’humeur est de plus en plus morose. Leah une jeune noire habillée d’un t-shirt “Madame la présidente” est déprimée : “Si Donald Trump gagne, je vais pleurer”, lâche-t-elle. Heureusement, le Diplomate, un restaurant pas loin, très prévoyant, offre pour la soirée électorale un petit sac qui contient notamment un paquet de mouchoirs. Pour des larmes de joie. Ou de désespoir.




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